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À la fin de ce mois de février, un sommet historique se tiendra à Riyad, réunissant les États-Unis, la Russie et l’Ukraine pour discuter du conflit qui ravage l’Europe de l’Est depuis plus de deux ans. Pourtant, un fait frappant marque cet événement : l’absence totale des Européens à la table des négociations. Ce choix, lourd de symbolisme, rappelle un autre sommet historique, celui du Congrès de Berlin en 1884-1885, où les puissances européennes s’étaient réunies pour se partager l’Afrique, sans la moindre participation des peuples africains concernés.
Aujourd’hui, l’histoire semble se répéter, mais cette fois-ci, ce sont les États-Unis et la Russie qui se retrouvent autour de la table pour décider du sort de l’Europe, en commençant par l’Ukraine. Ce sommet soulève d’importantes questions géopolitiques et remet en cause la place et le rôle de l’Europe dans les grandes décisions qui concernent son propre territoire.
Le contexte géopolitique du Sommet de Riyad
Depuis le début du conflit russo-ukrainien en février 2022, l’Europe s’est lourdement investie dans la défense de l’Ukraine. Des milliards d’euros ont été injectés dans l’effort de guerre ukrainien. Des armes sophistiquées, des chars de combat modernes et d’autres équipements militaires ont été livrés pour renforcer l’armée ukrainienne. Par ailleurs, l’Union européenne a accueilli des millions de réfugiés, tout en appliquant de sévères sanctions économiques contre la Russie, provoquant une crise énergétique et économique sur tout le continent.
Pourtant, malgré ces efforts colossaux, l’Europe n’a pas été invitée au Sommet de Riyad, un événement qui pourrait sceller l’avenir de la guerre en Ukraine et, potentiellement, redessiner les frontières en Europe. Cette marginalisation laisse un goût amer : l’Europe, qui a tant sacrifié, se voit exclue des négociations cruciales qui concernent directement sa sécurité et sa stabilité.
Un parallèle troublant avec le Congrès de Berlin (1884-1885)
Le Congrès de Berlin, organisé par Otto von Bismarck en 1884-1885, avait pour objectif de régler les différends coloniaux entre puissances européennes et de se partager le continent africain. Aucun représentant africain n’avait été convié, et les frontières tracées sur les cartes européennes ont conduit à des décennies de conflits, d’exploitation et de domination.
Le Sommet de Riyad présente des similitudes troublantes. Tout comme les peuples africains en 1885, les Européens sont aujourd’hui absents des discussions concernant l’avenir de leur propre continent. La Russie et les États-Unis, deux puissances extérieures, discutent de l’avenir de l’Ukraine – et potentiellement de l’Europe de l’Est – sans consulter les principaux acteurs européens.
Ce parallèle souligne la perpétuation des logiques impérialistes dans les relations internationales. Hier, c’était l’Afrique que les puissances se partageaient ; aujourd’hui, c’est l’Europe qui devient l’objet des négociations géopolitiques entre superpuissances.
Les efforts européens réduits à néant
L’Europe a investi des milliards d’euros dans la défense de l’Ukraine, fournissant des armes lourdes, des chars modernes, des munitions et un soutien logistique considérable. Elle a également appliqué des sanctions massives contre la Russie, entraînant des conséquences économiques sévères pour ses propres citoyens : flambée des prix de l’énergie, inflation galopante et ralentissement économique.
Mais quels ont été les résultats concrets de ces efforts ? Malgré cet engagement massif, l’Ukraine n’a pas réussi à reprendre le contrôle total de ses territoires occupés, et le conflit s’est enlisé dans une guerre d’usure. Les chars et les armes fournis n’ont pas changé le cours de la guerre, et les budgets colossaux investis semblent n’avoir abouti à rien de tangible.
Pire encore, l’Europe est désormais exclue des négociations, réduite au rôle de spectatrice impuissante, pendant que les deux grandes puissances discutent du sort de l’Ukraine et de la réorganisation potentielle des sphères d’influence en Europe de l’Est.
La marginalisation géopolitique de l’Europe
Le Sommet de Riyad met en lumière la fragilité géopolitique de l’Europe. Malgré sa puissance économique, l’Union européenne apparaît incapable d’imposer sa voix dans les grandes négociations internationales. Cette marginalisation est le résultat de plusieurs facteurs :
1. Des divisions internes profondes : Les pays membres de l’UE n’ont jamais réussi à adopter une position unanime et cohérente sur la guerre en Ukraine. Tandis que certains États plaidaient pour un soutien militaire renforcé, d’autres prônaient une approche plus diplomatique. Ces divisions ont affaibli la crédibilité et le poids de l’Europe sur la scène internationale.
2. Une dépendance stratégique aux États-Unis : L’Europe, en s’alignant systématiquement sur la politique étrangère américaine, a perdu de son autonomie stratégique. Les États-Unis ont pris les devants dans le soutien militaire à l’Ukraine et ont fini par occuper la position centrale dans les négociations diplomatiques.
3. Un manque de puissance militaire autonome : Contrairement aux États-Unis ou à la Russie, l’Union européenne ne dispose pas d’une force militaire commune puissante. Son incapacité à projeter une force crédible sur la scène internationale limite sa capacité d’influence dans les grandes négociations.
Vers un nouveau partage de l’Europe ?
Le Sommet de Riyad pourrait bien aboutir à des accords tacites entre les États-Unis et la Russie, visant à redéfinir les sphères d’influence en Europe de l’Est. Des discussions sur la neutralité de l’Ukraine, des concessions territoriales ou encore des garanties de sécurité pour la Russie pourraient émerger, sans que l’Europe ait son mot à dire.
Ce scénario rappelle les logiques du partage colonial : deux puissances décident du sort d’un territoire sans consulter les acteurs directement concernés. L’Ukraine, bien qu’invitée au sommet, se trouve dans une position de faiblesse et risque de devoir accepter des compromis dictés par les deux grandes puissances.
Si ce partage tacite de l’Europe se confirme, cela marquerait un retour aux logiques de guerre froide, où les grandes puissances se divisaient le monde en zones d’influence, au mépris des principes de souveraineté et d’autodétermination des peuples.
L’Europe face à son échec stratégique
Le Sommet de Riyad est un échec diplomatique majeur pour l’Europe. Elle a investi des ressources colossales dans un conflit, soutenu l’Ukraine militairement et économiquement, tout en subissant de lourdes conséquences économiques et sociales. Pourtant, elle se retrouve aujourd’hui écartée des discussions qui pourraient définir l’avenir du continent.
Cette situation devrait pousser l’Union européenne à repenser sa politique étrangère et de défense. Il est devenu urgent pour l’Europe de :
• Renforcer son autonomie stratégique, en développant une défense commune plus crédible et indépendante des États-Unis.
• Adopter une diplomatie plus cohérente et unifiée, afin d’éviter les divisions internes qui affaiblissent sa position sur la scène internationale.
• Réévaluer ses alliances, en diversifiant ses partenaires pour ne pas dépendre exclusivement de l’OTAN ou des États-Unis dans les affaires géopolitiques majeures.
Riyad, un tournant pour l’Europe ?
Le Sommet de Riyad risque d’entrer dans l’histoire comme le moment où l’Europe a été mise sur la touche dans les décisions cruciales qui concernent son propre avenir. Ce sommet rappelle tristement le Congrès de Berlin, où des puissances étrangères s’étaient partagé un continent sans la moindre considération pour ses habitants.
Si l’Europe veut éviter de devenir un simple terrain de jeu géopolitique pour les grandes puissances, elle doit tirer les leçons de cet échec et se repositionner en tant qu’acteur central sur la scène internationale. Sans cela, elle continuera de voir son avenir se décider sans elle, comme ce fut le cas pour les peuples africains il y a plus d’un siècle.
Claude Gbocho DP Akondanews.net