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Près de quarante ans après la création en France du label AB (1985), la filière de l’alimentation biologique rencontre une panne inattendue. Après des débuts difficiles, sa croissance à deux chiffres entre 2015 et 2020 semblait très prometteuse. Notre pays occupe la deuxième place au sein du marché européen, derrière l’Allemagne, et 13% des fermes en France, soit plus de 58 000, sont engagées en bio. Toutefois, le pic de la consommation de produits bio, atteint en 2020, reste modeste : 6,7% des achats alimentaires. Depuis, il est en baisse (-1,3% en 2021) tous produits confondus : légumes, lait, œufs… En cause, principalement, l’inflation et la hausse générale des prix qui contraignent les Français à réduire leurs dépenses, notamment alimentaires.
Le bio est plus cher de 20% à 50% que les produits conventionnels, un écart jugé excessif par plus de la moitié des consommateurs. La croissance tardive mais spectaculaire du bio a mis en appétit les grandes enseignes qui ont commencé à faire du bio business non seulement en proposant des produits estampillés AB ou label européen (la feuille verte) mais aussi de nouvelles marques et labels moins exigeants. D’où une confusion et une perte de confiance des consommateurs. Ces enseignes de grande distribution, où ont lieu 50% des ventes de bio, doivent faire face à une contraction de leur chiffre d’affaires de près de 4% dans ce secteur. Mais elles rencontrent moins de difficultés à réduire leurs offres que les coopératives bio et autres boutiques spécialisées. Des magasins Biocoop ferment leurs portes, des agriculteurs arrêtent ou délaissent le bio plus assez rentable (par exemple les éleveurs de porc en Bretagne contraints de vendre du porc bio au prix du conventionnel). L’an dernier, 1500 paysans bio, soit 2,5% des effectifs, sont sortis du label. On a enregistré plus de fermetures que d’ouvertures de commerces spécialisés : 165 contre 140. La crise est conjoncturelle et structurelle. D’un côté, la baisse de la consommation, de l’autre un cahier des charges écrasant, comme l’administration française aime en ficeler, mais qui n’a tout de même pas empêché des fraudes ou des incohérences sur le bio, en particulier dans les grandes surfaces (produits trop transformés, emballés dans du plastique, importés de pays lointains et moins regardants sur les normes bio).
Comment stimuler le marché et sortir de la crise structurelle ? Lors des Assises de l’agriculture et de l’alimentation biologique qui ont eu lieu en décembre 2022 à Paris, Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, a annoncé la mise en œuvre d’une palette de dispositifs afin d’accompagner les professionnels et d’aider la relance de la consommation en 2023 : 1/ Des moyens financiers supplémentaires accordés à l’Agence Bio (en charge du développement, de la promotion et de la structuration de l’agriculture biologique française) ; 2/ Une nouvelle campagne de communication grand public sur le bio ; 3/ L’augmentation du Fonds Avenir BIO destiné à structurer et développer des débouchés pour les filières bio ;4/ Un travail spécifique de l’Agence Bio avec les représentants de la filière porcine particulièrement touchée par la crise de la demande ; 5/ La mise en œuvre des lois climat et résilience (lutte contre le dérèglement climatique en France) et Egalim (pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable) ; 6/ Enfin le gouvernement table sur la nouvelle PAC 2023-2027 qui prévoit 340 millions d’euros par an pour accompagner les agriculteurs vers la conversion en agriculture biologique. En attendant de voir se réaliser ces promesses, nombre d’éleveurs et d’agriculteurs aimeraient déjà que le gouvernement fasse appliquer la loi Egalim (votée et promulguée en 2018), qui commande de servir 20% des repas en bio dans la restauration collective (avec seulement 6,6% des achats en bio en 2021, l’objectif est encore loin d’être atteint dans les cantines, les Ehpad et les hôpitaux).
Enfin, il faut relativiser la baisse du « bio » : la consommation a baissé en volume avec l’ensemble de la consommation alimentaire (moins cinq milliards d’euros, soit une baisse de 2% du budget dédié à l’alimentation en général en 2021-2022) mais elle a par contre légèrement augmenté en part de marché, constate le site Makesense (en lien ci-dessous). La baisse touche surtout la grande distribution et les enseignes spécialisées, type Biocoop. En revanche, les réseaux de vente directe (11% des parts de marché du bio) ont le vent en poupe avec une croissance continue depuis 2012 : signe que la proximité, la confiance, la volonté de soutenir la production locale n’ont pas faibli, loin de là ! Si le développement à marche forcée du bio en France a fini par se retourner contre la filière, poussant à des conversions trop brutales avec des coûts excessifs, l’avenir du bio appartient plus que jamais aux consommateurs.
Source: LSDJ(Philippe Oswald)
Akondanews.net