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Avril est un mois chargé en émotions fortes. On connaissait ce mois pour ses commémorations religieuses : avec les étapes que sont le mercredi des cendres, jeudi saint, dimanche des rameaux, la Pâque chrétienne (dimanche) et lundi de Pentecôte. Jamais les Ivoiriens n’auraient imaginé que d’autres évènements, lugubres viendraient entacher ce mois sacré et qui a vu le massacre des populations innocentes pour le pouvoir.
Le dimanche 11 avril 2011, jour de Pâque, des milliers d’Ivoiriens sont en effet, massacrés par l’armée française, les rebelles, les mercenaires recrutés dans la sous-région ouest africaine, à l’appel d’Alassane Ouattara qui conteste la victoire de Laurent Gbagbo reconnu « élu président de la République » par le Conseil constitutionnel. Ce même Ouattara est parallèlement déclaré « élu de la communauté internationale ». Par conséquent, il appelle la communauté internationale à accepter « l’option militaire » qu’il propose. On connait la suite.
Les chiffres officiels parlent de 3000 morts, mais les ONGs locales évoquent plus de 35 milles morts dont 1000 en une seule journée à Duékoué, massacrés par les forces rebelles et les mercenaires regroupés en forces pro-Ouattara. A Abidjan la résidence présidentielle est bombardée, le président Laurent Gbagbo pourtant déclaré vainqueur par le Conseil constitutionnel est arrêté, ses partisans venus le soutenir sont massacrés. Toutes les ruelles du pays jusqu’aux hameaux les plus reculés sont jonchés de cadavres. Parce qu’Alassane Ouattara veut devenir le président de la République de Côte d’Ivoire. Un rêve qu’il caresse depuis 1989, année où Félix Houphouët-Boigny l’a fait venir en Côte d’Ivoire et l’a nommé président du Comité interministériel après qu’il ait fait de lui le Gouverneur de la Bceao (Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest).
C’est en souvenir de ces tragiques évènements que le président Laurent Gbagbo décide d’effectuer « une visite de compassion au peuple Wê » du vendredi 8 au dimanche 10 avril 2022. Parce que, entre-temps, rappelons-le, Laurent Gbagbo qui avait été arrêté et déporté à la Cour pénale internationale (Cpi), jugé de 2011 à 2020, puis il a été reconnu innocent et le 31 mars 2021 acquitté totalement de toutes les charges de crimes contre l’humanité portées contre lui. De retour dans son pays en Côte d’Ivoire le jeudi 17 juin 2021, sa pensée pieuse va d’abord au peuple Wê.
Le vendredi 8 avril 2022, Laurent Gbagbo s’incline sur la stèle érigée au quartier Duékoué- Carrefour où les victimes du massacre des populations civiles sont entassées dans des fosses communes. Le samedi 9 avril, lors de son discours, l’ancien président de la République s’est souvenu d’illustres Ivoiriens froidement assassinés depuis qu’Alassane Ouattara est au pouvoir.
« Je voudrais évoquer le souvenir des camarades qui nous ont quitté et sont de cette région, des camarades avec qui nous avons travaillé, avec qui nous avons fait des meetings ici et qui ne sont plus avec nous. Mahan Gahe, je voudrais saluer sa mémoire, un combattant, un grand syndicaliste, un grand homme politique. Eloi Oulaï, j’ai mangé plusieurs fois dans son village chez lui. Pol Dokoui, j’ai parlé de lui hier mais c’était parce que son épouse était devant moi mais c’est le lieu ici de le saluer. Daho Benoît de Bloléquin. Gossio Marcel, que j’ai connu en 1990 quand je suis venu pour la première fois à Bloléquin. Sehi Cola de Guiglo, El Hadj Mory Fadiga de Guiglo. Je voudrais qu’on ne les oublie pas. »

C’est cela avoir de la compassion. Il a un mot à l’endroit des disparus. « Hier j’étais très ému en visitant les fosses communes à Duékoué et autour de Duékoué. J’ai été très touché quand nous sommes arrivés à Carrefour. Ce qui était des pleurs, qui ressemblaient à des excitations parce que quand on arrive dans un endroit où les gens sont morts et enterrés comme des bêtes, on est touché. Et les gens de cet endroit de Duékoué sont touchés. Donc chaque fois que quelqu’un leur rend une visite, ils veulent exprimer ce qui ne s’exprime pas. On n’arrive pas à exprimer la douleur quand elle est grande. Même quand on crie et on pleure, est-ce que ça peut expliquer la douleur ? Mais je les comprends et les salue. » Une façon de dire que les « grande douleurs sont muette », pour paraphraser le président du Pdci-Rda Henri Konan Bédié. Une fois sa compassion exprimée, le président Gbagbo a exhorté ses hôtes, le peuple Wê à se tourner vers l’avenir et à garder espoir. « Une fois qu’on les a pleuré, il faut continuer car la vie continue. Si nous ne voulons pas être en retard, il faut continuer à vivre. Et je suis venu à Guiglo vous exhorter à continuer de vivre. Chers parents, il faut continuer de vivre. » Voici comment procède un homme d’Etat. Laurent Gbagbo est un homme d’Etat, il connait son peuple et son peuple se reconnait en lui. C’est pourquoi il est toujours présent en période de joie comme en période de douleur. Son séjour à l’ouest vient encore de démontrer qu’il a un cœur compatissant.
Les journaux Rhdp remuent le couteau dans la plaie

Ce qui n’est pas le cas d’Alassane Ouattara, en ce 11 avril. Ce jour aurait pu être l’occasion pour le chef de file du Rhdp de trouver des mots apaisants à l’endroit des victimes de son « option militaire », 11 années après son appel au massacre des pro-Gbagbo. Malheureusement les journaux qui lui sont proches ont préféré remuer le couteau dans la plaie. « 11 avril 2011 – 2022 : il y a 11 ans Ouattara libérait la Côte d’Ivoire », écrit en titre Le Patriote. « 11 avril 2011 – 2022 : il y a 11 ans : la fin de l’imposture LMP-FPI », selon Le Rassemblement. « Les vérités crues d’Anne Ouloto : ‘’ Le président Ouattara construit, toi tu déconstruis. Les Wê ne sont pas nés pour pleurer et enterrer des morts du 1er au 31’’ » écrit L’Essor. Le Jour Plus renchérit : « Visite de Gbagbo à l’ouest. L’ex-chef de l’Etat se moque des Ivoiriens tués à Yopougon, Koumassi, Abobo… ». L’Intelligent d’Abidjan surenchérit : « Il y a 11 ans la Côte d’Ivoire renaissait avec le président Alassane Ouattara ». Alors que l’Expression écrit : « 11 avril 2011 – 2022 : il y a 11 ans la Côte d’Ivoire fermait la triste parenthèse Gbagbo ». On aura tout vu en Côte d’Ivoire. C’est-à-dire, celui a préconisé « l’option militaire » et ceux qui ont répondu à cette option à l’issue de laquelle les Ivoiriens ont été massacrés, se réjouissent à l’unisson. Ils narguent leurs victimes comme si Dieu n’existait pas. Ils sont arrivés au Pouvoir par les armes dans lesquelles ils ont mis toutes leurs confiances et seules les armes peuvent les maintenir là où ils sont.
Voici résumé leur état d’âme, ce lundi 11 avril 2022. Soit 11 ans après les assassinats qu’ils ont commis « pour qu’Alassane Ouattara soit président ». En toute impunité. Et qui viendra rendre justice à leurs victimes ? Se bombent-ils la poitrine. Voici comment Alassane Ouattara et ses partisans se posent en anti-thèse de Laurent Gbagbo et des pro-Gbagbo. C’est-à-dire pendant que Laurent Gbagbo et ses partisans compatissent à la douleur des victimes et leur porte assistance ne serait-ce que morale, à l’opposé, Alassane Ouattara et ses supporters continuent de jubiler sur les cadavres de leurs victimes.
Mais est-ce vraiment possible qu’Alassane Ouattara change de posture quand on sait son passé ?
Qui est vraiment Alassane Ouattara ?
Depuis les années 1990, il lorgne la présidence de la République ivoirienne. C’est lui, Alassane Ouattara qui a dressé le «nord musulman et dioula », parce qu’il est «Dioula on ne veut pas qu’il soit président» argumentait-il, contre «un sud chrétien qui n’aime pas les dioulas». Du moins selon ses partisans qu’il a pris le soin d’endoctriner depuis 1993 date du décès du président Félix Houphouët-Boigny l’homme grâce à qui il découvrait la Côte d’Ivoire pour la première fois en 1990. C’est Alassane Ouattara qui en effet, a introduit la violence dans le jeu politique ivoirien.
D’abord en février 1992, Premier ministre d’Houphouët-Boigny, il organise l’assassinat de Laurent Gbagbo alors opposant et Secrétaire général du Fpi. Malgré l’échec de la tentative d’assassinat du chef de l’opposition, Ouattara n’obtempère pas. Bien au contraire il fait mettre Laurent Gbagbo en prison. Quand en 1993, son parrain Félix Houphouët-Boigny décède, Ouattara prétendument Premier ministre ivoirien s’oppose à l’application de la Constitution. Pourtant la loi fondamentale ivoirienne de l’époque impose une transition assurée par le président de l’Assemblée nationale : en occurrence Henri Konan Bédié. Là encore échec et mat. Sa tentative de coup d’Etat constitutionnel échoue et il fuit pour se réfugier en France.
Le président Bédié qui succède à Houphouët-Boigny lui décerne alors un mandat d’arrêt international pour « fraude sur la nationalité ivoirienne ». C’est alors qu’Alassane Ouattara organise depuis la France, une campagne de dénigrement contre la Côte d’Ivoire et ses habitants. L’opinion publique nationale et internationale retiendra de lui cette terrible phrase : « On ne veut pas que je sois candidat parce que je suis Dioula, musulman et du nord ». Pendant qu’il rumine une haine recuite contre Bédié, il prépare savamment le renversement de l’ordre constitutionnel dans le pays qu’il prétend vouloir diriger. Le 24 décembre 1999, avec quelques mutins recrutés dans l’armée nationale qui deviennent sa garde rapprochée, il salue le putsch militaire qui renverse le président Henri Konan Bédié. Dans l’avion de la compagnie Air France, qui le ramène de la capitale française et à bord duquel les hôtesses de l’air le présentent comme « le futur président de la Côte d’Ivoire est avec nous à bord », Alassane Ouattara tout sourire, salue ce coup d’Etat contre Bédié qu’il baptise de «la révolution des œillets». Malheureusement pour lui, le coup d’Etat bien que fomenté par une partie de sa garde rapprochée, ne lui sera pas profitable. Le Général Robert Guéi appelé au dernier moment pour donner un caractère sérieux à ce putsch, s’étant accaparé du Pouvoir au grand désarroi d’Alassane Ouattara.

Durant toute la période – décembre 1999 à octobre 2000 – de la junte militaire au pouvoir, Alassane Ouattara continuera de s’organiser. A l’issue de l’élection présidentielle qui oppose le candidat Laurent Gbagbo (Fpi) au chef de la junte militaire Robert Guéi, le candidat de l’opposition Fpi est déclaré vainqueur par la Commission électorale indépendante (Cei) alors présidée par Honoré Guihé. Alors que Guéi s’accroche au Pouvoir qu’il a perdu dans les urnes contre Laurent Gbagbo, un troisième larron sort de nulle part et appelle ses militants à « sortir pour ramasser le pouvoir (est) dans la rue »,c’est Alassane Ouattara.
Plusieurs ivoiriens vont perdre la vie ce jour-là, massacrés par les militaires de Robert Guéi. Ce dernier se disant être « venu pour balayer le pays » finira par s’enfuir face à la détermination des populations. Guéi n’est plus de ce monde. En janvier 2001, le régime de Laurent Gbagbo a un an. Au cours d’un meeting à Korhogo pour les campagnes des élections municipales, Alassane Ouattara lance une bombe loin d’être une boutade : « le Rdr n’attendra pas 2005 pour arriver au Pouvoir ». Comment est-ce possible quand on sait que c’est chaque 5 ans que les élections présidentielles sont organisées ? Ouattara avait sa petite idée derrière la tête. Le 19 septembre 2002, un coup d’Etat frappe le pouvoir de Laurent Gbagbo, mais il échoue. Ses auteurs se replient à Bouaké et coupent le pays en deux parties : « un Nord dioula et musulman » et un « Sud chrétien ».
Des années plus tard, en avril 2011, Ouattara a fini par ravir le pouvoir d’Etat au prix des milliers de morts, d’exilés, d’estropiés, des marqués à vie, des disparus, des charniers, des handicapés. C’est aussi cela Alassane Ouattara au Pouvoir et les journaux proches de lui devraient jouer un rôle de conscience du peuple plutôt que les pyromanes.
Denzel Bereby
Akondanews. net