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La médiation qatarie, présentée il y a quelques mois comme une nouvelle lueur d’espoir dans la résolution du conflit opposant le gouvernement congolais à la rébellion de l’Alliance des Forces Congolaises (AFC/M23), vient d’être suspendue. Doha rejoint ainsi la longue liste des capitales étrangères qui ont tenté, sans succès, de rapprocher les positions de Kinshasa et du mouvement rebelle actif dans l’est de la République Démocratique du Congo.
Cette suspension, annoncée par une source diplomatique proche du dossier, intervient quelques semaines après que l’Angola, autre médiateur clé du processus de paix, eut également mis fin à ses efforts, évoquant le « manque de volonté des parties à respecter les engagements » inscrits dans les feuilles de route successives.
Un nouvel échec dans une crise qui s’enlise
Depuis plus d’un an, les négociations menées sous l’égide du Qatar devaient servir de prolongement aux initiatives angolaises et est-africaines. Doha, fort de son expérience diplomatique au Moyen-Orient et en Afrique, avait accepté de jouer les intermédiaires dans un contexte de méfiance généralisée entre Kinshasa et les représentants de l’AFC/M23.
Cependant, selon plusieurs observateurs, la médiation qatarie s’est heurtée aux mêmes obstacles que celles qui l’ont précédée : la défiance mutuelle, le non-respect des engagements et la persistance des affrontements sur le terrain.
L’un des points de friction majeurs demeure l’échange de prisonniers, prévu dans l’accord de principe signé en juillet dernier. Cet engagement, qui devait symboliser une avancée concrète dans la confiance entre les deux camps, n’a jamais été pleinement mis en œuvre. Kinshasa aurait retardé la libération de plusieurs détenus considérés comme proches du M23, provoquant la colère du mouvement rebelle.
Kinshasa accusé de blocage
Du côté du gouvernement congolais, on affirme que l’échange des prisonniers ne peut s’effectuer qu’après le retrait total des combattants de l’AFC/M23 des zones qu’ils occupent dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Une condition jugée « irréaliste » par le mouvement rebelle, qui considère cette exigence comme un moyen de contourner les engagements pris lors des précédents pourparlers.
Des sources diplomatiques au sein de l’Union africaine confirment que la suspension qatarie découle d’un constat d’impasse. « Le Qatar avait proposé un calendrier de libération progressive et un mécanisme de vérification conjointe. Mais aucune des deux parties n’a voulu céder sur les séquences de mise en œuvre », a indiqué un diplomate africain sous couvert d’anonymat.
Les civils, éternelles victimes
Pendant ce temps, la situation humanitaire continue de se détériorer dans l’est du pays. Les affrontements entre l’armée congolaise (FARDC) et les forces de l’AFC/M23 se sont intensifiés depuis le début du mois de septembre, provoquant de nouveaux déplacements massifs de population.
Des villages entiers sont tombés sous le contrôle du mouvement rebelle, notamment dans les territoires de Rutshuru et Masisi, selon plusieurs organisations locales. La population kivutienne, épuisée par des années de guerre, voit une fois de plus ses espoirs de paix différés.
« Les habitants du Nord-Kivu sont fatigués des promesses non tenues. Chaque médiation suscite un espoir, puis se termine en désillusion », confie à Akondanews.net un chef communautaire de Goma.
Le vide diplomatique et les inquiétudes régionales
La suspension du processus qatarien risque de créer un vide diplomatique difficile à combler. Les initiatives régionales, telles que le processus de Luanda conduit par l’Angola ou celui de Nairobi porté par la Communauté d’Afrique de l’Est, sont elles aussi à l’arrêt.
Les partenaires internationaux, dont l’Union européenne et les Nations unies, s’inquiètent de la reprise des hostilités à grande échelle et de la possible déstabilisation du Rwanda et de l’Ouganda voisins.
« Chaque retrait de médiateur affaiblit la crédibilité des efforts de paix et renforce les positions militaires sur le terrain », analyse un chercheur du Centre d’études stratégiques de Kinshasa.
Quelle suite pour la paix en RDC ?
Le gouvernement congolais a annoncé vouloir « réévaluer sa stratégie de dialogue » et renforcer la coopération avec les pays africains jugés plus neutres. De son côté, l’AFC/M23 a réitéré sa disponibilité à reprendre les discussions, à condition que Kinshasa respecte les engagements de juillet.
Mais pour les populations du Kivu, ces promesses restent sans effet tant que les armes continuent de parler. La suspension du Qatar, après celle de l’Angola, sonne comme un nouvel avertissement : la paix en République Démocratique du Congo ne se décrète pas dans les chancelleries étrangères, elle se construira sur la confiance et la justice.
Raphael Lumoo
Akondanews.net