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Lors de la dernière session de l’Assemblée générale des Nations Unies, un moment inattendu a fait grand bruit : la Côte d’Ivoire et le Sénégal, deux nations africaines marquées par des décennies de domination coloniale, ont choisi de s’abstenir lors du vote d’une résolution condamnant le colonialisme et réclamant des réparations pour les anciennes colonies. Ce geste, bien que passé relativement inaperçu sur la scène internationale, a provoqué un tollé au sein de la société civile africaine et suscité une profonde incompréhension chez ceux qui espéraient une prise de position claire de ces pays sur cette question cruciale.
Une Abstention Inexplicable ?
La décision de la Côte d’Ivoire et du Sénégal d’éviter un soutien explicite à cette résolution a laissé de nombreux observateurs perplexes. Ces deux pays, autrefois sous l’emprise de puissances coloniales, portent encore les cicatrices économiques, politiques et sociales du colonialisme. Leurs populations ont souvent exprimé un besoin de justice historique, à travers des appels à des réparations ou, tout au moins, à la reconnaissance des souffrances endurées. Alors pourquoi ces nations ont-elles choisi de ne pas soutenir une cause qui semble pourtant résonner avec leur propre passé ?
Certains analystes estiment que cette décision pourrait être motivée par des considérations diplomatiques et économiques. La Côte d’Ivoire et le Sénégal entretiennent des relations complexes avec les anciennes puissances coloniales et pourraient craindre de compromettre des accords bilatéraux ou des partenariats stratégiques en s’alignant sur une position trop radicale. Ce pragmatisme politique, cependant, ne semble pas convaincre une partie de l’opinion publique, qui voit dans cette abstention une trahison des idéaux de justice et de libération qui ont jadis guidé leurs luttes pour l’indépendance.
La Réaction de la Société Civile
Dans plusieurs pays africains, et notamment en Côte d’Ivoire et au Sénégal, des voix se sont élevées pour dénoncer cette abstention, perçue comme un reniement des souffrances du passé colonial. Des activistes, des historiens et des leaders d’opinion ont critiqué ce qu’ils considèrent être une soumission aux intérêts des puissances étrangères au détriment de la défense des valeurs et des droits du continent africain. Pour eux, il est inadmissible que des nations africaines, qui devraient être à l’avant-garde de la lutte contre le néocolonialisme, se montrent si frileuses sur une question aussi fondamentale que celle des réparations et de la condamnation du colonialisme.
Certains mouvements, en particulier ceux prônant la souveraineté africaine, ont vu dans cette abstention un signe inquiétant de l’influence persistante de l’ancienne métropole sur ses anciennes colonies. La question de la véritable indépendance, souvent soulevée dans les débats sur les relations franco-africaines, refait ici surface. Les abstentions de la Côte d’Ivoire et du Sénégal ravivent les critiques sur l’existence d’une “Françafrique” où les élites politiques africaines seraient encore largement influencées par Paris.
Vers une Réflexion Plus Profonde
Au-delà de l’indignation immédiate, cette abstention invite à une réflexion plus profonde sur la posture des États africains vis-à-vis de leur propre histoire coloniale. Si la quête de justice pour les crimes coloniaux est une question essentielle, elle doit être menée de manière cohérente et courageuse. L’abstention de la Côte d’Ivoire et du Sénégal soulève des questions sur la capacité des dirigeants africains à s’affranchir véritablement des influences étrangères et à défendre une vision africaine de la justice historique.
L’épisode de ce vote aux Nations Unies pourrait marquer un tournant dans le débat sur l’indépendance des nations africaines. Les citoyens, les intellectuels et les activistes devront rester vigilants et continuer à exiger que leurs gouvernements se montrent à la hauteur des enjeux historiques auxquels le continent est confronté. Car si l’Afrique aspire à écrire un nouveau chapitre de son histoire, ce dernier ne peut être dicté par des calculs diplomatiques au détriment de la mémoire et de la justice pour les générations passées.
En fin de compte, cette abstention a révélé les tensions internes qui existent entre la diplomatie moderne et la mémoire coloniale. Et c’est bien sur ce terrain que les futures batailles idéologiques devront être menées.
Kouachiada, correspondant à Hambourg
Akondanews.net