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Quelque temps après sa prise de fonction comme ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, M. Gnamien Konan a entamé une série de visites officielles dans les universités publiques. C’est ainsi qu’il a visité l’Université Alassane Ouattara (UAO)-Bouaké, en avril 2014. A la réunion avec la gouvernance, les enseignants et le personnel administratif, chaque entité représentée n’y est pas allée avec le dos de la cuillère dans ses revendications. Après avoir écouté toutes les parties, M. Gnamien Konan esquissa un petit sourire en coin avant de souligner le manque de reconnaissance dont l’assemblée fait preuve, après que plus de 100 milliards de FCFA eurent été injectés dans les travaux de réhabilitation des infrastructures et d’achat d’équipements pour les institutions publiques d’enseignement supérieur.
Au-delà de la remarque de l’ex-ministre, qui est d’ailleurs fondée, il faut reconnaître qu’à aucune autre époque que celle-ci, les êtres humains n’ont eu autant d’interactions qu’aujourd’hui, grâce aux technologies de l’information et de la communication, mais que les relations interpersonnelles n’ont pas autant été marquées par l’égoïsme, la froideur, l’ingratitude, la malveillance et l’inattention. En d’autres termes, s’il y a un sentiment qui ne cesse de gagner de l’ampleur, c’est bien le manque de reconnaissance.
Dans son acception la plus générale, être reconnaissant, c’est avoir de la reconnaissance, de la gratitude suite à un service reçu. Elle peut s’exprimer individuellement ou collectivement et se manifester à travers « des mesures officielles et non officielles ». Elle peut s’exprimer par « un regard, une poignée de mains, un simple bonjour, mais aussi par un compliment ». Elle implique une certaine spontanéité, authenticité et sincérité de la part de ceux qui la prodiguent. Son contraire est ingratitude.
On se demande pourquoi il faut témoigner de la reconnaissance envers ceux qui apporte leur aide, parfois de manière inconditionnelle. Après tout, n’est-ce pas l’expression d’une certaine vanité ou orgueil de la part du serviable?
En réalité, il est plus que nécessaire de montrer sa reconnaissance après un bienfait, pour au moins deux raisons.
D’une part, la reconnaissance souligne que l’on reconnaît non seulement l’importance de l’aide ou du cadeau reçus, mais démontre une appréciation positive «accompagnée d’un sentiment de contentement pour la personne qui la reçoit».
En outre, exprimer de la reconnaissance aide à prendre conscience de tout ce qui est positif autour de soi tout en procurant un sentiment de « dette payée » envers le bienfaiteur.
D’autre part, contrairement à ce qu’on a tendance à croire « le besoin de reconnaissance n’est pas une question d’orgueil ou de vanité » du donateur, c’est plutôt un besoin existentiel ou un « carburant » psychologique pour lui.
En effet, lorsqu’on valorise ce qui a été fait par une personne par marque d’attention, une validation, un compliment, la personne sera encore plus encline à la motivation, « l’énergie et l’envie de faire plus et mieux ». C’est une spirale de renforcement positif.
En d’autres termes, c’est comme si on l’encourageait à « continuer à bien faire et même à faire mieux » que ce qu’elle vient de faire. C’est cette idée qu’exprime si bien Dona Maurice Zannou: «La reconnaissance est l’expression des hommes de valeur. Elle prédispose à des grâces plus grandes. »
Sur la base des travaux de Spitz, on a pu démontrer qu’un être humain, notamment le nourrisson, a constamment besoin de contacts « sensoriels et affectifs » pour se développer tant au plan physique que psychologique .
C’est à travers ces stimuli de la part de ses parents ou « caretakers » que l’enfant trouve, non seulement l’énergie nécessaire et les divers repères pour grandir, mais encore pour « se reconnaître lui-même, d’où l’expression « signe de reconnaissance».
Il n’en va pas autrement pour l’adulte qui a un besoin irrépressible et constant de recevoir les signes affectifs dont il besoin pour ne pas se sentir abandonné, rejeté ou exclu de son groupe ou de la société. A ce propos, on peut imaginer les effets positifs que les signes d’appréciation peuvent avoir sur le moral et la santé de celui qui en est l’objet.
Par ailleurs, il faut ajouter que l’échange de signes de reconnaissance entre individus construit et entretient un lien entre eux. Or, c’est par la relation à l’autre que l’être humain se construit et se développe.
Finalement, il faut mentionner que c’est dans la sphère professionnelle que la reconnaissance et la gratitude demeurent de puissants outils de motivation et également d’importants facteur de productivité et de protection pour la santé psychologique des employés.
D’après une étude, plus le travail des employés est apprécié, moins ils sont en proie à une détresse psychologique et inversement (33% vs 67%).
A ce propos, des phrases comme « Merci d’être quelqu’un sur qui nous pouvons toujours compter ! »; « Je vous suis très reconnaissant pour tout votre travail. »; « Au nom de l’équipe, je vous remercie pour tout ce que vous faites. »; « Il est rare de rencontrer des personnes aussi dévouées et dignes de confiance. » auront toujours des effets positifs.
En définitive, dire merci après un service ou un bienfait, c’est simplement naturel encore faudrait-il le faire avec le ton et la sincérité.
Oussou Kouamé Rémi, Enseignant-chercheur à l’Université Alassane Ouattara-Bouaké et Doyen du Campus 2 de l’université internationale Clairefontaine- Expert en emploi et employabilité de l’étudiant