Lecteur Audio
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Quand l’Histoire insiste, ce n’est jamais par hasard. Ce n’est jamais gratuit. C’est un murmure profond qui traverse les âges, un appel qui refuse de mourir, une blessure qui réclame enfin sa cicatrice. Certains faits sont plus que des faits : ce sont des alignements, des rendez-vous que les peuples n’ont pas toujours su entendre. Mais il arrive un moment où le hasard devient trop précis pour n’être que fortuit. Et c’est à ce moment que l’Histoire frappe. Fort. Avec la précision du destin.
Ce moment, c’est maintenant. Ce lieu, c’est le Burkina Faso. Et cet homme, c’est Ibrahim Traoré.
Le retour du peuple par un fils du peuple
En lui, quelque chose se réveille. Quelque chose que les peuples d’Afrique avaient laissé s’endormir, usés par les trahisons, les pillages, les illusions d’indépendance. Mais voilà qu’un homme surgit. Non pas des salons diplomatiques, ni des clubs fermés du pouvoir, mais du cœur même de la nation. Un fils du peuple. Un homme à l’humilité palpable, au regard tranchant. Comme un rappel.
Car Ibrahim Traoré est né du peuple.
Thomas Sankara aussi.
Tous deux fils d’infirmiers. Non pas des notables, ni des chefs, ni des colons. Mais des hommes de soin. Des hommes de service. Des hommes qui, au lieu de dominer, écoutent. Et soignent. Ils ont pansé les corps, leurs fils cherchent à guérir les nations. C’est là que tout commence.
Bobo-Dioulasso, berceau de la conscience
Leurs jeunesses se croisent dans la ville de Bobo-Dioulasso. Peut-être ont-ils vu les mêmes murs, respiré la même poussière, marché sur les mêmes pavés. Peut-être ont-ils entendu les mêmes récits, les mêmes colères muettes, les mêmes silences pleins de questions. C’est là qu’ils grandissent. Là qu’ils apprennent à lire entre les lignes de l’injustice. Là qu’ils forgent leurs convictions.
Il ne faut jamais négliger les villes qui fabriquent les hommes. Bobo n’a pas formé que des militaires. Elle a formé des âmes politiques. Des guerriers de la vérité.
Le chiffre 8 et la mémoire du pouvoir
Il y a des chiffres qui n’oublient jamais.
Thomas Sankara est arrivé au pouvoir 8 mois et 6 jours après l’investiture de Jean-Baptiste Ouédraogo.
Ibrahim Traoré a renversé Damiba… 8 mois et 6 jours après son investiture.
Une coïncidence ? Peut-être. Mais dans les sociétés où l’Histoire est aussi une mémoire mystique, les dates ne se répètent jamais sans sens. C’est comme si la Terre même du Burkina, engrammée de douleurs et d’attentes, avait dicté ce tempo. Comme si les mânes des ancêtres avaient dit : “C’est maintenant.”
34 ans : l’âge du destin
Quand Sankara prit le pouvoir, il avait 34 ans.
Quand Traoré arriva à la tête du pays, il avait 34 ans.
Il faut comprendre ce que cela signifie. Ce n’est pas seulement une coïncidence biologique. C’est l’âge de la force tranquille, celui où l’homme est suffisamment mûr pour ne pas être naïf, et encore assez jeune pour oser ce que les vieux ne tentent plus. C’est l’âge des révolutions. L’âge des ruptures.
34 ans : ni trop tôt, ni trop tard. Juste au moment où l’esprit est plus fort que l’ambition.
Une naissance dans le deuil, une mission dans la lumière
Le 15 octobre 1987, Thomas Sankara tombait sous les balles de la trahison. Un coup d’État meurtrier, une page noire, une honte nationale.
Ce jour-là, la mère d’Ibrahim Traoré portait un enfant. Une vie naissait, au moment où une autre s’éteignait. Une vie modeste, silencieuse, dans l’ombre du drame. Comme si, là-haut, les ancêtres avaient soufflé à ce ventre encore chaud : “Celui que nous avons perdu sera un jour continué.”
Sankara tombait.
Mais le peuple semait.
Abidjan, l’écho d’une trahison
À l’époque, Sankara dérangeait Abidjan.
Aujourd’hui encore, les relais de la contre-révolution se trouvent depuis Abidjan, capitale d’un État dont la diplomatie semble parfois dictée depuis l’extérieur. L’histoire se répète, presque au détail près.
En 1987, Félix Houphouët-Boigny, 82 ans, orchestrait la peur d’un vent de liberté venu de Ouagadougou.
En 2025, Alassane Dramane Ouattara, lui aussi âgé de 82 ans, regarde le même vent souffler… avec la même crainte.
Les noms changent. Mais les peurs demeurent.
Les puissants ont toujours peur des peuples qui se réveillent.
Une différence essentielle : le peuple est debout
C’est ici que la comparaison s’arrête. Ou plutôt, qu’elle se transforme.
Sankara, aussi grand fut-il, avait face à lui un peuple encore émergent politiquement, affaibli par la peur, manipulé par des élites corrompues. Il fut seul à porter une vision dans une mer de compromis.
Ibrahim Traoré, lui, ne marche pas seul. Il avance avec un peuple qui a vu, a compris, a souffert.
Un peuple qui, cette fois, ne veut plus subir.
Il ne vit pas dans un palais. Il ne parade pas. Il travaille dans le silence, dort dans une chambre sobre, évite les fastes. Il incarne quelque chose de rare : l’autorité sans arrogance. Et c’est pour cela que les systèmes tremblent. Car ce qu’ils ne peuvent acheter, ils le craignent.
Une trahison ? Non. Une victoire.
Ce qui a tué Sankara, c’est la trahison.
Ce qui protègera Ibrahim Traoré, c’est la mémoire.
Une mémoire désormais éveillée. Une conscience collective qui refuse l’oubli. Un peuple qui a retenu la leçon, et qui sait que la liberté ne se délègue pas. Elle se protège. Elle se surveille. Elle se défend.
Et cette fois, le peuple burkinabè ne veut plus revivre le même cauchemar.
Cette fois, il ne pardonnera pas une nouvelle trahison.
Le poids de la mission
Mais ne nous trompons pas. La tâche est immense. Gouverner n’est pas incarner. Ibrahim Traoré devra transformer l’élan populaire en institutions solides, en justice concrète, en économie souveraine. Il lui faudra affronter les pressions, les tentations, les infiltrations.
Mais il n’est pas seul. Et s’il reste fidèle au silence de sa foi, à l’héritage de Sankara, et à la clarté de son engagement, alors peut-être, oui, peut-être que le rêve trahi de 1987 trouvera enfin son accomplissement en 2025.
Le mot de la fin
Ibrahim Traoré n’est pas Sankara.
Il n’a pas à l’être.
Mais il en est l’écho. Le rappel. Le fruit.
Il est la semence née dans le deuil.
Il est le cycle revenu, mais avec un peuple éveillé.
Quand l’Histoire revient avec autant de force, autant de signes, autant de clarté, ce serait une faute de l’ignorer.
Ce serait même un crime de la trahir.
Cette fois, le Burkina n’est pas seul.
Les peuples d’Afrique regardent, écoutent, espèrent.
Et dans le silence du vent sahélien, on entend peut-être la voix de Sankara, doucement :
« Cette fois, protégez-le. Cette fois, terminez ce que nous avons commencé. »
ElloMarie, conscience africaine, analyste politique et contributeur à Akondanews
Akondanews.net