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Amnesty International France, le jounal d’investigations Disclose et le Centre européen pour les droits constitutionnels et humains (ECCHR) ont saisi le tribunal administratif, jeudi 23 septembre, pour enjoindre le ministère de l’Economie à communiquer des documents administratifs sur les ventes d’armes françaises à l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et l’Egypte. Une première.

Enquête sur les ventes d’armes de la France.
La France est le troisième exportateur d’armes au monde. Ce commerce, a priori prohibé, doit être accompagné de garanties quant à l’usage qui est fait du matériel militaire vendu. En d’autres termes, l’Etat a pour obligation de s’assurer que les armes fournies à des pays étrangers ne sont pas utilisées contre des civils. Un engagement inscrit dans une position commune européenne de 2008, comme dans le Traité sur le commerce des armes (TCA) de 2014 et dont la France est signataire.
French arms est une série d’enquête dressant le panorama accablant des ventes et de l’usage des armes françaises dans des pays où des violations des droits humains sont largement documentées.
La France vend des armes à des pays accusés de violations graves des droits humains. C’est le cas de l’Arabie saoudite, des Emirats arabes unis et de l’Egypte. Les preuves des crimes perpétrés par ces Etats sont nombreuses et documentées, comme Disclose l’a démontré à plusieurs reprises. Pourtant, en contradiction avec ses engagements internationaux, l’Etat français continue de leur livrer du matériel de guerre. Dans quelle proportion et pour quel destinataire final – forces de sécurités, armées ? Impossible de le savoir : l’Etat garde ces informations secrètes.
Silence assourdissant
Pour contourner cet obstacle majeur au droit à l’information des citoyens, et permettre au débat public d’exister, Disclose s’est associé à Amnesty International France et au Centre européen pour les droits constitutionnels et humains (ECCHR). Ensemble, nous avons écrit à la Direction générale des douanes et droits indirects, la DGDDI, le 25 juillet 2021, pour qu’elle nous donne accès aux documents douaniers liés aux exportations vers ces trois pays. A cette demande qui portait notamment sur les transferts d’avions Rafale et Mirage 2000-9 (Dassault), de missiles Storm Shadow (MBDA France et Angleterre), de Canons Caesar (Nexter), de pods Damoclès et Talios (Thales), l’administration des douanes a refusé de nous répondre.
Parce que « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration » (art. 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen), Disclose et ses partenaires ont saisi la Commission d’accès aux documents administratif (CADA) le 11 décembre dernier. Sans plus de succès. Face à ce silence assourdissant, nous avons déposé un recours devant le tribunal administratif de Paris, ce jeudi 23 septembre. La requête : enjoindre le ministère de l’économie à nous communiquer les documents demandés, afin de poursuivre notre travail d’information sur les ventes d’armes de la France.
Ci-dessous l’intégralité de la requête déposée au tribunal administratif de Paris le 23 septembre 2021 :
https://www.documentcloud.org/documents/21067286-saisine-tribunal-administratif-de-paris
En mai 2021, les enquêteurs de Disclose révélaient le deal de l’achat de trente avions de combat par l’Egypte.

Révélations : la France signe en secret la vente de Rafale à l’Egypte
Selon des documents confidentiels obtenus par Disclose, Paris a signé avec la dictature égyptienne un contrat portant sur l’achat de trente avions de combat. Montant du deal : près de 4 milliards d’euros.
Pas de communiqué de presse ni de cérémonie officielle de signatures. A la demande du président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi, le méga-contrat d’armement signé entre Paris et Le Caire, le 26 avril dernier, devait rester secret.
D’après nos informations, l’accord concerne trois contrats. Le premier porte sur l’achat de trente avions de chasse Rafale à Dassault pour un montant de 3,75 milliards d’euros. Les deux autres représentent un marché à 200 millions d’euros au profit du missilier MBDA et de l’équipementier Safran Electronics & Defense. Montant total de l’opération : 3,95 milliards d’euros.
Un prêt garanti par la France
Une semaine après cette signature, la transaction est entrée dans sa phase finale. Dans les prochaines heures, une délégation d’officiels égyptiens doit atterrir à Paris avant d’être reçue à Bercy pour parapher, mardi 4 mai, l’accord financier lié au méga-contrat, le premier depuis la vente, en 2015, d’un lot de vingt-quatre Rafale.
Selon ce document à en-tête du ministère de l’économie français et du ministère de la défense égyptien, consulté par Disclose, les versements se feront principalement à crédit. Surendetté, l’état égyptien a en effet obtenu un prêt garanti par la France à hauteur de 85 % sur dix ans. Autrement dit, le Trésor public s’est porté caution auprès de plusieurs établissements bancaires français – le Crédit agricole, la Société générale, la BNP et le CIC – pour permettre au maréchal Sissi de conclure le transfert d’armement.
Si l’Egypte n’arrive pas à rembourser, c’est donc le contribuable français qui devra effacer l’ardoise de 3,4 milliards d’euros laissée par Le Caire, sans compter les intérêts. C’est plus qu’il y a six ans, lorsque Al-Sissi avait obtenu un prêt garanti à hauteur de 60 %. Contactés, l’Elysée et Matignon n’ont pas répondu à nos questions.
Opération reconquête
Il y a cinq mois, les 7 et 8 décembre 2020, Emmanuel Macron déroulait le tapis rouge au dictateur Sissi. Accueil fastueux aux Invalides, dîner à l’Elysée, remise de la grand-croix de la Légion d’honneur…

Malgré le tollé, le président n’a pas flanché, réservant tous les honneurs à son homologue accusé de l’incarcération arbitraire de plusieurs dizaines de milliers de personnes dont des responsables d’ONG, des membres de la société civile ou des journalistes. « Je ne conditionnerai pas notre politique de défense aux désaccords [sur les droits de l’homme] car je crois à la souveraineté des peuples », avait-il déclaré à l’époque, ajoutant : « Cela romprait la discussion avec l’Egypte et cela serait contre-productif dans la lutte contre le terrorisme. »
Ce soutien affiché au régime autoritaire d’Abdel Fattah Al-Sissi a immédiatement porté ses fruits : dans la foulée, Eric Trappier, le PDG de Dassault, a été reçu dans la résidence parisienne du maréchal. Suivi, un mois plus tard, par un déplacement au Caire du ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.
Contrôle renforcé
La conclusion de ce méga-contrat intervient au moment où les parlementaires français étudient les propositions des députés Jacques Maire (La République en marche) et Michelle Tabarot (Les Républicains) pour un renforcement du contrôle des exportations d’armes (lire notre enquête). Les deux élus, qui, dans leur rapport, attachent une attention particulière à l’Egypte, l’un de « nos premiers clients », en appellent à la création d’une commission parlementaire chargée d’examiner la nature des ventes et leurs destinataires. L’opacité qui entoure ces nouveaux contrats en dit long sur l’opposition de l’exécutif à rendre des comptes.
Cette commission parlementaire fut étoufée les arguments suivants :
« Cette implication de parlementaires (…) pourrait mener à une fragilisation du principe du secret de la défense nationale (…) ainsi que du secret des affaires et du secret lié aux relations diplomatiques avec nos partenaires stratégiques. » Le risque pour l’Etat ? Que « les clients » soient « soumis à une politisation accrue des décisions » qui nuirait aux affaires et provoquerait la « fragilisation de notre crédibilité et de notre capacité à établir des partenariats stratégiques sur le long terme, et donc de notre capacité à exporter ». En ligne de mire, des pays comme l’Arabie saoudite ou l’Egypte, le principal client de l’industrie tricolore en 2019.
Source : Disclose
Akondanews.net