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Abidjan le 24 juin 2022- « Deux (2) milliards 500 millions de Francs CFA ont été dégagés pour détruire ces sites, pour déplacer ces populations et des actions ont été entreprises. Ce à quoi on assiste, c’est que quand les agents de l’administration arrivent, ils sont pris à partie par les populations », a bandé les muscles le Premier ministre ivoirien Patrick Jérôme Achi. A Abidjan ont dit plutôt «donc toi, tu as l’agent pour nous chasser, mais tu n’as rien pour sauver nos vies !»
C’était le jeudi 15 juin dernier lorsqu’il s’est rendu dans le quartier de Mossikro dans la commune d’Attékoubé où un glissement de terrain a tué plusieurs personnes. En voulant bien faire, le régime Ouattara que l’on pourrait accréditer de bonnes intentions a fini par faire mal. Certes l’intention est bonne de déguerpir des familles pauvres installées sur des sites à risque, afin de leur éviter le drame qu’elles vivent depuis le début de la saison des pluies. Mais avouons que le gouvernement s’y prend mal. Pour la bonne raison qu’il n’a rien prévu pour le bien-être des 25000 personnes délogées à Mossikro dans la commune d’Attékoubé. Ailleurs sous d’autres cieux, les autorités aménagent des gymnases, des terrains de sport ou des entrepôts couverts pour y installer sur une période bien définie, les familles en difficulté et déplacées. Et c’est pendant cette période généralement courte, que l’Etat profite pour construire des abris pour héberger durablement ses citoyens. L’Etat peut aussi anticiper les drames en programmant des recasements pour les familles sans moyens de se prendre en charge. Cela a déjà été fait dans ce pays par le président Félix Houphouët-Boigny et par le président Henri Konan Bédié.
Le premier a déplacé les habitants d’un quartier de la commune de Port-Bouët pour les reloger sur un site aménagé dans la commune de Yopougon dont le quartier porte à ce jour le nom de Port-Bouët 2. Il y a eu le cas des recasements des squatter du site Banco, c’était en janvier 1989. Ces derniers ont été déplacés dans la commune de Yopougon Banco 2, le nom initial en souvenir de leur ancien quartier. Le second, Henri Konan Bédié, a délocalisé les riverains du quartier précaire Washington situé dans la commune de Cocody à la sortie de la commune d’Adjamé. Avant de déplacer ses populations le président Bédié avait pris le soin de leur construire de nouvelles habitations dans le quartier Biabou situé sur la route d’Alépé. En 2006, le président Laurent Gbagbo a tenté l’initiative avec les riverains de Gobélé, un quartier précaire situé dans la commune de Cocody à Attoban. Mais le maire de cette commune, à l’époque Diagou Gommon (paix à son âme) a été freiné dans son élan par les organisations des droits de l’homme manipulées par l’opposition Rdr à l’époque.
Ceci pour dire qu’il faut toujours anticiper, parce que « gouverner c’est prévoir », comme l’on a l’habitude de dire. Mais l’Etat n’attend pas quelques jours avant le début de la saison de pluie, l’Etat n’attend pas aussi qu’un drame survienne pour parer au plus pressé et déguerpir en catimini une partie de ceux qui pour le gouvernement est en mission, c’est-à-à dire les populations. Ce qui s’est passé le jeudi 16 juin 2022 à Mossikro, est tout simplement déplorable. Ce jour-là, le Premier ministre Patrick Achi accompagné de plusieurs ministres de son gouvernement, s’est rendu dans le quartier de Mossikro après qu’un éboulement ait fait 08 victimes dont 6 personnes décédées et 02 autres blessés. Tout le monde sait que la saison des pluies bat son plein, et que la Côte d’Ivoire ne compte plus ses morts causés par les inondations et les glissements de terrain. Les pluies diluviennes qui s’abattent sur le District d’Abidjan continuent d’endeuiller les familles. Le chef du gouvernement était donc à Mossikro où il a déploré les décès, pour « présenter aux familles, les condoléances du Président de la République, Alassane Ouattara et du gouvernement ». Et « souhaiter prompt rétablissement aux blessés ».
Le témoignage de Patrick Jérôme Achi est assez illustratif de l’improvisation avec laquelle la Côte d’Ivoire est dirigée par Alassane Ouattara depuis le 11 avril 2011. Une gestion qui fait penser au médecin après la mort. « Nous avons été informés ce matin de ce que cette pluie avait causé des pertes en vies humaines, des blessés et d’importants dégâts (…). Ce que nous souhaiterions dire, c’est transmettre aux populations de la part de Son Excellence monsieur le Président de la République, toutes nos condoléances pour les familles endeuillées et tous nos sentiments de compassion pour les blessés, nos encouragements », s’est ému le Chef du gouvernement ivoirien. Dans ce deuil qui frappe les familles, Patrick Achi a trouvé des mots trop durs pour fustiger les victimes et leurs proches qu’il a même traités « d’inciviques ». Pire, il a promis – en lieu et place de l’assistance de l’Etat dont toute victime est en droit d’attendre « la détermination du gouvernement à tout mettre en œuvre afin de préserver la vie des populations », une belle litote qui n’est autre le déguerpissement forcé. Et il explique l’action gouvernementale, avant de la justifier : « C’est près de 25.000 personnes qui vivent sur ces sites qui sont des sites à risque parce qu’ils sont à flancs de collines, parce qu’ils sont dans des cavernes. S’il pleut, on peut avoir rapidement des inondations et le site aujourd’hui incriminé était un de ces sites. 2 milliards 500 millions de Francs CFA ont été dégagés pour détruire ces sites, pour déplacer ces populations et des actions ont été entreprises. Ce à quoi on assiste, c’est que quand les agents de l’administration arrivent, ils sont pris à partie par les populations ».
A croire donc le Premier ministre Patrick Achi, son gouvernement a pu trouver 2 milliards 500 millions de Francs CFA, pour déloger les populations de Mossikro. Mais il n’a trouvé aucune somme d’argent dans les caisses de l’Etat pour les mettre à l’abri en lieu sûr.
Denzel Bereby, Correspondant
Akondanews.net