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La Côte d’Ivoire a vécu une folle journée du 19 mai 2021. Une journée infernale et difficile pour les ressortissants nigériens qui ont vécu un calvaire sans nom, du fait de certains jeunes gens, certainement sous l’effet de certaines substances…
Tout serait parti de la diffusion d’un élément vidéo présentant des individus entrain de torturer d’autres individus.
Comme une trainée de poudre, la ville d’Abidjan fut envahie par la rumeur que des ivoiriens en transit au Niger pour les pays du Maghreb, sont l’objet de maltraitance de la part des Nigériens. Cela a mis le feu aux poudres et ce fut la chasse dans certains quartiers d’Abidjan aux ressortissants nigériens.
Cette attitude des jeunes ivoiriens doit objectivement nous interpeller tous, autant que nous sommes.
Quelle société sommes-nous entrain de bâtir ?
Quelle est cette nouvelle propension qu’ont les jeunes ivoiriens à se rendre justice ? À agresser d’honnêtes personnes pour un oui ou pour un non ?
Sous nos yeux, les valeurs qui fondent notre société sont foulées au pied au vu et au su de tout le monde et s’effondrent. C’est à une véritable inversion des valeurs à laquelle il nous est donné d’assister. Si l’on n’y prend garde, la situation dans le court terme sera intenable.
Mais objectivement, à quoi peut-on s’attendre si des jeunes gens ont pris le pli d’assiéger tout un quartier, armées d’armes blanches de tout genre, d’agresser, de voler et même de tuer d’honnêtes citoyens sans que le ciel ne leur tombe sur la tête ? Au surplus, il est même interdit à la population de les appeler par le surnom qu’ils se sont eux-mêmes donné : les microbes. Ils ont désormais droit à un joli nom de caresse : « les enfants en conflit avec la loi ».
A quoi peut-on s’attendre dans une société où des arnaqueurs notoires, appelés « brouteurs », peuvent être célébrés, alors qu’il de notoriété publique que le mode de vie ostentatoire qu’ils affichent est le fruit d’escroquerie et d’activités illicites et illégales ?
Les modèles et les référents de notre jeunesse sont « fabriqués » par les réseaux sociaux, où un buzz fait d’un inconnu une célébrité du jour au lendemain. Ainsi un individu se fait-il filmer sortant de sa douche avec de la mousse de savon dans les oreilles ? Le voilà propulsé au rang de héros, reçu en grande pompe dans les cabinets ministériels, écumant les plateaux de la télévision et de la radio nationales et porté au panthéon de de la République !
A quoi peut-on également s’attendre quand la jeunesse ivoirienne est inspirée par des « influenceurs » et des « influenceuses », aux connaissances incertaines, à la morale douteuse et véritables stars des réseaux sociaux ? Le comble, c’est qu’on retrouve certains d’entre eux sur les chaines de la télévision nationale, animant ou du moins escamotant des débats où l’étalage de leurs insuffisances le dispute à la vacuité des thèmes abordés.
Lentement, mais surement nous assistons à une déconstruction à tous les niveaux de la société ivoirienne. Les valeurs qui sont le fondement de la société vont à vau-l’eau pour faire place à la célébration de la médiocrité. Les ivoiriens sont devenus friands des clashs, des invectives et des injures sur les réseaux sociaux qui demeurent l’essentiel de leur source d’information. Ils ne font plus confiance à la RTI, excédés qu’ils sont d’entendre les « sous le haut patronage, sous le haut parrainage et sous la présidence… ».
Combien sont-ils ces jeunes ivoiriens à prendre du recul et à faire des analyses des informations reçues via les réseaux sociaux, à l’effet de se forger une opinion personnelle ?
Combien savent-ils que de fausses informations ou des informations manipulées sont intentionnellement distillées par certaines personnes sur les réseaux sociaux avec des résultats attendus ?
Voilà autant de questions, autant d’interrogations qui nous taraudent l’esprit et qui nous laissent dubitatif quant à l’avenir de la jeunesse ivoirienne si rien n’est entrepris pour redresser la barre.
En tout état de cause, il est temps de sérieusement mener la réflexion pour donner une orientation nouvelle à la trajectoire empruntée par la jeunesse ivoirienne. Il faudra certainement penser à réintroduire le service civique pour la rééducation de beaucoup de jeunes, et penser à des formations professionnelles courtes pour nombre d’entre eux, aux fins de leur donner un métier. C’est un truisme de le dire, l’oisiveté est mère de tous les vices. Il faudra y penser pour demain. Demain est certes un autre jour, mais demain arrive toujours.
Et s’il y a eu un matin en Eburnie, il y aura assurément un soir et l’ivraie sera séparée de l’ivraie.
NAZAIRE KADIA, Analyse politique