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Il existe une scène invisible, mais essentielle, du théâtre de la mondialisation : celle où se croisent les ambitions des entreprises et les labyrinthes juridiques des États. Dans ce décor, rien n’est simple. Une entreprise qui rêve d’ouvrir une filiale à Dakar ou à Berlin doit s’armer de patience, d’argent et surtout, de bons juristes. Ceux qui connaissent les lois, mais aussi les mœurs juridiques de là-bas. Ceux qui comprennent que dans le droit, ce qui n’est pas dit vaut parfois plus que ce qui est écrit.
J’ai rencontré des entrepreneurs découragés. Ils avaient de bons produits, une vision, un marché cible. Mais à l’arrivée : procédures bloquées, contrats annulés, investissements perdus. La raison ? Un détail juridique non anticipé. Un avocat local qui ne maîtrise pas les subtilités du droit commercial d’un autre pays. Un formulaire mal rédigé. Un cachet manquant. Voilà pourquoi la parole de Maître Evariste Ohinché résonne avec autant de pertinence : il nous parle de la nécessité d’un ordre juridique mondial. Rien que ça.
Un rêve à contre-courant
Évidemment, parler d’un droit commun mondial, c’est presque provoquer. C’est aller à contre-courant d’une époque où les nations, même interconnectées, réaffirment leur souveraineté. Où l’on édicte des barrières normatives au nom de la protection de l’emploi ou de la sécurité intérieure. Où la méfiance envers l’étranger s’exprime aussi dans les codes juridiques.
Et pourtant, la réalité économique suit une autre logique. Le commerce ignore les frontières là où le droit les renforce. Un produit peut être conçu en Chine, assemblé en Turquie, étiqueté en Italie, vendu à Abidjan et financé depuis le Luxembourg. La circulation est fluide, rapide, numérique. Mais les entreprises, elles, sont souvent piégées dans des carcans juridiques hérités du XXe siècle.
Dans cette tension entre mobilité économique et rigidité juridique, Maître Ohinché propose une voie : bâtir les fondations d’un droit universel, au moins en matière d’affaires. Pas un droit uniforme, totalitaire ou hégémonique. Non. Un socle de règles communes, suffisamment souple pour s’adapter, mais assez solide pour protéger.
Des principes pour éviter les pièges
Il faut le dire franchement : les erreurs les plus coûteuses à l’international ne sont pas celles des marchés. Ce sont celles du droit. Une clause mal traduite. Une fiscalité ignorée. Une juridiction mal choisie. À l’échelle d’une multinationale, cela se gère. Mais pour une PME ? C’est la mort assurée. Ce sont souvent ces entreprises que défend le cabinet Ohinché Lahorgue, entre Paris, Abidjan et Bruxelles. Leur tort n’est pas d’être mal préparées, mais d’avoir cru que le bon sens remplaçait le droit.
Imaginez un jeune entrepreneur africain qui veut ouvrir une structure en Allemagne. Il s’entoure de conseillers locaux, parfois bien intentionnés, parfois moins. Il signe des contrats, paie des frais, mais ne réalise que trop tard que la forme choisie pour son entreprise n’est pas compatible avec la loi allemande. Ses contrats sont frappés de nullité. Sa responsabilité personnelle est engagée. Son rêve devient cauchemar administratif.
Et inversement, une société française qui cherche à s’implanter au Sénégal ou au Bénin. Elle applique les standards européens, sans tenir compte du droit OHADA. Elle ignore que certains documents doivent être authentifiés localement. Que les recours judiciaires passent par une procédure spécifique. Elle pense exporter ses produits, elle découvre qu’elle doit aussi importer une culture juridique.
Un cadre juridique mondial ne supprimerait pas tous ces obstacles. Mais il les rendrait prévisibles. Il offrirait des repères communs. Un langage partagé.
L’exemple africain et européen : des leçons à méditer
L’Union européenne a montré que l’harmonisation est possible. Certes, elle n’est pas parfaite. Les systèmes juridiques nationaux persistent, avec leurs lourdeurs, leurs lenteurs, leurs divergences. Mais un entrepreneur espagnol qui ouvre une succursale en Belgique sait à quoi s’attendre. Il connaît les règles, les risques, les procédures. Il est protégé.
L’Afrique aussi, par le biais de l’OHADA, a compris que la force juridique est dans l’unité. Avec 17 pays membres, elle a réussi à mettre en place un droit des affaires commun, accessible, modernisé. Elle attire ainsi des investisseurs étrangers qui ne viendraient pas dans un contexte d’incertitude. Le message est clair : un droit stable est un appel à l’investissement.
Mais pourquoi ces efforts resteraient-ils confinés aux continents ? Pourquoi le monde des affaires — qui est devenu global — ne disposerait-il pas d’un droit de base partagé, à défaut d’un droit unifié ?
Et si la pandémie avait été un déclic ?
Pendant la pandémie de Covid-19, le monde a découvert à quel point tout est lié. Une rupture de chaîne d’approvisionnement à Wuhan affectait les usines de Mulhouse. Un confinement au Brésil ralentissait la livraison de pièces en Afrique du Sud. La logistique, les finances, les assurances, les arbitrages commerciaux… tout a été impacté.
Mais ce que la pandémie a aussi révélé, c’est l’absence de règles juridiques internationales efficaces pour répondre aux crises contractuelles. Les tribunaux fermaient. Les normes nationales se contredisaient. Les entreprises cherchaient un juge qui ne venait pas. Dans ce chaos, les juristes ont compris que la mondialisation ne peut pas rester sans droit global.
Utopie ou avenir inéluctable ?
Certains diront que l’idée est utopique. Que les États ne renonceront jamais à leur droit. Que le monde est trop divers pour accepter un cadre commun. Peut-être. Mais faut-il pour autant abandonner l’idée d’un progrès juridique ? Ce que propose Maître Ohinché, ce n’est pas de supprimer les législations nationales, mais de les relier. De créer un tronc commun, un minimum juridique mondial, à partir duquel chaque pays peut développer ses spécificités.
Cela commence par les contrats, puis les litiges commerciaux, puis les structures d’entreprise. Cela commence par l’écoute, la diplomatie, les compromis. Un travail de fourmi. Mais c’est aussi cela, bâtir un monde plus juste : rendre le droit accessible, lisible, universel.
Conclusion : le droit comme vecteur de paix économique
Cette chronique aurait pu être une simple réflexion sur les difficultés des entreprises à l’international. Elle est devenue une interrogation plus profonde sur la manière dont le droit structure notre monde. Car au fond, le droit n’est pas qu’un outil de régulation. Il est aussi un outil d’émancipation. Il permet de rêver, de créer, de se projeter.
Et si, demain, une start-up de Douala pouvait signer un contrat avec un partenaire de Varsovie sans redouter une jungle juridique ? Et si le droit devenait ce qu’il aurait toujours dû être : un langage commun pour un monde commun ?
C’est peut-être cela, au fond, le sens du combat de Maître Ohinché.
ElloMarie, conscience africaine, analyste politique et contributeur à Akondanews
Akondanews.net