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En 2023, la diaspora sénégalaise a transféré plus de 1 600 milliards de F CFA, soit 2,4 milliards d’euros, vers son pays d’origine, représentant près de 9,4 % du PIB sénégalais. Ces chiffres, impressionnants, révèlent une réalité souvent occultée : l’apport direct des diasporas dépasse désormais l’aide officielle au développement fournie par les institutions internationales. Ce constat soulève une problématique centrale : l’aide occidentale au développement est-elle réellement un levier de progrès ou une arme silencieuse de perpétuation de la dépendance économique et politique des pays pauvres ?
Depuis des décennies, l’aide au développement est brandie comme un symbole de solidarité entre les pays riches et les pays en voie de développement. Pourtant, malgré les milliards déversés, la pauvreté persiste, les infrastructures peinent à voir le jour, et les économies locales demeurent fragiles et vulnérables. Alors, où va réellement cet argent ? Et surtout, pourquoi les transferts de la diaspora, souvent issus de sacrifices individuels, semblent-ils avoir un impact plus tangible sur le quotidien des populations que les gigantesques plans d’aide orchestrés depuis Washington, Paris ou Bruxelles ?
Le piège des conditionnalités
L’un des grands paradoxes de l’aide occidentale réside dans ses fameuses conditionnalités. Derrière les beaux discours sur le développement se cachent des exigences économiques et politiques souvent déconnectées des réalités locales. Réformes structurelles imposées, privatisations massives ou ouverture totale des marchés aux multinationales occidentales : autant de conditions qui finissent par fragiliser davantage les économies locales au lieu de les renforcer.
Pendant ce temps, les transferts d’argent de la diaspora, eux, échappent à ces contraintes. Cet argent alimente directement les familles, soutient les petites entreprises locales et finance des projets communautaires. C’est une aide sans intermédiaire, sans bureaucratie pesante, et surtout sans agenda caché.
L’aide, un business lucratif ?
Un autre aspect souvent ignoré est le coût exorbitant de l’aide occidentale. Une part significative des fonds alloués retourne finalement dans les poches des pays donateurs à travers des contrats attribués à leurs entreprises, des frais administratifs ou encore les fameux “experts” grassement rémunérés pour superviser les projets. L’aide devient alors un circuit fermé, où les pays bénéficiaires restent à la marge des décisions et récoltent finalement peu des bénéfices attendus.
Les transferts de la diaspora : une souveraineté économique ?
Les 1 600 milliards de F CFA envoyés par la diaspora sénégalaise ne sont pas que des chiffres : ils incarnent un profond engagement, une forme d’indépendance économique des populations locales vis-à-vis des circuits traditionnels d’aide. Ce phénomène n’est pas propre au Sénégal. Partout en Afrique, les diasporas deviennent de véritables piliers économiques, compensant les lacunes des États et des institutions internationales.
Face à cette réalité, une question s’impose : pourquoi les gouvernements africains ne misent-ils pas davantage sur le potentiel de leurs diasporas et sur des stratégies de développement endogènes plutôt que de continuer à tendre la main à une aide extérieure souvent toxique ?
Vers une redéfinition de l’aide au développement
Loin de rejeter toute forme d’aide internationale, il est temps de repenser son cadre et ses objectifs. L’Afrique n’a pas besoin de “sauveurs”, mais de partenaires équitables qui respectent ses spécificités, ses cultures et ses ambitions. L’aide devrait être un levier d’autonomisation, non un instrument de domination subtile.
Les diasporas africaines ont montré qu’une autre voie est possible : celle d’un développement par et pour les Africains. Peut-être est-il temps que les États africains revoient leurs priorités et investissent massivement dans des modèles économiques indépendants, fondés sur les forces vives locales et les ressources internes, plutôt que de compter éternellement sur une aide occidentale qui, au fond, sert souvent davantage les intérêts des donateurs que ceux des bénéficiaires.
L’Afrique n’a pas besoin d’aumône. Elle a besoin de respect, d’équité et d’opportnités.
Claude Gbocho
Directeur de Publication – Akondanews.net