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Après dix longues années d’absence, le président Laurent Gbagbo a de nouveau foulé le sol ivoirien à la grande joie de ses partisans et de nombreux autres ivoiriens. L’accueil ne fut pas facile. Ce fut plutôt un véritable chemin de croix pour les nombreux ivoiriens sortis pour accueillir l’ancien président.
Attaqués par les désormais célèbres « microbes », dispersés à coup de gaz lacrymogène par les forces de l’ordre, alors qu’aucune autorité n’a pris une décision interdisant l’accueil, ils ont subi à leur corps défendant, le double langage du pouvoir : mettre le pavillon présidentiel à la disposition de l’illustre arrivant dans un esprit d’ouverture, et dans le même temps donner des instructions pour empêcher que les partisans de Gbagbo ne se rassemblent ou ne rallient l’aéroport Félix Houphouët-Boigny de Port-Bouët. Ils ont tout de même tenu bon et étaient au rendez-vous de l’histoire. Le président Laurent Gbagbo est rentré au pays, et là se trouve l’essentiel.
Que fera Laurent Gbagbo après un repos mérité ? Voilà la question que se posent de nombreux observateurs du paysage politique ivoirien ou même le citoyen lambda.
Pour les uns, au regard de son âge et des sévices endurés, il serait de bon aloi que le président se retire de la vie politique active, devienne une icône, une référence ou un sage qu’on viendrait de partout consulter dans son village natal de Mama.
Pour les autres, Laurent Gbagbo a la politique dans le sang. Son « métier » c’est la politique et il ne saurait l’abandonner tant que ses forces le lui permettent. Tout au contraire, il se devra de reprendre le bâton de la lutte et partant de la politique active là où des forces exogènes en « relation incestueuse » avec des forces endogènes, l’ont obligé à laisser.
Entre ces deux approches, il reviendra au président Gbagbo et à lui seul de se déterminer. Mais les quelques mots entendus à son ancien quartier général d’Attoban, ne laissent aucun doute sur son choix.
Il faut également noter qu’avec ce retour, la campagne insidieuse et sournoise de renouvellement ou de rajeunissement de la classe politique a repris. La chaîne de télévision France 24 l’a longuement évoqué tout au long de ses éditions du 17 juin 2021.
Personne n’est a priori contre ce renouvellement. Il se fera certainement, mais ce ne sera pas par un décret ni par une ordonnance.
Au regard des dispositions institutionnelles de notre pays et de la pratique observée, remplacer actuellement les « vieux » par des « jeunes », serait totalement inopérant et ne saurait mettre fin à la crise que vit le pays.
Il serait totalement naïf de croire que remplacer Bédié par Billon, Ouattara par Aboudramane Cissé et Gbagbo par Fleur Esther Aké M’bo, ferait disparaître toutes les contradictions et tous les antagonismes politiques dans le pays. Les crises que notre pays traverse ne sont pas liées à l’âge des protagonistes ou à leur longévité sur la scène politique.
Faut-il rappeler la conception des uns de ne pas pouvoir attendre cinq ans pour aller aux élections ? Ou pour les autres prendre un raccourci en alternant coup d’état et rébellion pour gagner le pouvoir d’Etat ? Si cet esprit demeure, que changera le pouvoir aux mains des jeunes ? Cette conception est-elle liée à l’âge ou à la longévité sur la scène politique ?
Au demeurant, il est bon de rappeler que Joe Biden et Donald Trump, les adversaires de la dernière présidentielle aux Etats-Unis, ne sont pas de la tendre jeunesse.
La situation pourra être apaisée quand on aura un système mû par un souci démocratique où le pouvoir ne cherche pas toujours à tirer toute la couverture sur lui.
Les choses évolueront également quand les lois votées et les ordonnance prises ne sont pas taillées sur mesure, les institutions comme le Conseil Constitutionnel, la Commission Electorale Indépendante ou la justice caporalisées par un parti, les découpages électoraux faits avec des arrière-pensées morbides de conserver des avantages ou d’avoir une longueur d’avance sur les adversaires.
Si les choses demeurent en l’état, remplacer les « vieux » par des « jeunes » ne résoudra aucun problème.
Comme l’a dit un sage : « …le renouvellement de la classe politique ne consiste pas à remplacer des vieux par des jeunes, mais à renverser l’échelle des valeurs afin de remplacer l’immoralité par la moralité, la malhonnêteté par l’intégrité, la traitrise par le patriotisme. Voilà le vrai renouvellement… ». Qu’ajouter de plus ?
L’avenir politique de Laurent Gbagbo est dans ses mains, et son choix sera celui de ses partisans.
En attendant, bonne arrivée Monsieur le Président !
Il y a certes eu un soir en Eburnie, il y aura assurément un matin et l’ivraie sera séparée du vrai.
NAZAIRE KADIA, Analyste politique