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Analyse exclusive – AkondaNews.net – Novembre 2025
Article certifié par la Rédaction centrale d’AkondaNews.net – Publication autorisée sous le numéro AKD/1125/POL/AFR/05
Le Sénégal, longtemps cité comme un modèle démocratique en Afrique de l’Ouest, traverse une zone de turbulence politique sans précédent. L’alliance inédite entre le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko, saluée en 2024 comme un tournant historique, semble aujourd’hui fragilisée par des divergences stratégiques et des luttes de leadership.
Un duo historique devenu source d’incertitude
Lors de la présidentielle d’avril 2024, Bassirou Diomaye Faye incarnait le renouveau, tandis qu’Ousmane Sonko, figure charismatique du parti PASTEF, restait le symbole de la résistance citoyenne. Leur arrivée conjointe au pouvoir portait la promesse d’une gouvernance éthique, d’une souveraineté économique et d’une rupture avec les élites traditionnelles.
Mais dix-huit mois plus tard, les fissures se sont élargies.
Selon plusieurs sources politiques, des divergences sur le rythme et la nature des réformes auraient détérioré la relation entre les deux hommes.
Sonko, chef de gouvernement, accuse le président de se « laisser séduire par les mécanismes du pouvoir » et de freiner certaines réformes structurelles, notamment dans les domaines de la justice, des finances publiques et de la sécurité nationale.
De son côté, Faye se veut plus pragmatique, prônant la consolidation institutionnelle avant toute rupture brutale.
Des tensions idéologiques plus que personnelles
Les observateurs s’accordent à dire que le différend entre Faye et Sonko dépasse la simple rivalité politique.
Il traduit deux visions du pouvoir :
- Celle du président Faye, soucieux de préserver la stabilité institutionnelle et les équilibres diplomatiques ;
- Et celle de Sonko, militant inflexible d’une souveraineté totale, parfois perçu comme plus radical dans son approche du changement.
Selon un diplomate africain cité par Africa Intelligence,
« Le président veut gouverner avec méthode, Sonko veut gouverner avec symbole. »
Cette différence d’approche se manifeste au quotidien dans la gestion gouvernementale : choix budgétaires, nominations, communication politique, ou encore relation avec les institutions financières internationales.
Un contexte économique explosif
Le désaccord s’amplifie alors que le pays fait face à une crise économique profonde.
En août 2025, le gouvernement a dévoilé un plan de redressement reposant à 90 % sur des financements domestiques, une décision saluée pour son audace mais critiquée pour ses effets sur le pouvoir d’achat.
La suspension de certains programmes du FMI et la révélation de dettes cachées fragilisent encore la situation.
L’opposition et une partie de la société civile dénoncent une politique fiscale jugée « asphyxiante », tandis que les investisseurs étrangers s’inquiètent du manque de visibilité.
Le président Bassirou Faye tente de maintenir un cap modéré, tandis que Sonko plaide pour une rupture totale avec les institutions financières internationales et une refonte radicale du système monétaire.
Cette tension entre pragmatisme présidentiel et idéalisme révolutionnaire risque de compromettre la cohérence de l’action publique.
Un parti au bord de la scission
Le parti PASTEF, colonne vertébrale du pouvoir, semble à son tour traversé par ces contradictions.
Certains cadres se réclament de la ligne présidentielle, d’autres demeurent fidèles à la doctrine Sonko.
Les rumeurs de désaccords internes se multiplient, fragilisant l’unité d’un mouvement pourtant né de la résistance à l’ancien régime.
Malgré ces fractures, le parti conserve une majorité solide au Parlement, mais les signes d’essoufflement sont visibles.
Les retards dans la mise en œuvre des réformes et les signaux contradictoires envoyés à la population alimentent un sentiment de désillusion.
Un pays à la croisée des chemins
Au-delà des querelles politiques, c’est la nature même du projet de transformation sénégalaise qui est en jeu.
Les attentes sont immenses : rétablir la justice sociale, lutter contre la corruption, relancer la croissance, et surtout redonner confiance à une jeunesse en quête de repères.
Mais la coexistence complexe entre deux leaders aux tempéraments contrastés crée une incertitude institutionnelle.
Le risque est réel : une paralysie de l’État à un moment où la population exige des résultats tangibles.
Les partisans du gouvernement tentent de rassurer :
« Il n’y a pas de rupture, seulement des débats démocratiques internes », affirment-ils.
Mais sur le terrain, les signaux d’inquiétude se multiplient, notamment au sein de l’administration et des syndicats.
Entre maturité démocratique et fragilité politique
Le Sénégal reste, malgré tout, l’un des rares pays de la région à conserver un fonctionnement institutionnel pluraliste.
La presse demeure libre, les débats publics intenses, et la société civile active.
Cependant, la tentation de la polarisation guette : une partie des militants de Sonko estime que « le système tente de l’étouffer de l’intérieur », tandis que les proches du président redoutent une « radicalisation populiste » susceptible de déstabiliser le pays.
Les observateurs internationaux, prudents, appellent à un dialogue structuré entre les deux pôles du pouvoir.
Le maintien de la stabilité politique au Sénégal est perçu comme un enjeu majeur pour toute l’Afrique de l’Ouest, surtout dans un contexte régional marqué par les transitions militaires et les crises sécuritaires.
Une alliance à sauver ou une rupture inévitable ?
La question reste ouverte.
Les plus optimistes croient encore à un rééquilibrage du tandem président–Premier ministre, fondé sur un partage clair des responsabilités.
Les pessimistes, eux, voient poindre une rupture qui pourrait replonger le pays dans une période d’incertitude politique.
Ce qui est certain, c’est que le duo Faye–Sonko symbolise à la fois l’espoir d’un renouveau africain et le défi permanent du pouvoir partagé.
L’histoire du Sénégal jugera si cette cohabitation aura été une transition vers une maturité démocratique plus forte — ou le signe d’un rendez-vous manqué avec le changement promis.
Épilogue : le temps des choix
Dans une région où les coups d’État se succèdent, le Sénégal reste un bastion d’espoir.
Mais la démocratie n’est pas qu’une élection : elle se mesure à la capacité des dirigeants à gouverner ensemble malgré leurs différences.
Faye et Sonko ont promis un « nouveau contrat social » ; il leur appartient désormais de prouver qu’ils peuvent encore écrire cette histoire à deux voix, sans que l’une n’étouffe l’autre.
Rédaction : AkondaNews.net – Service Politique & Afrique de l’Ouest
Article certifié n° AKD/1125/POL/AFR/05
Directeur de Publication : Claude N’da Gbocho
Hambourg – Dakar, novembre 2025