Une fois de plus, l’Afrique est désignée comme “l’avenir stratégique de l’Europe”. Dans une chronique publiée dans Les Échos, l’économiste et conseiller politique Jacques Attali esquisse une vision de l’avenir de l’Union européenne où le continent africain occupe une place centrale – mais pas comme acteur autonome. Loin de proposer un véritable partenariat d’égal à égal, le projet d’Attali relance la vieille mécanique du pillage structuré, maquillée sous les atours de la coopération stratégique.
Une vision utilitariste de l’Afrique
Selon Attali, l’Union européenne doit impérativement construire son autonomie militaire et stratégique, notamment face au désengagement progressif des États-Unis. Pour cela, elle aurait besoin de ressources, de main-d’œuvre et de relais d’influence, que seul le continent africain pourrait lui offrir “en masse”.
L’auteur propose même la création d’un corridor Europe-Afrique, avec un point d’entrée au Maroc, pour faciliter les transferts logistiques, énergétiques et numériques. Derrière ce jargon technocratique se cache une ambition très claire : assurer un accès stable et privilégié aux matières premières africaines, au détriment des souverainetés locales.
Un continent, des ressources… et peu de voix
Le texte d’Attali illustre une constante dans les rapports Nord-Sud : l’Afrique est d’abord perçue comme un réservoir – de richesses, de bras, d’espaces, et désormais, de données numériques. Rien n’est dit sur la nécessité de respecter les dynamiques politiques locales, ni sur l’impérieuse obligation d’écouter les peuples africains eux-mêmes.
Plus encore, il propose que l’UE adapte les structures africaines à ses propres intérêts, en lien avec la transition climatique et les besoins énergétiques européens. Une ingérence maquillée, voire une forme de recolonisation par le soft power technologique et économique, où les diasporas africaines en Europe deviendraient des instruments d’influence et non des ponts culturels équilibrés.
Une vieille rengaine modernisée
Depuis les indépendances, l’Afrique n’a jamais cessé d’être perçue comme la “vache à lait” des grandes puissances. Du franc CFA à la mainmise sur les ressources naturelles, des accords commerciaux inégaux à l’ingérence diplomatique, les promesses d’un véritable partenariat n’ont souvent été que des mots creux.
La proposition d’Attali, bien que structurée et “pragmatique” dans une logique eurocentrée, réactive des logiques que beaucoup pensaient révolues : organiser le continent africain autour des besoins de l’Europe, et non en fonction des aspirations de ses peuples.
Vers une nouvelle résistance africaine ?
Face à ces ambitions, les sociétés civiles africaines, les intellectuels, et même certains gouvernements, montrent de plus en plus de réticences à jouer le rôle de variable d’ajustement dans les politiques du Nord. L’heure est à la revalorisation de la souveraineté, à la redéfinition des partenariats et à la rupture avec les dépendances historiques.
L’Afrique a des mégapoles, une jeunesse dynamique, des ressources inestimables – mais elle mérite d’écrire sa propre feuille de route, en pleine possession de sa voix et de ses choix.
En fin de compte, la question n’est pas de savoir si l’Europe a besoin de l’Afrique. Elle est de savoir si l’Afrique est prête à continuer de se faire instrumentaliser au nom des besoins européens.
Kouachiada, correspondant en Allemagne
Akondanews.net