Lecteur Audio
Getting your Trinity Audio player ready...
|
Un véritable séisme a secoué toute la Côte d’Ivoire et particulièrement la toile par deux décisions du président Laurent Gbagbo, quelques jours seulement après son retour en Côte d’Ivoire.
La première fut son retour à l’Eglise Catholique, matérialisé par la messe à laquelle il a assisté à la cathédrale Saint Paul du plateau le dimanche 20 juin dernier, et la deuxième est celle de sa demande de divorce d’avec son épouse, portée à la connaissance du public par son avocat, Me Mentenon.
Ces deux faits occupent toujours l’actualité, et l’onde de choc continue de faire des vagues.
Avec du recul, et sans passion, on peut s’apercevoir que le président vient d’opérer deux ruptures qui ont certainement une charge symbolique et une portée, qu’on ne peut se précipiter de décrypter et d’interpréter sans tomber dans la divination.
Le retour de Laurent Gbagbo à son ancienne confession, a donné lieu à des interprétations et à des commentaires très souvent tendancieux. De nombreuses personnes affirment que, désillusionné par les nombreuses prophéties non accomplies des pasteurs de son entourage, l’ancien président a décidé de rompre les amarres avec les églises évangéliques, et revenir à sa confession catholique initiale, lui l’ancien séminariste. Cela lui a valu des qualificatifs dévalorisants d’homme inconstant, changeant de confession au gré des circonstances.
Mais ce que ces critiques omettent de dire, c’est qu’au sortir de la crise postélectorale, alors qu’il était embastillé, des pasteurs évangéliques, sous la houlette du sulfureux Camille Makosso, avaient sorti une note annonçant l’excommunication du président Laurent Gbagbo et de son épouse, et leur bannissement de toutes les églises évangéliques.
Dès lors, quel profit y a-t-il pour lui de rester encore dans une église qui l’a banni ?
En tout état de cause, adhérer à une confession religieuse, relève d’un choix personnel, qui n’obéit à aucune logique sinon qu’à la foi. La foi est le domaine par excellence où l’on ne saurait mener des débats contradictoires ; comme les goûts et les couleurs, elle ne se discute pas.
Qui plus est, pour ceux qui croient, il est dit que le salut est individuel. A cet effet, la Sainte Bible enseigne «…Deux hommes seront dans un lit, l’un sera pris, l’autre laissé ; deux femmes seront en train de moudre du grain, l’une sera prise, l’autre laissée…». C’est tout dire ! Respectons donc le choix du président Gbagbo.
La deuxième décision qui a eu le plus de retentissement au regard des réactions enregistrées, est la procédure de divorce entamée par l’ancien président, portée à la connaissance du public par son avocat, Me Mentenon. L’onde de choc de cette annonce continue de se faire sentir et les commentaires et autres prédictions vont également bon train.
Les « spécialistes de la prospective » et les « diseurs de bonne aventure » y vont de leurs projections et de leurs prédictions : « … c’en est fini pour le FPI…l’ingratitude de Gbagbo hypothèque son avenir ( ?)…Gbagbo ne pourra pas réconcilier le pays s’il ne peut pas réconcilier son foyer… ».
Ces prédictions et ces projections, sont souvent accompagnées de propos désobligeants à l’endroit de l’ancien président. Des hommes, mais surtout des femmes, souvent des « blessées de guerre », des veuves ou des divorcées ont trouvé là, un exutoire pour extérioriser leurs propres déboires, leurs souffrances, leurs déceptions amoureuses et leurs frustrations, sous prétexte de défendre Mme Simone Gbagbo.
Certes, les deux époux sont des personnes publiques, il n’en demeure pas moins, qu’eux seuls savent ce qui se passe dans leur foyer, qui relève de leur vie privée. Personne n’a fait de commentaires quand ils se mariaient, pourquoi en faire quand ils divorcent ?
Pour les militants du FPI, qui sont meurtris, leur peine est compréhensible, parce qu’il s’agit de deux figures emblématiques de leur parti. Mais personne n’a adhéré au FPI, parce que Laurent Gbagbo a épousé Simone Ehivet, pourquoi quitter le parti parce que les deux divorcent ?
Au demeurant, jusqu’à preuve du contraire, aucun des deux n’est exclu du parti. Laurent Gbagbo, en demeure le référent et Mme Simone Gbagbo en est toujours une des vice-présidentes.
Mme Simone Gbagbo reste digne dans l’épreuve, il faut respecter son silence, et arrêter de « faire comme l’étranger qui pleure plus fort que la famille du défunt » selon la belle expression de Chinua Achebé.
Pour ceux qui, dans la déception et dans la colère affirment que Laurent Gbagbo a gravement hypothéqué son avenir, il est bon de rappeler que l’homme a 76 ans, qu’il a connu la déchéance et la gloire, a laissé des traces indélébiles dans l’histoire de la Côte d’Ivoire et qu’il est rentré dans l’histoire. Au change, que perd-il s’il décide aujourd’hui de ne s’occuper ni de la Côte d’Ivoire, ni du FPI, ni de réconciliation et aller s’asseoir à Mama ? Quel avenir peut-il encore escompter à 76 ans ? RIEN.
Les ruptures opérées par le président Laurent Gbagbo, qui ne sont certainement pas les dernières, visent-elles un objectif précis ? Quand on sait que toute rupture est le signe annonciateur d’un nouveau départ ou d’un départ nouveau, on peut bien se poser la question. L’avenir nous situera. En attendant, il faut savoir raison garder.
Il y a certes eu un matin en Eburnie, il y aura assurément un soir et l’ivraie sera séparée du vrai.
NAZAIRE KADIA, Analyste politique
AKONDANEWS.NET