Reprise du dialogue politique ivoirien , Ouattara, Bédié et Gbagbo : Voici ce qui pourrait tout gâter entre eux

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Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo ont beaucoup de choses à se dire, sur le plan purement politique. Séparément chacun des trois a pu rencontrer l’autre. Mais pas encore tous les trois réunis autour d’une table, pour discuter des affaires du pays.

La dernière rencontre entre Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié remonte au mercredi 11 novembre 2020 en fin de journée à l’hôtel du golf. Pour « briser le mur de glace » selon le président du Pdci-Rda qui ouvrit les civilités par un « Et comment va Dominique ? », mettant à l’aise le chef du régime Rhdp qui répondait  « Dominique va bien ». Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo eux se sont retrouvés à Daoukro fief du premier, à l’occasion de la « visite fraternelle » que lui rendait le deuxième, les samedi 10 et dimanche 11 juillet 2021. La toute première qu’effectuait Laurent Gbagbo après son retour triomphal en Côte d’Ivoire, le jeudi 17 juin 2021, suite à son acquittement définitif et total le mercredi 31 mars de la même année, par la Cour pénale internationale (Cpi).

L’objectif  de cette rencontre « fraternelle », ont précisé les deux personnalités : former une nouvelle alliance dans l’opposition. Quant à l’actuel chef de l’Etat Alassane Ouattara et son prédécesseur Laurent Gbagbo, ils ont renoué le contact, le mardi 27 juillet 2021, pour la première fois depuis leur débat télévisé en octobre 2010. Qualifiée « d’historique » par les observateurs du maelstrom politique local d’ici et d’ailleurs, cette rencontre demandée par Laurent Gbagbo et acceptée par son hôte Alassane Ouattara s’était déroulée au palais présidentiel dans une ambiance toute aussi fraternelle.

Mais la politique, on le sait plus que tout, est l’art des apparences trompeuses. On attend désormais ce qu’il va se passer au-delà des civilités des retrouvailles théâtralisées et médiatisées à outrance. Où en sont les trois personnalités sur leurs divergences ? C’est cela la vraie question que se posent les Ivoiriens traumatisés par plusieurs décennies de crise politique dont ces trois dirigeants sont les principaux acteurs.

Alassane Ouattara est à la manette depuis avril 2011. Voici onze ans qu’il dirige le pays de mains de fer, face à ses prédécesseurs que sont Henri Konan Bédié (1993-1999) et Laurent Gbagbo (2000-2011). De toute évidence, les trois personnalités ont l’avantage de l’expérience de la gestion du Pouvoir d’Etat. C’est pourquoi leur rencontre souhaitée par toute l’opinion nationale sera loin d’être ordinaire. Tout sauf de la banalité ! Mais avant d’y arriver, tout un précipice les sépare dans leur conception de la gestion du Pouvoir. Les préoccupations d’Alassane Ouattara ne sont pas forcément celles d’Henri Konan Bédié encore moins celles de Laurent Gbagbo et vice-versa. Pour preuve, bien qu’ayant sauvé les apparences en entretenant la bonne ambiance pour « briser la glace » lors de leur rencontre, le président du Pdci-Rda, Henri Konan Bédié, s’adressait par courrier au Chef de l’État, Alassane Ouattara président du Rhdp, le 4 août 2021. Le contenu de ce courrier n’est pas forcément du goût de son destinataire. Pour cause, Bédié y aborde des sujets qui fâchent.

Entre autres demandes de Bédié, l’on note l’ouverture d’un dialogue politique inclusif ; que soient inscrits à l’ordre du jour, « le découpage électoral » en préservant les acquis ; l’audit de la liste électorale. De la panoplie de demandes adressées à Alassane Ouattara, seule celle portant sur « l’ouverture du dialogue politique » est pour le moment partiellement satisfaite, encore que ce dialogue manque d’être « inclusif ».

Reprise du dialogue politique ivoirien

Quant à Laurent Gbagbo passé entre temps président du Parti des peuples africaines – Côte d’Ivoire (Ppa-CI), il insiste et persiste sur la libération de tous les prisonniers civils et militaires de la crise postélectorale de 2011-2011. Au cours de sa rencontre « historique » avec son rival Alassane Ouattara, il justifiait sa demande par sa qualité de « chef de file. « En ce qui me concerne, avec le président, j’ai insisté sur les prisonniers arrêtés au moment de la crise de 2010-2011 et qui sont encore en prison. Alors, j’ai dit au président – et vous serez d’accord avec moi – que j’étais leur chef de file et moi je suis dehors aujourd’hui. Eux, ils sont en prison. Et j’aimerais que le président fasse tout ce qu’il peut pour les libérer. J’ai insisté sur cela.» Combien de fois l’opposition n’a-t-elle pas demandé à Alassane Ouattara la libération des prisonniers politiques ? Cette demande refait surface à chaque tension sociale. Idem pour le découpage électoral concernant surtout la partie nord du pays où le Rhdp se taille la part du lion.

Pourquoi le Pdci-Rda s’accroche-t-il au « nouveau » découpage électoral. Parce que c’est ce qui fait la force du Rhdp d’Alassane Ouattara. La crispation a ressurgi lors des élections législatives ivoiriennes du 6 mars 2021. La bataille pour le renouvellement des 255 membres de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire s’est faite dans la partie nord du pays.

Le Découpage électoral et ses trois paramètres fondamentaux

Selon les spécialistes de la question, trois paramètres fondamentaux caractérisent une élection démocratique et ces trois paramètres sont fournis par le « découpage électoral ». Ce sont « le nombre de circonscriptions ; le nombre de sièges ; le nombre d’électeurs par circonscription ». Un découpage électoral est dit équitable lorsque le ratio « siège/électeurs inscrits » ne varie pas significativement entre les circonscriptions électorales. A l’inverse, un découpage électoral est dit « inéquitable » lorsque le régime en place taille des circonscriptions sur mesure, pour ses partisans, avec pour objectif d’être majoritaire dans les différents centres de décision des Pouvoirs que sont l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire.

C’est pourquoi tous les partis politiques à l’instar du Pdci-Rda de Bédié ont dans leurs Termes de référence (TDR), inscrit en lettres d’or, le découpage électoral.

Le vrai point de blocage du dialogue politique

A n’en point douter, les discussions au Dialogue politique qui reprennent ce jeudi 20 janvier entre le gouvernement, les partis politiques et les organisations de la société civile, seront focalisées sur ces trois paramètres fondamentaux qui caractérisent une élection démocratique. Et c’est ici justement que Alassane Ouattara du Rhdp et Henri Konan Bédié du Pdci-Rda ne s’accordent pas. Ce même problème se posera aussi entre le gouvernement d’Alassane Ouattara et les autres parties prenantes au dialogue.

Libération des prisonniers militaires, autre point de blocage

Séka Séka anselme (à gauche) et Dogbo Blé Bruno (à droite), encore en détention

Au même moment, le PPA-CI de Laurent Gbagbo continuera de marteler sur la « libération des prisonniers » dont de nombreux officiers militaires. Gbagbo avait déposé une liste de 110 prisonniers que Ouattara a royalement ignorée. Tous condamnés à 20 ans d’emprisonnement ferme, ils ont déjà purgé plus de la moitié de cette peine. Et le régime Ouattara ne veut entendre raison malgré les appels incessants venant de tous les horizons.

Ces officiers de l’armée ivoirienne pourraient passer les neufs (09) années restantes en prison. En définitive, Alassane Ouattara se sera montré intransigeant sur ce dossier comme sur celui du découpage électoral. Mais alors le chef du régime Rhdp court le risque de s’exposer à  un durcissement et à une radicalisation de la position de l’opposition.

Denzel Bereby

Akondanews.net

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