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Roch-Marc Christian Kaboré n’est plus le président de la République du Faso. Et c’est officiellement depuis le lundi 24 janvier 2022. Il a été éjecté du pouvoir par l’armée dont il était encore le chef suprême.
Elu président du Burkina Faso en 2015 soit un an après la chute du dictateur sanguinaire Blaise Compaoré, année de la première attaque djihadiste suffisamment anecdotique pour être soulignée et réélu pour un autre mandat de cinq ans qui devait prendre fin en 2025, l’ancien président de l’Assemblée nationale du Burkina Faso sous le régime de Compaoré, n’a pu terminer les dernières années restantes. Les populations lui reprochaient son « incapacité » à juguler les attaques des djihadistes qui endeuillent le pays depuis des années.
Tout commence au petit matin (01h00) du samedi le 22 janvier : une mutinerie éclate et embrase deux camps militaires. Ces tirs proviennent du camp Sangoulé Lamizana, situé dans le quartier Gounghin à la sortie ouest de Ouagadougou. Au même moment des tirs sont également entendus au camp militaire de Baba Sy situé à la sortie sud de la capitale, et à la base aérienne proche de l’aéroport. On sentait l’atmosphère lourde et les chancelleries étrangères s’apprêtaient déjà à parer à toutes les éventualités vue la volatilité de la situation. Laquelle situation a été rendue délicate par les critiques acerbes à l’encontre du président Roch-Marc Christian Kaboré. Déjà délétère, cette situation a trainé du samedi 22 à lundi 24 janvier avant de se transformer en Coup d’Etat.
Mais pendant ce laps de temps, qu’est-ce qui a été fait pour éviter ce putsch militaire ? Rien ! Or, nul n’est sans ignorer que la sous-région ouest-africaine regorge d’institutions qui ont toujours agi dans le sens de la passation du pouvoir de façon démocratique. La principale de ces institutions, c’est la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest). Créée le 28 mai 1975, l’organisation intergouvernementale ouest-africaine, s’est donnée pour entre autres objectifs, de coordonner les actions de ses membres.
Mais ces dernières années, l’institution sous régionale s’est muée en tonton flingueur. Son parti pris dans la crise en Côte d’Ivoire lors de la crise poste-électorale de 2010-2011, a fait voler en éclat sa crédibilité. On s’en souvient, la Cedeao s’était rangée du côté de l’opposant Alassane Ouattara qui prônait « l’option militaire » dans le contentieux électoral, pendant que le président sortant, Laurent Gbagbo militait quant à lui pour le recomptage des voix pour départager vainqueur et vaincu, aux fins d’épargner des vies. Finalement la Cadeao a suivi Ouattara dans non option militaire qui s’est soldée par 3248 victimes dont 1452 imputées au camp Gbagbo, 727 au camp Ouattara et 1069 non attribuées à un camp ou l’autre en raison de problèmes d’identification des victimes, selon le Rapport de la Commission nationale d’enquête mise en place après l’investiture d’Alassane Ouattara.
Dix années après, on constate que la Cedeao n’a nullement tiré de leçons de l’expérience en Côte d’Ivoire. Pis, l’institution continue ses tâtonnements et errements. Les coups d’Etat en Guinée et au Mali ont mis en lumière son incapacité d’anticipation. Dans ces deux pays la Cedeao a non seulement joué les médecins après la mort. Mais pire, elle a jeté de l’huile sur le feu en prenant partie pour des présidents vomis par leurs peuples au détriment des militaires applaudis par la rue.
En Guinée, un coup d’Etat est perpétré le dimanche 5 septembre 2021 contre le président élu Alpha Condé. Il est le fait d’une Unité d’élite. Le Groupe des forces spéciales (GFS) s’empare du palais présidentiel où il capture le président Alpha Condé. « D’ores et déjà, la CEDEAO a décidé de suspendre la Guinée de toutes ses instances de décision et demande que cette décision soit respectée par l’Union africaine et les Nations Unies », a déclaré mercredi 8 soir à la presse le ministre des Affaires étrangères du Burkina Faso Alpha Barry, à l’issue d’un sommet extraordinaire des chefs d’Etat de la CEDEAO tenu en virtuel et consacré à la situation socio-politique en Guinée.
Au mali un coup d’Etat est entamé le lundi 24 mai 2021 ; l’armée malienne capture les dirigeants de la transition dont président Bah N’Daw, le Premier ministre, Moctar Ouane, et le ministre de la Défense désigné, Souleymane Doucouré. En fait il s’agit d’un coup d’Etat dans un coup d’Etat. Puisque la transition qui avait 18 mois découle de la chute d’Ibrahim Boubacar Kéita renversé par un coup d’Etat militaire le 18 août 2020. Ce sont ces mêmes militaires qui reviennent au Pouvoir après l’échec de la transition. En réaction à ce double putsch vivement applaudi par la rue malienne, la CEDEAO dont les chefs d’Etat se réunissent à Accra au Ghana le 9 janvier 2022 adopte une batterie de sanctions. A savoir : Fermeture des frontières terrestres et aériennes entre les pays de la Cedeao et le Mali ; suspension de toutes les transactions commerciales, à l’exception des produits de consommation essentiels : pharmaceutiques, fournitures et équipements médicaux, ainsi que le matériel pour le contrôle de la COVID-19 et des produits pétroliers et d’électricité ; gel des avoirs de la République du Mali dans les Banques Centrales et Commerciales de la Cédéao ; suspension du Mali de toute aide financière des institutions financières de la Cédéao (BIDC et BOAD). Des sanctions dans un contexte de crise sanitaire due à la Covid-19 qui fait d’elles « impertinentes » et « peu productives. »
Après le coup d’Etat au Burkina Faso, le énième dans cette même sous-région en l’espace d’une seule année, quelle sera la réaction des chefs d’Etat de la Cedeao ? Face à la situation burkinabé l’institution sous régionale adoptera-t-elle la même attitude qu’elle a eue au Mali et en Guinée ? Les populations africaines en général, ceux de la sous-région en particulier attendent de savoir ce que va décider la Cedeao.
Denzel Béréby