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Le troisième mandat entamé par le chef de l’Etat a fini par être intériorisé par les ivoiriens. Nombreux sont ceux de ces ivoiriens, qui ont eu à s’y opposer au prix de plusieurs morts, mais à leur corps défendant, ils s’y sont pliés.
C’est pourquoi, ceux qui sont à l’origine de cette forfaiture, les membres du comité des experts, dirigé par le professeur Ouraga Obou Boniface qui a rédigé le projet de la nouvelle constitution, et qui n’ont pas eu le courage de leurs opinions, se doivent de garder le silence, et non remuer le couteau dans la plaie ; sinon on finira par désespérer d’eux !
Pour mémoire, lorsqu’il s’était agi de convaincre les ivoiriens d’aller au référendum pour l’adoption du projet de la constitution de 2016, tous ces experts s’y sont mis, chacun avec son style, à l’effet de faire baisser pavillon aux plus sceptiques des ivoiriens qui soupçonnaient un piège.
Le plus en vue fut le ministre Cissé Bacongo, il a écumé les plateaux de télévision, dont la chaîne Africa24. Devant le journaliste Babylas Boton qui l’interrogeait, M. Cissé Bacongo, la main sur le cœur, a affirmé que la nouvelle constitution, tout comme l’ancienne qui était sur le point d’être abrogée, ne permet pas à un président qui a déjà deux mandats à son actif, d’en solliciter un troisième.
Qui ne se souvient pas du «… vous subodorez… » du ministre Sansan Kambilé au moment de la présentation du texte devant les parlementaires ? Il a même ajouté qu’il était prêt à démontrer aux députés, comment techniquement il serait impossible à M. Alassane Ouattara d’être candidat en 2020.
On ne parlera pas d’un ministre-gouverneur, qui était prêt à mettre sa main au feu, sûr qu’il était que le chef de l’Etat ne serait pas candidat au regard de sa parole donnée et de son respect de la loi fondamentale.
Le président du comité des experts chargé de la rédaction du projet de constitution, le professeur Ouraga Obou Boniface, n’était pas en reste.
Dans une conférence de presse animée le 8 novembre 2016, et rapportée par le journal en ligne « yeclo.com », l’homme a déclaré « …Le président Ouattara ne va pas briguer un autre mandat (…) depuis environ quatre mois, j’échange au quotidien avec le président de la République. Je puis vous assurer qu’il respectera la constitution et ne briguera pas un autre mandat… ».
Que l’homme vienne aujourd’hui se dédire, et avancer les arguties de débat à l’époque qui ne serait pas juridique mais plutôt politique, ce qui explique son silence, est le signe évident d’un homme qui n’a pas le courage de ses opinions et dont la constance n’est pas la tasse de thé.
Pourtant, après la magistrale contribution du professeur Martin Bléou sur la question de l’éligibilité du chef de l’Etat au regard de la nouvelle constitution, nous nous attendions à l’ouverture d’un débat contradictoire, pour nous en délecter. Il n’y eut personne en face. Où était le professeur Ouraga Obou ? Pourquoi n’a-t-il pas porté la contradiction à son collègue ?
Qu’à cela ne tienne !
Si le professeur Ouraga Obou, en sa qualité de président du comité des experts qui ont rédigé le projet de constitution, savait qu’il ne se posait aucun problème d’éligibilité au chef de l’Etat, pourquoi alors a-t-il laissé son collaborateur, le ministre Cissé Bacongo présenter des contre-vérités au peuple ?
Pourquoi n’a-t-il pas interpellé et corrigé le ministre Sansan Kambilé lorsque celui-ci voulait démontrer comment techniquement M. Ouattara ne pouvait pas être candidat en 2020 ?
Il est certain que si les ivoiriens avaient l’information que la nouvelle constitution peut permettre de briguer un troisième mandat, ils ne seraient pas descendus dans la rue pour se faire tirer comme des lapins. Son silence, a conduit de nombreux ivoiriens de vie à trépas. Il doit avoir ces nombreux morts sur la conscience !
Ce qu’il fit, en gardant le silence, est ce que les catholiques appellent « le péché par omission ». Il aurait continué de garder le silence, que personne ne lui en voudrait.
Mais en réalité, doit-on s’étonner du comportement du professeur Ouraga Obou ?
Assurément non ! L’homme qui s’est essayé à la politique aux côtés du président Laurent Gbagbo, aux premières heures de ce qui fut le Front Populaire Ivoirien (FPI), n’a pas eu un parcours lisible. Un éminent journaliste sportif dirait que son parcours a suivi une trajectoire sinusoïdale, tellement l’homme avait le don de disparaître et de réapparaître, sans qu’on ne sache véritablement où il est. Mais bon, on ne peut refaire l’homme !
Espérons seulement qu’un jour, nous qui n’avons de diplômes que nos extraits d’acte de naissance, arriverons à comprendre ces éminents hommes de droit !
En attendant, Dieu reconnaîtra les siens !
Mais s’il y a eu un matin en Eburnie, il y aura assurément un soir et l’ivraie sera séparée de l’ivraie.
NAZAIRE KADIA, ANALYSTE POLITIQUE