L’Afrique de l’Ouest risque une grande guerre après le putsch au Niger

L’ultimatum de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) expire dans quelques jours. Si la junte ne cède pas, cela pourrait conduire à l’escalade du conflit.

Johannes Dieterich
3 août 2023, 06h00

Confrontation dans la zone du Sahel : Les tractations diplomatiques concernant le coup d’État militaire au Niger pourraient se transformer en un conflit sanglant dans les prochains jours. Si la junte nigérienne ne renonce pas à son pouvoir d’ici le début de la semaine prochaine, la CEDEAO aura peu d’autre choix que de mettre en œuvre sa menace d’intervention, sans quoi l’alliance perdra toute crédibilité.

Mais en cas d’intervention étrangère, ce n’est pas seulement la junte nigérienne qui a annoncé la « guerre » : les trois autres États d’Afrique de l’Ouest, le Mali, le Burkina Faso et la Guinée, se rangeront aux côtés des putschistes nigériens.

La conséquence pourrait être une guerre régionale, sans précédent en Afrique de l’Ouest : « La Première Guerre mondiale de l’Afrique de l’Ouest », comme le dit le gouvernement guinéen. Il reste encore quatre jours pour désamorcer la situation explosive, mais les chances semblent minces, même si la CEDEAO a envoyé une délégation de négociation au Niger mercredi. En coulisse, les mercenaires russes de Wagner se réjouissent : ils s’attendent à être appelés en renfort par la junte nigérienne.

Peut-être que le chef de la junte nigérienne, Abdourahamane Tiani, a mal interprété le climat. Après les coups d’État au Mali, en Guinée et au Burkina Faso, la CEDEAO n’avait pris que des mesures de sanction obligatoires : suspension de leur adhésion et adoption de sanctions plus ou moins sévères. Aucune intervention militaire n’a été évoquée dans aucun de ces cas.

Cependant, une chose essentielle a changé depuis : Bola Tinubu a été élu président du Nigeria en début d’année et a également pris la présidence de la CEDEAO en juillet. Le politicien de 71 ans avait été emprisonné par le dictateur militaire nigérian Sani Abacha dans les années 1990 en tant qu’activiste pour la démocratie. Depuis lors, sa sympathie pour les putschistes est limitée.

« Il n’y a pas de bonne gouvernance, de liberté ni d’État de droit sans démocratie », a déclaré Tinubu avant le dernier coup d’État au Niger : « Nous n’accepterons pas que l’Afrique de l’Ouest subisse un coup d’État après l’autre. »

Selon Alex Vine, directeur pour l’Afrique de la maison d’édition Chatham House à Londres, la menace d’intervention du président nigérian n’est en aucun cas un bluff : « Tinubu est allergique aux putschistes. » Si l’armée nigérienne n’est pas arrêtée, de plus en plus de généraux en Afrique de l’Ouest pourraient être encouragés à déployer leurs chars d’assaut.

La raison du coup d’État, selon Tiani, était une détérioration de la sécurité et une stagnation économique. Cependant, il est plus probable qu’il voulait simplement anticiper son renvoi en tant que chef de la garde présidentielle par le président Mohamed Bazoum. Quoi qu’il en soit, la situation s’est considérablement détériorée au Mali et au Burkina Faso depuis la prise de pouvoir des militaires.

Cependant, il est possible que Tinubu ne trouve pas d’autres participants actifs parmi ses collègues de la CEDEAO pour une intervention. En particulier, les chefs d’État des pays francophones craignent que cela se retourne contre eux et que leur population s’oppose à une réhabilitation de l’ancienne puissance coloniale, la France. En effet, Tiani a déguisé son coup d’État en acte de libération anticoloniale – un stratagème éprouvé des autocrates africains.

Bazoum entretenait en effet des relations étroites avec Paris : le Niger était l’un des derniers États du Sahel à accueillir des soldats français sur son territoire et à fournir de l’uranium aux centrales nucléaires françaises. Il y a deux jours, la France a commencé à rapatrier ses quelque 600 ressortissants du pays.

Le ministre des Affaires étrangères italien, Tajani, accueille les évacués à Rome.

Un vol spécial italien a évacué 36 Italiens, 21 Américains, quatre Bulgares et deux Autrichiens de Niamey à Rome. Un Autrichien avait déjà été mis en sécurité auparavant. En revanche, environ 1 500 soldats français, 1 100 américains et près de 100 soldats allemands restent pour l’instant sur place.

Cependant, même si le Nigeria ne trouve pas de partenaires, la puissance africaine pourrait mener une intervention seule. Son armée compte plus de 230 000 soldats, contre 5 200 pour l’armée nigérienne. Cependant, Tinubu, comme le reste des États de la CEDEAO, espère que l’intervention militaire pourra être évitée à la dernière minute si la haute hiérarchie militaire nigérienne se distancie finalement du général Tiani, qu’elle a soutenu à contrecœur après le putsch. (Johannes Dieterich, 3 août 2023)

Source: DERSTANDARD

Traduction de l´Allemand en français et image d´illustration, la rédaction,

Akondanews.net

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