Le retrait du Niger de l’Organisation Internationale de la Francophonie : Une remise en question de la promotion des langues étrangères en Afrique

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Le 17 mars 2025, le Niger a officiellement annoncé son retrait de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). Cette décision, communiquée par le ministère des Affaires étrangères, marque un tournant dans les relations du pays avec la communauté francophone et soulève une question essentielle : l’Afrique doit-elle continuer à promouvoir une langue étrangère alors qu’elle regorge de langues locales pouvant être utilisées pour affirmer son identité et son rayonnement international ?

Un choix politique et souverain

En décidant de quitter l’OIF, le Niger affirme une volonté de redéfinir ses priorités linguistiques et diplomatiques. Ce retrait peut être interprété comme une prise de distance avec l’influence francophone, souvent perçue comme une prolongation du passé colonial. De nombreux États africains, bien que politiquement indépendants, restent liés aux anciennes puissances coloniales à travers la langue.

Cette décision invite à une réflexion plus large sur l’usage du français et des autres langues coloniales en Afrique. Si elles sont considérées comme des outils de communication et d’intégration internationale, elles participent aussi à une certaine marginalisation des langues locales, pourtant porteuses d’histoire et d’identité.

Pourquoi continuer à promouvoir une langue étrangère en Afrique ?

Depuis l’indépendance, plusieurs pays africains ont maintenu les langues coloniales comme langues officielles. Ce choix repose sur des considérations pratiques et historiques :
1. Un héritage colonial institutionnalisé : Les administrations et les systèmes éducatifs ont été conçus autour de ces langues, ce qui rend leur remplacement complexe.
2. Un vecteur de communication internationale : Le français, l’anglais ou le portugais permettent aux pays africains de s’intégrer plus facilement aux échanges diplomatiques et économiques mondiaux.
3. Un facteur d’unité nationale : Dans des États où coexistent de nombreuses langues locales, l’usage d’une langue étrangère est souvent présenté comme une solution pour éviter les conflits linguistiques internes.

Cependant, cette dépendance aux langues coloniales pose un défi identitaire. Elle perpétue une hiérarchisation des langues où les idiomes africains sont relégués au second plan, limitant ainsi leur développement et leur reconnaissance à l’échelle internationale.

Repenser la place des langues africaines

Face à ces enjeux, plusieurs arguments plaident en faveur d’une plus grande valorisation des langues africaines dans l’éducation, l’administration et la diplomatie.
• Un ancrage culturel et identitaire : Les langues locales sont le reflet des traditions, des valeurs et de l’histoire des peuples africains. Leur promotion renforcerait la fierté et l’appartenance culturelle.
• Une meilleure accessibilité à l’éducation : Un enseignement dispensé dans les langues maternelles faciliterait l’apprentissage, réduirait le taux d’analphabétisme et améliorerait la qualité de l’éducation.
• Une influence africaine plus affirmée : Certaines langues, comme le swahili, le haoussa ou le wolof, sont déjà parlées bien au-delà des frontières nationales. Leur officialisation dans les instances internationales renforcerait le rayonnement du continent.

Certains pays ont amorcé cette transition. Le Rwanda, par exemple, a réduit l’influence du français au profit de l’anglais et du kinyarwanda. D’autres États commencent à introduire les langues locales dans l’administration et l’enseignement. Ces initiatives montrent qu’un modèle hybride, associant langues africaines et langues internationales, est envisageable.

Le retrait du Niger de l’OIF s’inscrit dans cette dynamique de réappropriation linguistique et culturelle. Si cette décision symbolise une rupture avec l’influence francophone, elle pose surtout la question du rôle que doivent jouer les langues africaines dans la construction d’un avenir plus autonome et enraciné dans les réalités du continent.

Kakaboara, correspondant à Abidjan

Akondanews.net

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