Kong 2 : quand le village fait le pari du développement par la solidarité

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Le samedi 23 août dernier, le petit village de Kong 2, situé dans la commune de Yakassé-Attobrou, a connu une effervescence peu ordinaire. À l’occasion de l’investiture de Claude N’da Gbocho à la présidence de la Mutuelle de Développement de Kong 2 (MUDEKO), l’air vibrait non seulement des sons de la fanfare, des pas de danse et des discours protocolaires, mais aussi — et surtout — d’un souffle d’espérance. Ce jour-là, au-delà de la simple passation de responsabilité, c’est tout un village qui a choisi de croire à nouveau en lui-même.

Dans une Côte d’Ivoire où les mutations économiques, politiques et sociales s’enchevêtrent, les zones rurales comme Kong 2 n’ont pas toujours eu voix au chapitre. Trop souvent reléguées au second plan, elles peinent à capter les investissements, à retenir les jeunes, à moderniser leurs infrastructures. Et pourtant, dans l’ombre de ces difficultés, un tissu local, plus robuste qu’on ne l’imagine, continue de se tisser : celui des mutuelles de développement. Ces structures, qui allient initiative communautaire et vision collective, redessinent aujourd’hui la carte du développement rural.

L’investiture de Claude N’da Gbocho, homme du terroir et désormais président de la MUDEKO, s’inscrit pleinement dans cette dynamique. « Je ne suis pas venu pour commander, mais pour servir », a-t-il déclaré dans un discours où humilité et appel à l’union se sont mêlés. Cette phrase pourrait passer inaperçue dans une société saturée de formules convenues. Et pourtant, dans la bouche d’un homme désormais chargé de canaliser les espoirs de tout un village, elle prend une autre dimension. Elle incarne cette nouvelle approche de la gouvernance locale où l’autorité n’est plus verticale, mais partagée, co-construite avec les populations.

Car à Kong 2, comme dans de nombreux villages ivoiriens, le développement ne peut plus être envisagé comme un don tombé du ciel ou une faveur politique arrachée à la capitale. Il doit venir du bas, de la base, des citoyens eux-mêmes, à travers une mise en commun des énergies, des ressources et des volontés. Le professeur Paul Yao N’dre, parrain de la cérémonie, l’a bien compris en appelant à « éviter les palabres » et à « s’entendre pour développer Kong 2 ». Ce conseil, simple en apparence, est pourtant d’une redoutable pertinence : il ne peut y avoir de progrès sans cohésion sociale.

Madame Modri Victorine VAH, sous-préfète de Yakassé-Attobrou, représentant le préfet, a d’ailleurs tenu à rappeler les fondamentaux : « Le président de la mutuelle n’est pas le chef du village ». Une précision qui pourrait sembler superflue, mais qui, dans le contexte local, est essentielle. Elle clarifie les rôles, distingue le pouvoir coutumier de la fonction sociale et associative, et évite les querelles de légitimité. Ce recadrage institutionnel est salutaire, car il pose les bases d’une gouvernance apaisée et complémentaire.

Ce jour-là, Kong 2 n’a pas seulement célébré une élection ; il a affirmé sa volonté de se réinventer. Les fanfares, les artistes, l’ambiance festive… tout cela participe bien sûr du folklore local. Mais derrière les danses et les chants, une conscience émerge : celle de la nécessité de se prendre en main. L’honorable Botchi Abel, vice-président du Conseil régional de La Mé et représentant du Premier ministre Patrick Achi, n’a pas manqué de le souligner en appelant toutes les forces vives du village à « travailler main dans la main ».

Cette injonction n’est pas nouvelle, mais elle résonne aujourd’hui avec une urgence particulière. L’exode rural vide les campagnes, les conflits d’intérêts divisent les communautés, la méfiance s’installe parfois entre les jeunes et les anciens, entre les résidents et la diaspora. Dans ce contexte, les mutuelles comme la MUDEKO ne sont pas seulement des leviers de développement économique. Elles sont aussi des instruments de médiation, de dialogue, de paix. Et plus encore, elles deviennent des écoles de démocratie locale.

 

Mais attention : l’euphorie d’un jour ne doit pas masquer les défis de demain. Le développement de Kong 2 ne se fera pas en un claquement de doigts. Il faudra gérer les attentes, prioriser les actions, mobiliser les financements, rendre compte, susciter l’adhésion continue. Il faudra surtout ne pas retomber dans les travers du clientélisme, des querelles intestines ou du désengagement progressif des citoyens. Claude N’da Gbocho le sait, lui qui a placé son mandat sous le signe du service.

Au fond, ce qui s’est joué ce 23 août à Kong 2, c’est peut-être une leçon universelle : le développement ne se décrète pas, il se construit. Il ne descend pas du haut, il émerge de la base. Et il ne se fait pas seul, mais ensemble.

Dans un pays en pleine transformation, où la centralisation des pouvoirs atteint ses limites, Kong 2 rappelle à tous que les villages ne sont pas des reliques du passé, mais les creusets d’un avenir à réinventer. La route sera longue, mais le pas a été posé. Et il est prometteur.

Kakabora, Correspondance particulière

Akondanews.net

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