SOMMET AFRIQUE-FRANCE : La grosse opération de charme et de communication.

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Le rideau est tiré sur le sommet France-Afrique nouvelle formule à Montpellier (France), où en l’absence des chefs d’Etats africains, le président français a échangé avec des jeunes africains de la société civile, triés sur le volet à l’effet de donner une orientation nouvelle aux relations entre la France et les pays africains francophones.

C’est certainement ce que des journalistes français avaient qualifié de « relations décomplexées » au début du mandat de M. Macron, et qui étaient censées mettre fin à la « Françafrique ».

Que faut-il attendre de cette rencontre-nouvelle formule et quelle  peut être sa portée ?

Assurément, pas grand-chose. Il est difficilement concevable que les problèmes soulevés par les jeunes africains soient inconnus du président français. Ensuite, il serait naïf de croire que les choses évolueront juste parce que des jeunes gens auront dit à M. Macron leurs ressentis relativement à la conduite de la France en Afrique. Il n’y a qu’à se référer à la réponse donnée à la question de l’ivoirien Arthur Banga pour se convaincre que sous le soleil, il n’y a rien de nouveau.

  1. Macron a étalé au grand jour la duplicité des autorités françaises, et leur conception à géométrie variable de la démocratie et du respect des constitutions en Afrique.

Ainsi, le président français peut condamner le tripatouillage de la constitution en Guinée, et trouver des justifications au même tripatouillage en Côte d’Ivoire. Il peut bien condamner le coup d’état au Mali et adouber celui perpétré au Tchad. Morceau choisi :

« …Le troisième mandat en Guinée, je l’ai condamné pendant et après les élections. Sur le coup d’état, on a soutenu la position de la Cedeao…En ce qui concerne la Côte d’Ivoire…je ne suis pas membre du parti au pouvoir…On ne pouvait pas savoir que celui qui était désigné allait mourir…On était dans un cas de force majeur. Tout va dans le bon sens dans ce pays actuellement…».

Cette réponse du président français, est une véritable insulte à l’intelligence des africains en général et des ivoiriens en particulier. Dans quel article de la constitution ivoirienne, il est fait mention du cas de force majeur dont il parle ? Lui viendrait-il  à l’idée (M. Macron) de solliciter un troisième mandat, après avoir épuisé les deux prévus par la constitution française, au motif que le successeur choisi par son parti « En Marche », est décédé ? Une telle hérésie ne lui effleura jamais l’esprit. Mais ici, c’est l’Afrique…

Cet état de fait, cette condescendance et ce paternalisme de mauvais goût doivent instruire les africains sur la responsabilité qui est la leur quant à la trajectoire qu’ils veulent imprimer à la marche de leurs pays. Ils doivent se rendre à l’évidence que personne ne mènera la lutte pour la souveraineté de leurs pays à leur place à l’effet d’en changer la destinée. La France défend ses intérêts qui ne coïncident pas toujours avec ceux des populations africaines. C’est une donne qu’on ne peut ignorer.

Il est également bon de signaler que le président français est presqu’au terme de son mandat. Si son objectif réel était d’en finir avec la « Francafrique » et donner une orientation nouvelle aux relations de la France et des pays africains, Il se serait pris un peu plus tôt. Que peut-il faire actuellement ?  Et rien ne dit qu’il sera reconduit dans ses fonctions. Alors comme l’enseigne une sagesse africaine : «  Si la grosse pluie qui s’est abattue sur le village n’a pas pu remplir un gobelet, ce n’est pas la rosée du matin qui le fera ». C’est tout dire.

Ce sommet organisé à coup d’un grand battage médiatique, n’est autre chose qu’une grosse opération de charme et de communication envers la jeunesse africaine, à un moment où l’image de la France est écornée et où sa présence est de plus en plus contestée dans de nombreux pays. Sans oublier non plus, la présence de plus en plus visible, affirmée et souhaitée de la Russie. Ceci explique cela.

Mais qu’est ce différencie fondamentalement ce sommet des autres ? Rien. Ceci ressemble fort bien aux messes du dimanche dans une église catholique : le prêtre célébrant reste le même, les textes liturgiques également, seuls les fidèles ne sont pas les mêmes selon qu’on est à la première ou à la deuxième messe. Alors comme le dit l’Ecclésiaste : «… ce qui a été, c’est ce qui sera, ce qui s’est fait, c’est ce qui se fera, il n’y a rien de nouveau sous le soleil… ».

Mais s’il y a eu matin en Afrique, il y aura assurément un soir et l’ivraie sera séparée du vrai.

NAZAIRE KADIA, ANALYSTE POLITIQUE

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