L’Île Boulay en Côte d’Ivoire : territoire de conflits fonciers et patrimoine Bia

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Située dans la lagune Ébrié, l’île Boulay, d’une superficie de près de 20 km², est un espace riche en histoire et en cultures, mais également en conflits fonciers. Ce territoire, où se trouvent les villages de Petit-Bassam et Audoin Breugretto, a été au centre des préoccupations lors d’une conférence de presse tenue le vendredi 6 décembre 2024. Réunissant des personnalités et des autorités coutumières, cet événement visait à faire le point sur les enjeux fonciers qui menacent ce patrimoine, connu sous le nom de Bia Gotto, ou « le patrimoine des Bia ».

Moise N’guessan Tano, administrateur foncier et président du comité Bia, n’a pas manqué de rappeler l’importance de cette île pour la communauté. « Nous détenons des documents ancestraux depuis l’AOF à Dakar qui attestent de notre propriété », a-t-il déclaré. Il a évoqué les archives, y compris des procès-verbaux de réunions avec les colonisateurs depuis 1924, renforçant l’idée que la terre de leurs ancêtres leur appartient toujours. « Nous avons de lourds enjeux fonciers aujourd’hui, mais nos terres ne sont pas à vendre ni à céder », a-t-il ajouté, soulignant le besoin de préservation face à l’urbanisation galopante.

Le doyen Benjamin Niamba N’drin a précisé que « le droit d’exploitation est différent du droit au sol ». À ses yeux, cette distinction s’avère cruciale dans le cadre des conflits qui naissent autour de l’île. « Ceux qui prétendent avoir des droits d’exploitation ne doivent pas confondre cela avec la propriété foncière », a-t-il averti, rappelant ainsi que la légitimité des revendications foncières doit être examinée avec soin.

Quant à Léopold César Michel Dogoua, ex pentionnaire du BENTD et responsable du projet métro d’Abidjan, il a cité des documents incontestables concernant l’historique foncier de l’île Boulay, disponibles au BNETD. Son intervention a souligné que la vérité historique doit éclairer les débats sur la propriété foncière dans cette région.

La question de l’héritage foncier est en effet centrale dans les différends qui secouent l’île. Les chefs des deux villages, Gervais Niaba Kouadio et Delazer Roche Zache Kodja, attendent que ces conflits soient résolus en faisant appel aux autorités judiciaires. Moise N’guessan Tano a insisté sur le fait que « nous attendons l’instance judiciaire pour départager les réclamations », appelant à une résolution pacifique basée sur des preuves historiques.

Un autre point essentiel abordé a été l’impact des projets d’urbanisation sur les droits des populations locales. L’expert en environnement, Léopold César Michel Dogoua, a fait état du « vieux conflit » qui persiste dans la région depuis l’initiation de projets d’infrastructure. « Les projets comme la raffinerie ont exacerbé les tensions déjà existantes concernant la propriété foncière », a-t-il remarqué.

À l’issue de cette conférence de presse, la lutte pour la reconnaissance des droits fonciers des Bia sur l’île Boulay reste d’actualité. Les intervenants ont unaniment souligné l’importance de préserver ces terres, et de garantir que les droits coutumiers soient reconnus et respectés. Le chemin vers une résolution durable des conflits fonciers sur l’île Boulay est encore long, mais il est jalonné d’engagement et de détermination. L’avenir de cette île, et de ceux qui l’habitent, dépendra de la capacité des diverses parties prenantes à naviguer dans les complexités de l’héritage ancestral tout en s’adaptant aux défis contemporains.

Serge Kpan (Correspondant Abidjan)

Akondanews.net

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