LA CHARTE DU MANDINGUE : 1ère Déclaration des Droits Humains au monde date de 1222

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La Charte du Mandingue ou « Mandingue kalikan », aurait été proclamée en 1222, lors de l’intronisation de Soundjata Keita comme empereur du Mali, par la confrérie des chasseurs dont il en faisait partie. d’ailleurs Soundjata possédait le titre de Simbo « maitre chasseur »

  Cette charte est l’une des premières déclarations des Droits de l’Homme, elle a une vocation universelle. La charte est citée comme référence dans certains articles juridiques actuels et elle a même servi de modèle à nos constitutions.

 Elle pose en principe, le respect de la vie humaine, la liberté individuelle et la solidarité. Elle affirme l’opposition totale de la confrérie des chasseurs à l’esclavage qui était devenu courant en Afrique de l’ouest. En effet, l’abolition de l’esclavage fut une œuvre maîtresse de Soundjata Keïta.

Voici un extrait qui comporte sept paroles :
• 1 Respect d’une vie : Toute vie humaine est une vie.. Il est vrai qu’une vie apparaît à l’existence avant une autre mais une vie n’est pas plus ancienne, plus respectable qu’une autre vie. De même qu’une vie ne vaut pas mieux qu’une autre vie.
• 2 Réparation des torts : Toute vie étant une vie, tout tort causé à une autre vie exige réparation. Par conséquent, que nul ne s’en prenne gratuitement à son voisin, que nul ne cause de tort à son prochain, que nul ne martyrise son semblable.
• 3 L’esprit de famille et l’importance de l’éducation : Que chacun veille sur son prochain, que chacun vénère ses géniteurs, que chacun éduque ses enfants, que chacun pourvoie aux besoins des membres de sa famille.
• 4 La patrie : Que chacun veille sur la terre de ses pères (…) car tout pays, toute terre qui verrait les hommes disparaître de sa surface connaîtrait le déclin et la désolation.
• 5 Bannir la servitude et la famine : La faim n’est pas une bonne chose, l’esclavage non plus n’est pas bonne chose. Il n’y a pire calamité que ces choses-là, dans ce bas monde. Tant que nous disposerons du carquois et de l’arc, la famine ne tuera personne dans le Manden (…), la guerre ne détruira plus jamais les villages pour y prélever des esclaves. C’est dire que nul ne placera désormais le mors dans la bouche de son semblable, pour aller le vendre ; personne ne sera non plus battu au Mandé a fortiori mis à mort, parce qu’il est fils d’esclave.
• 6 Rejet de la guerre : L’essence de l’esclavage est éteinte ce jour d’un mur à l’autre du Mandé. Les razzias sont bannies à compter de ce jour au Mandé, les tourments nés de ces horreurs disparaîtront à partir de ce jour au Mandé. Quelle épreuve que le tourment ! Surtout lorsque l’opprimé ne dispose d’aucun recours. L’esclave ne jouit d’aucune considération, nulle part dans le monde.
• 7. La liberté d’agir, de parler : L’homme en tant qu’individu, fait d’os et de chair, de moelle et de nerfs, de peau recouverte de poils et de cheveux, se nourrit d’aliments et de boissons. Mais son « âme », son esprit vit de trois choses : Voir qui il a envie de voir, Dire ce qu’il a envie de dire et faire ce qu’il a envie de faire. Si une seule de ces choses venait à manquer à l’âme humaine, elle en souffrirait et s’étiolerait sûrement. »

Tel est le serment du Mandingue à l’adresse des oreilles du monde tout entier.

Soundjata Keita, le grand empire du mali

Soundjata Keita, fondateur de l’empire Manding et grand chasseur mythique, détenteur de la magie des fétiches, fut sans doute le roi le plus célèbre et le plus adulé dans l’histoire du Mandé. Né de l’union de Naré Manghan Konfata Konaté et de Sogolon KondéSoundjata avait de nombreux patronymes : Naré Maghan Djata, l’enfant du lion, Sogolon Djata, l’enfant du buffle, Simbo, grand chasseur, Sogo-Sogo Simbo, chasseur qui ne revient jamais bredouille, Manding Diarra, le lion du manding… Sa vie fut jalonée de nombreuses péripéties, qui donnèrent lieu à l’une des plus grandes épopées d’Afrique de l’ouest, un mythe fédérateur sur tout le territoire.

L’enfance de Soundjata

L’histoire de Soundjata débuta un soir de pleine lune, une nuit sombre, où les habitants du manding firent le même rêve. Ce rêve qu’un grand roi, sauveur du pays, viendrait au monde ce soir là. Ainsi, naquit Soundjata. Il passa son enfance paralysé des jambes. Il se déplaçait en rampant et ne disait mots. Il passait son temps assis, le visage serré, ayant l’air de réfléchir perpétuellement.

Un jour, sa mère préparait le repas et n’ayant aucun condiment pour sa sauce, elle alla à la rencontre de Tassouma Bérété, sa coépouse. Sogolon Kèdjougou lui demanda quelques feuilles de baobab pour préparer sa sauce. Sa rivale, qui ne l’aimait pas, ne se priva pas de l’humilier. Elle lui dit que son fils, lui, pouvait lui ramener un grand panier de feuilles de baobab et que Soundjata n’était bon qu’à rester là, assis. Sogolon, très vexé rentra chez elle en pleurant et se mit dans un coin pour se lamenter. Soundjata, l’ayant vu passer, s’approcha d’elle pour lui demander la raison de ses larmes. Elle lui raconta donc sa mésaventure avec Tassouma Bérété; aprés ce récit, il décida qu’il était temps! Il fit confectionner par les forgerons une énorme barre de fer car c’était aujourd’hui qu’il allait se lever. Les forgerons amenèrent péniblement l’énorme barre qui fit un bruit assourdissant en heurtant le sol de la cour. Soundjata l’empoigna et la releva d’un seul geste. Il prit appui sur la barre et se redressa en s’appuyant dessus. L’effort fut tel que la barre se tordit et pris la forme d’un arc. Ensuite, il se dirigea hors du village, et arracha un baobab qu’il vint déposer devant sa mère. «Maintenant mère, tu peux cueillir autant de feuilles de baobab que tu le souhaites».
Ainsi le lion du Manding s’était redressé.

Cet épisode ne fit qu’accentuer la haine de Tassouma Bérété envers Soundjata. Celle-ci craignait qu’il ne prenne le dessus sur son fils, Massa Dankaran Toumani, en secret, elle complotait pour s’emparer du pouvoir. Juste avant de mourir, le père de SoundjataFarakoro Makan Kègni, s’était longuement entretenu avec ce dernier. Il lui révéla les prédictions des devins et lui conseilla de quitter le Mandé car seul l’exil pourrait permettre au destin de s’accomplir. Soundjata était promis à un grand avenir.

L’exil

Sogolon, très inquiète pour son fils, le poussa à partir rapidement. Ils firent leurs bagages et prirent tout d’abord la direction de Krina pour chercher refuge auprès du roi Tana Massa Konkon. Mais la nouvelle arriva vite aux oreilles de la cour de Dankaran Toumani qui s’était emparé du trône. Ce dernier envoya un émissaire avec un chargement d’or afin que Tana Massa Konkon élimine Soundjata.

Le roi de Krina fit venir son hôte pour lui faire passer une épreuve, mais  réussie ou non, Massa Konkon devait dans tous les cas tuer Soundjata. Ce dernier passa l’épreuve avec succès et décida son hôte à le laisser partir. L’or apporté au roi étant antérieur à l’hospitalité donnée, il ne pouvait dignement se débarrasser de Soundjata. Ainsi la caravane continua son chemin et alla se confier à Soma Djobi Konaté, « le prêtre de Djobi« , à Kourouba sur la rive gauche du Sankarani. Mais Dankaran le retrouva une nouvelle fois et envoya à nouveau de l’or pour soudoyer Djobi KonatéSoundjata évita une fois de plus le piège et convainquit Soma Djobi de le laisser aller. Ils partirent donc chez Kôlen Massa Tourou Kèlen et la même histoire se reproduisit. Djata et sa suite prirent la route de Warankantamba-Fouga où vivaient douze sorcières qui avaient à leur tête Doussou Damba. Elles accordèrent l’asile à Soundjata mais ne tardèrent pas à se faire corrompre à leur tour. Ce dernier se tira une nouvelle fois de ce guet-apens et continua son exil en s’éloignant de plus en plus du Manding pour finir à Néma, province du Wagadou, dans le Sahel.
L’exilé fut accueilli par Nêma Nwouaman Faran Tounkara, patriarche de Nêma, qui lui donna des terres sur lesquelles s’installer avec sa mère Sogolon Kèdjougou, sa soeur cadette Sogolon Kolonkan, et ses demi frères Séné-Bori « Manding Bori » et Séné Bandjougou.

Soundjata profita de son long séjour à Nêma pour acquérir de nombreuses connaissances, notamment dans le domaine de la chasse. Il fut aussi initié au métier des armes et devint un grand guerrier. Il apprit cinq langues de la région qu’il parlait couramment en plus du Malinké.

Le retour

Pendant ce temps, en pays MalinkeSoumaoro Kanté, roi patriarche du Sosso, dévastait le pays emportant avec lui toutes les richesses du MandéMassa Dankaran Toumani avait tenté de négocier avec Soumaoro, roi des forgerons, mais aucun accord n’avait pu être trouvé. Lors de cette période Dankaran Toumani avait envoyé sa soeur, Nana Triban et Bala Fasséké, le griot que Farakoro Makan Kégni avait donné à Soundjata. Tous deux furent retenus par le roi du Sosso. La guerre entre Soumaoro et Djata était donc inévitable.

Tous les rois du Mandé fuyaient le pays devant Soumaoro Kanté, qui, dit on, commandait une armée de Djins (génies). Dankaran Toumani ne fit pas exception à la règle et partit en brousse où il s’installa. Il fondera ainsi la ville de Kissidougou, « la ville du salut ». Devant ce fléau, les devins expliquèrent aux mandinkas qu’ils devaient retrouver « l’homme aux deux noms », qui n’était autre que Soundjata. Une expédition se mit donc en route, avec à sa tête un frère de Tassouma BérétéTomono Magan Djan Bérété: « Magan Bérété le grand, de Tomono« . Aprés un long voyage, ils retrouvèrent enfin Soundjata à Nêma. Ils lui demandèrent de le suivre au Mandé car Soumaoro avait déjà ravagé le pays par huit fois et la prochaine pourrait bien être la dernière. Soundjata accepta.

La nuit suivante sa mère mourut et il l’enterra à Nêma, avant son départ. Le lion du Manding était bien décidé à débarrasser son pays de la souffrance infligée par Sosso Soumaoro et la nouvelle de son retour raviva l’espoir dans le coeur des Malinkés.

L’affrontement

C’est par Koulikoro que Soundjata et sa suite entrèrent au Mandé. Son armée était constituée de guerriers de Nêma et de braves de tous les coins du pays car Soumaoro Kanté se faisait des ennemis partout où il passait. Plus Soundjata avançait dans le Mandé, plus son armée grossissait. Il livra plusieurs batailles et rallia à sa cause de nombreux rois et généraux de guerre. C’est dans les plaines de Sibi que se retrouvèrent tous ces héros. Parmi eux, les plus célèbres sont sans doute Fakoli Koroma « Manden Fakoli » (neveu de Soumaoro), Tiramakan Tarawele « Dan Massa Woulani« , Tabon Nwouanan Faran KamaraNan Koman Djan… Après plusieurs victoires et quelques défaites, Soundjata s’était  rendu compte que ce que l’on racontait sur Soumaoro était vrai : le roi sorcier était protégé et toutes attaques de front étaient impossibles. Comment atteindre Soumaoro ?

Alors qu’à Sibi on préparait la nouvelle bataille et que les devins exécutaient leurs rituels, une nouvelle arriva. Nana Triban et Bala Fasseke c’étaient enfuis du Sosso. En effet, leur retour fut une bénédiction. Nana Triban raconta à Soundjata comment, après que son frère l’eut marié de force à Soumaoro, elle gagna la confiance du roi et découvrit ses secrets. Sa magie était puissante mais pas infaillible, un ergot de coq blanc pourrait transpercer le patriarche du Sosso et le faire plier.

La bataille de Krina

Les forces du Mandé étaient maintenant prêtes et sûres de la victoire. Alors que Soumaoro était déjà en route pour bloquer la route à Soundjata, ce dernier anticipa sa rencontre sur les rives du Djoliba (fleuve Niger). C’est à Krina qu’eut lieu l’affrontement final. Au petit matin, les deux armées étaient prêtes à en découdre et la bataille fut terrible. Soundjata n’avait qu’une idée en tête, s’approcher suffisamment de Soumaoro afin de décocher la flèche munie de l’ergot de coq blanc en guise de pointe. Ayant apprit la fuite de Nana Triban et Bala FassekeSoumaoro se doutait que le fils du Mandé connaissait son point faible. Il évitait soigneusement Soundjata fondant en priorité sur ses généraux. Malgré tous ses efforts, il ne put empêcher son rival de l’approcher et de décocher sa flèche. Malheureusement, Djata ne fit que blesser son adversaire, qui sentant ses forces et sa magie diminuer, décida de prendre la fuite. Les guerriers du Sosso voyant leur roi fuir abandonnèrent le combat. Soundjata se lança alors à la poursuite de Soumaoro, suivi de près par certains de ses généraux dont Fakoli. Après deux jours de poursuite Soumaoro fut rattrapé à Koulikoro. La légende dit que le roi vaincu disparut dans les grottes de Koulikoro juste avant que Soundjata ne s’en saisisse. Ce qui est sûr c’est que l’on n’entendit plus jamais parler du roi du Sosso après la bataille de Krina.

La paix enfin revenue

Après la défaite de Sosso Bali Soumaoro Kanté, tous les rois du pays envoyèrent des émissaires pour porter leur soumission à Soundjata, sauveur du Mandé. Les rois rebelles furent soumis de force par Soundjata et ses généraux. La ville des Sossos et le palais de Soumaoro furent détruis, mais le nouveau roi du Manding voulait plus pour sa patrie. Depuis longtemps sa mère lui avait fait promettre que s’il montait sur le trône, il devait, en priorité penser à ses sujets et abolir l’esclavage. De tout temps les Malinkés eux mêmes vendaient leurs semblables aux Maures et aux Soninkes contre du sel de gemme et des chevaux. Soundjata mit fin à cette pratique et quiconque s’opposerait à cette loi serait châtié. La charte de Kouroukan Fouga immortalisa les règles du nouveau MandéSoundjata établit les droits de chacun et scella les sanankuyas (parents à plaisanteries).

Quand tout fut réalisé, Soundjata retourna chez lui dans le vieux Manding. Certains parlent de Niani ou Nianiba (Niani la grande), d’autres citent Dakadjalan*. Soundjata Sogo-Sogo Simbo nouvel empereur du grand empire du Mali régna une trentaine d’années sur son empire qu’il fit prospérer. A sa mort, le Manding possédait de nombreuses richesses et son commerce était florissant. Soundjata Keïta reste dans le coeur de tous les Malinkés comme le plus grand roi que le Mandé n’ait jamais connu.

*[Wa Kamissoko dit que Niani est la première ville habitée par le père de Soundjata quand il mit le pied au Manding, mais que Soundjata est né et mort à Dakadjalan]

Informations receuillies dans les ouvrages de Y.T.Cissé et Wa Kamissoko griot de Krina « La grande geste du Mali », de D.T.Niane, Mamadou Kouyaté griot de Djeliba Koro et de divers articles.
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