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L’ex-président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz a été écroué le mardi 16 juin sur décision du juge d’instruction en charge de l’enquête sur les faits présumés de corruption et de détournement de fonds publics qui lui sont reprochés pendant ses dix années de pouvoir.
Parvenu au pouvoir à la suite d’un coup d’Etat en 2008, Mohamed Ould Abdel Aziz a dirigé pendant une décennie la Mauritanie avant de passer la main à Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, son ancien chef de cabinet et ministre, dont il avait préparé l’accession à la présidence en 2019.
Depuis août 2020, l’ex président Mauritanien placé sous contrôle judiciaire strict, suite à un rapport de la commission enquête parlementaire de la Mauritanie qui a mis en lumière des soupçons sur son implication dans des opérations de corruption durant son magistère, avant que le ministère public ne l’inculpe en mars dernier pour corruption, blanchiment d’argent et enrichissement illicite.
Après le refus depuis quelques jours de l’ancien président mauritanien de continuer à se présenter à la police, comme le lui imposaient les conditions dont était assorti son placement en résidence surveillée, le juge d’instruction en charge du dossier a dans la matinée du mardi 22 juin ordonné son placement sous mandat de dépôt.
Selon le site d’information Sahara Médias, «le pôle enquête anti-corruption a décidé de placer l’ancien président en détention, pour avoir enfreint les procédures strictes de son contrôle judiciaire. Il est prévu qu’Ould Abdel Aziz soit placé dans un appartement privé pendant deux semaines, en raison des mesures sanitaires imposées par l’épidémie de Covid-19, avant d’être envoyé en prison. On ne sait pas encore dans quelle prison Ould Abdel Aziz sera transféré.»
Par ailleurs, l’ex président a toujours pointé du doigt le régime de son successeur Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani qui, selon lui manipule la justice pour le tenir loin de la politique. «Un harcèlement judiciaire sur fond de règlement de compte politique», c’est ce que dénonce en réalité le général selon WakatSéra au Burkina.
Mais, M. Aziz n’entend pas abdiquer et il a signalé en avril dernier son retour en politique en intégrant un parti d’opposition, le Ribat national après avoir perdu en décembre 2019 la direction de l’Union pour la République (UPR), parti qu’il a fondé et qui détient toujours une forte majorité au parlement.
Aussi, a t-il exclu de prendre le chemin de l’exil. « Il ne faut pas qu’ils pensent qu’ils peuvent me faire plier (…) Je ne partirai pas, ni au Sénégal, ni au Mali, ni au Maroc, ni en Algérie, ni dans un quelconque autre pays et ni en France », disait-il en avril dernier.
Dans le viseur de la justice mauritanienne, Mohamed Ould Abdel Aziz doit concrètement répondre de sa gestion des revenus pétroliers, de la vente de domaines de l’Etat et les conditions de liquidation d’une société publique assurant l’approvisionnement du pays en denrées alimentaires ou encore les activités d’une société chinoise de pêche.
Si la descente aux enfers de l’ex président Mohamed Ould Abdel Aziz est perçue pour certains comme un harcèlement judicaire au goût d’un complot savamment orchestré par le régime de son successeur, d’autres y voient une justice indépendante œuvrant contre la mal gouvernance et la corruption qui gangrènent la société mauritanienne.
Pour WakatSéra, «Le général qui durant une décennie de pouvoir, soit de 2008 à 2019, avait fait la pluie et le beau temps, embastillant ou tenant loin de la Mauritanie ses opposants les plus teigneux. Bien des libertés dont celle d’expression ont fait les frais de ce régime de fer. Seuls étaient autorisés à vivre les médias ayant fait allégeance au pouvoir. Les autres survivaient ou mettaient la clé sous le paillasson, mis en quarantaine d’annonces et subissant mille et une autres tracasseries. Le général Mohamed Ould Abdel Aziz allonge donc cette liste peu glorieuse de dirigeants qui ont dû faire face à la justice, après leurs règnes respectifs.»
De plus, que «les puissants d’hier soient jugés aussi, rappelant ce principe presque universel de la plupart des lois fondamentales, selon lequel, « tous les hommes sont égaux devant la loi ». Leçon que doivent méditer tous ces puissants d’hier devenus après aussi vulnérables que des vers de terre.» Dixit WakatSéra, se voulant moraliste.
Harcèlement judiciaire ou manifestation judiciaire du principe de lutte contre l’impunité et la corruption en Mauritanie? Pour l’heure, dans l’attente de l’ouverture de son procès, Ould Abdel Aziz est écroué et le parquet a déjà annoncé le gel de ses avoirs et la saisie de ses biens.
Adingra OSSEI