Karim Khan, un Britannique «coriace» à la tête de la CPI

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Jusqu’alors à la tête d’une enquête de l’ONU sur les crimes de guerre commis par l’Etat islamique en Irak, l’avocat de 51 ans a été investi ce mercredi ses fonctions de procureur général de la Cour pénale internationale.

Crimes contre l’humanité, génocides et crimes de guerre : c’est désormais Karim Khan qui sera chargé d’enquêter au sein de la Cour pénale internationale (CPI) sur les pires atrocités. L’avocat britannique de 51 ans a pris ce mercredi ses fonctions de procureur général de la seule juridiction pénale universelle. Après l’Argentin Luis Moreno Ocampo et la Gambienne Fatou Bensouda, il est le troisième à occuper ce poste éminemment politique au sein de la jeune cour installée à La Haye aux Pays-Bas et toujours très critiquée depuis sa création effective en 2002 par le Statut de Rome. «Je m’engage solennellement à remplir mes fonctions et à exercer mes pouvoirs de procureur de la Cour pénale internationale avec honneur, fidélité, impartialité et conscience», a-t-il déclaré devant la Cour.

Karim Khan succède donc à Fatou Bensouda à la tête du Bureau du procureur pour un mandat de neuf ans, non renouvelable. Le diplômé en droit de la prestigieuse université londonienne du King’s College a été admis au barreau anglais en 1992 avant de commencer sa carrière au sein des instances judiciaires britanniques. Il a également travaillé pour des juridictions internationales, au bureau du procureur de l’ex-tribunal pour la Yougoslavie puis pour le Rwanda. Elu le 12 février au second tour avec les voix de 72 des 123 Etats Parties (la majorité absolue étant requise) signataires du Statut de Rome, Karim Khan s’est imposé face à trois autres candidats européens après des mois chaotiques de débats politiques.

«Communicateur charismatique et éloquent»

Considéré comme un avocat «coriace» et «férocement intelligent»selon The Guardian – le Britannique natif d’Edimbourg incarne une compétence certaine et des espoirs de changements. Dans le rapport du Comité d’élection du procureur, un groupe d’experts chargé d’évaluer les candidatures, Karim Khan y est présenté comme un «communicateur charismatique et éloquent, bien conscient de ses succès»… mais qui a «fait preuve d’un engagement clair en faveur d’une ambiance de travail où le harcèlement est exclu».

Car l’une des lourdes tâches qui incombera au procureur tout juste installé sera de réformer l’organisation du Bureau du procureur, aux multiples dysfonctionnements durant le mandat controversé de Luis Moreno Ocampo, premier à occuper de poste clé, et jugé responsable de l’échec des poursuites en 2014 contre le président kenyan Uhuru Kenyatta et de son vice-président William Ruto en 2016. Accusé de «crimes contre l’humanité» pour les violences ethniques post-électorales de 2007-2008, ce dernier était d’ailleurs à l’époque défendu par… Karim Khan.

La CPI en mal de légitimité

Déjà familier de la CPI au sein de laquelle il a défendu plusieurs hauts responsables, ce spécialiste des droits humains est aussi fort d’une expérience du côté de la défense des victimes. Jusqu’alors, Karim Khan était à la tête d’une enquête spéciale de l’ONU sur les crimes de guerre de l’Etat islamique au sein de laquelle il a innové en matière de collecte des preuves. «Nous voulons avoir les meilleures pratiques afin que les preuves que nous recueillons aient la plus grande chance d’être admises devant les tribunaux», explique-t-il dans le podcast Asymmetrical haircuts.

Désormais chargé de l’accusation devant la CPI, il lui incombe de parvenir à renforcer la légitimité de la juridiction, régulièrement critiquée pour sa faiblesse et vilipendée par certains Etats dont certains ne la reconnaissent toujours pas. Ces dernières années, Fatou Bensouda a cristallisé un certain nombre de critiques au premier rang desquelles une focalisation sur les affaires africaines, malgré l’ouverture de plusieurs enquêtes visant notamment la Birmanie ou la Géorgie.

Karim Khan, qui a obtenu les 33 voix du groupe des Etats d’Afrique, parviendra-t-il à adoucir les critiques ? «Le rôle joué par Khan non seulement en tant qu’avocat de la défense, mais également en tant que confident des cercles du pouvoir kényan a été sa force», note le site spécialisé JusticeInfo. Mais les Etats-Unis et Israël, non-signataires du Statut de Rome et pourfendeurs de la CPI, sont aussi deux interlocuteurs délicats.

En septembre 2020, Fatou Bensouda avait fait l’objet de sanctions prononcées par l’administration Trump. Ce dernier a ainsi affiché son mécontentement en réaction à l’ouverture de deux enquêtes controversées : l’une sur des exactions présumées commises par des soldats américains en Afghanistan et une seconde, contre des crimes de guerre commis dans les Territoires palestiniens occupés. Deux dossiers explosifs que Karim Khan sera chargé de poursuivre. «J’ai postulé parce que je pense pouvoir remplir le rôle», disait-il, déterminé, dans une interview en mai, prêt à «amener la Cour vers de plus hauts sommets».

Justine DANIEL

Source. liberation.fr

AKONDA NEWS

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