L’OPEP décide de baisser sa production, une claque pour Washington

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L’Arabie Saoudite, ainsi que plusieurs des plus grands producteurs d’or noir, viennent d’annoncer qu’à compter du mois de mai et jusqu’à la fin de l’année, ils baisseront leur production de 1,15 million de barils par jour (« BPD »).

La conséquence évidente sera une montée des prix, commente le Washington Examiner (voir l’article en lien). Le ministre saoudien en charge de l’énergie a justifié cette entente supposée « stabiliser le marché ». 5 membres de l’OPEP (« Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole ») vont représenter la part majeure de ces réductions de production : l’Arabie Saoudite (500 000 BPD), l’Irak (211 000), les Émirats Arabes Unis (144 000), le Koweït (128 000) et l’Algérie (48 000). Notons que deux autres pays de l’OPEP+ (groupe élargi pouvant participer volontairement à des actions décidées par l’organisation) – le Kazakhstan et Oman – se sont engagés à réduire leurs productions de 78 000 et 48 000 BPD respectivement.

Cette annonce ajoute donc 1,15 million de BPD à la réduction de 2 millions déjà annoncée en octobre dernier, à la veille des élections de mi-mandat américaines, provoquant l’ire de Washington. Le prix de l’énergie était un sujet particulièrement sensible à l’approche de l’hiver et dans le contexte d’une forte inflation frappant les pays occidentaux. Ce n’est pas tout : en représailles aux sanctions occidentales dont un volet consiste à plafonner le prix d’achat du baril de pétrole russe à 60 dollars, Moscou a annoncé en février dernier une baisse de sa propre production de 500 000 BPD jusqu’à la fin 2023. La décision de l’OPEC est une excellente nouvelle pour Vladimir Poutine : les plus gros producteurs accentuent le mouvement à la baisse de la production mondiale en vue d’augmenter les prix. Le cours du pétrole brut était sur une tendance baissière depuis la première annonce de couper la production : de 95 dollars le baril début octobre 2022 à 80 dollars en fin de semaine dernière. L’impact est immédiat : au matin du 3 avril, on observe une augmentation de 6% du cours du brut. Voilà de quoi de garantir un commerce d’énergie très excédentaire pour Moscou, un financement vital pour son effort de guerre…

C’est aussi une claque monumentale pour Washington et un tournant dans l’équilibre international. L’annonce de l’OPEP (avec les Saoudiens en première ligne) avait déjà été ressentie comme un affront en novembre dernier. Les Saoudiens avançaient alors que leur décision était motivée par des enjeux domestiques, en particulier le financement des mégaprojets lancés par le prince Mohammed bin Salman pour transformer le pays à l’horizon 2030. Non seulement l’OPEP récidive au bout de quelques mois, alors que de nombreux pays de l’OTAN affichent des déficits abyssaux dans un climat de fortes tensions sociales, mais elle sert de facto les objectifs de la Russie. Cet épisode démontre la volonté de l’Arabie Saoudite (suivie par d’autres producteurs majeurs) d’affirmer son indépendance par rapport aux États-Unis. Les Saoudiens continuent de commercer avec les Russes – tout en affirmant leur position de neutralité dans le conflit ukrainien – et ils ont aussi opéré un rapprochement inédit avec l’Iran, sous l’égide de la Chine (voir LSDJ 1845).

Le candidat à la présidence Joe Biden avait voulu se démarquer de son concurrent Donald Trump en adoptant une posture agressive vis-à-vis de Riyad : il allait transformer ce vieil allié en « paria ». Sur la liste des griefs du candidat démocrate : l’assassinat du dissident Jamal Khashoggi (journaliste basé aux États-Unis) et la désastreuse guerre au Yémen. Cette promesse n’a pas été oubliée par bin Salman. La hausse des prix du brut a obligé Joe Biden à se rendre à Riyad en juillet 2022 pour tenter de réparer la relation et obtenir une garantie sur l’augmentation de la production. Il est revenu à Washington les mains vides. Les décisions de l’OPEP d’octobre 2022 et de ce début avril 2023 confirment la défiance des Saoudiens vis-à-vis de la première puissance mondiale. Le géant pétrolier Aramco (contrôlé par l’État saoudien) a publié des profits en hausse de 46,5% en 2022 par rapport à 2021 (161 milliards de dollars – un record). Coïncidence du calendrier ? Aramco a aussi annoncé la semaine dernière des milliards de dollars d’investissement dans l’industrie pétrochimique chinoise dont la construction d’une nouvelle raffinerie. La firme saoudienne va en outre devenir un partenaire stratégique de la chinoise Rongsheng Petrochemical Co. Ltd. (investissement de 3,6 milliards de dollars) en fournissant à Zhejiang Pettroleum and Chemical Co. Ltd. (filiale du groupe Rongsheng) 480 000 barils de brut par jour. Certes, Riyad a par ailleurs signé un contrat massif avec Boeing dans le cadre du lancement d’une nouvelle compagnie aérienne aux ambitions mondiales. Mais il n’est pas sûr que ce « deal » soit suffisant pour calmer la colère et l’inquiétude des Américains qui assistent à l’influence grandissante de la Chine dans la région stratégique du Moyen-Orient…

source: LSDJ(Ludovic Lavaucelle)

Akondanews.net

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