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La protection sociale universelle en Côte d’Ivoire n’a jamais existé en tant que telle. A cela, une raison principale, c’est qu’au sortir de la période coloniale, le pays a opté pour la voie capitaliste de développement qui a pour piliers essentiels la propriété privée et la recherche du profit.
Toutefois, il apparut nécessaire de mettre en place un régime de protection sociale à minima pour les travailleurs. C’est ainsi que naquirent, d’abord, la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS) et plus tard la Caisse Générale de Retraite des Agents de l’Etat (CGRAE).
La CNPS a été créée le 15 décembre 1955 sous l’appellation de Caisse de Compensation des Prestations Familiales, avant d’être connue sous son nom actuel, le 20 décembre 1968. Elle avait pour mandat de gérer le régime de protection sociale des travailleurs du secteur privé et assimilés et des travailleurs indépendants.
Quant à la CGRAE, qui deviendra la Caisse Générale de Retraite des Agents de l’Etat (IPS-CGRAE), en 2012, elle vit le jour le 05 avril 1977. C’est une institution de gestion des risques des fonctionnaires retraités.
Comme on peut le constater, le schéma de protection sociale ne concerne qu’une catégorie d’individus, notamment les travailleurs. Or, combien sont-ils même lorsque la Côte d’Ivoire affiche d’excellentes performances socio-économiques?
Pourtant, la mise en place de « mécanismes de prévoyance collective permettant aux individus de faire face aux conséquences financières des « risques sociaux » » est primordiale pour une société plus solidaire, équitable et inclusive.
Il y a, certes, eu des initiatives ponctuelles de protection au gré des crises socioéconomiques, à l’exemple de celle du milieu des années 80 où des « mécanismes de lutte contre la pauvreté et de renforcement de la résilience face aux chocs » ont été mis en place lors de la crise économique qu’on a dénommée affectueusement « la Conjoncture » qui ont donné lieu aux mesures d’ajustements structurels ou, plus récemment, le fonds de solidarité créé pour aider une catégorie de population à faire face à la crise socio-sanitaire de la COVID-19.
Dans un sens comme dans l’autre, il s’agit de politiques éparses, ponctuelles, sporadiques, spécifiques et limitées dans le temps, donc à impact réduit.
Néanmoins, voulant assurer une couverture sanitaire plus large, l’Etat a mis en place un régime contributif de couverture de soins, la Couverture Maladie Universelle (CMU), le 1er octobre 2019.
Mais, là encore, il ne s’agit que de prestations sanitaires ou d’hospitalisations que certaines structures ciblées fournissent contre cotisation (30% vs 70%).
Alors, eu égard aux multiples rôles que jouent les systèmes de protection sociale pour les ménages pauvres et vulnérables lorsqu’il s’agit de faire face aux crises et chocs sociaux, comme chercher un emploi, se soigner ou scolariser leurs enfants ainsi que protéger les plus âgés, il s’avère plus que primordial de penser à un système de protection permanent, plus élaboré et visant le long terme.
En l’occurrence, il s’agit de mettre en place un fonds de solidarité qui va être destiné, non seulement, à parer aux situations urgentes, mais également à aider de manière certaines catégories de personnes qui sont confrontées à des difficultés.
En effet, un tel dispositif d’aide ne sera pas un luxe. Il servira, d’une part, à soulager les populations qui, chaque année, sont frappées par les catastrophes naturelles ou causées par l’homme, ou encore victimes d’épidémies.
Car, dans ces circonstances, ce sont les organisations humanitaires étrangères qui sont en première ligne pour venir en aide aux victimes, surtout dans les cas d’épidémies. Alors qu’au lieu de tendre la main à ces partenaires internationaux qui finiront par être dépités, il serait intéressant que nous démontrions notre solidarité et entraide en tant que valeurs fondamentales et légendaires africaines.
D’autre part, constamment confronté au chômage des jeunes et aux ressources limitées, un tel fonds pourrait servir de fonds d’appoint pour le financement des projets de formation et d’emploi jeunes.
En outre, sa mise en place serait une preuve que nous pouvons compter sur nous-mêmes en cas de coup dur car avant de faire appel aux autres, nous devrions pouvoir prendre les devants et agir. On sait que nul Etat ne peut se passer de l’aide qui puisse lui être apportée, mais l’indépendance et la souveraineté nationale ont également leurs propres exigences.
Enfin, au-delà de son utilité pratique, il faut voir dans ce mécanisme d’entraide un outil de réconciliation, de cohésion, de paix et de régulation sociale, car il a le pouvoir de réduire les inégalités sociales.
Pour ce qui est de son financement, il sera alimenté, non seulement par des cotisations individuelles, mais également par des dons nationaux et internationaux.
Bref, en l’absence d’un système universel de protection ou de compensation, et surtout par souci de solidarité et de cohésion sociale, il est impératif de mettre en place un mécanisme solidaire consistant en la création d’un fonds de solidarité nationale; car si les pays occidentaux qui sont le reflet même de l’individualisme, disposent de multiples mécanismes institutionnels de solidarité et d’entraide, à combien plus forte raison un pays africain comme la Côte d’Ivoire, qui a la réputation légendaire d’incarner des valeurs comme la solidarité, l’hospitalité, et l’entraide et qui plus est, pauvre, ne devrait-elle pas s’en doter?
Oussou Kouamé Rémi, Enseignant-chercheur à l’Université Alassane Ouattara-Bouaké et Doyen du Campus 2 de l’université internationale Clairefontaine- Expert en emploi et employabilité de l’étudiant