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On sait qu’en Côte d’Ivoire, l’Agence Emploi Jeunes (AEJ) est le bras institutionnel de l’Etat, en matière d’emploi des jeunes. Et même s’il arrive que l’Etat, des ministères techniques et partenaires au développement développent des politiques spécifiques en matière d’emploi des jeunes, l’AEJ demeure le «One stop shop» en charge d’apporter une réponse au chômage des jeunes non seulement en renforçant leur employabilité par une formation professionnelle, mais encore en subventionnant leurs projets d’entrepreneuriat.
Dans ce contexte, l’institution s’est dotée de trois (3) principaux pôles d’intervention: Auto-emploi et financement, Développement des compétences et des Programmes spécifiques, chaque entité abritant des programmes et projets dédiés couvrant le spectre de l’emploi et l’employabilité des jeunes.
Pour ce qui est des programmes de développement d’activités génératrices de revenus (AGR), l’AEJ dispose du pole « Auto-emploi et financement », par le biais de son dispositif «Agir pour les Jeunes» qui est une initiative en faveur des jeunes Ivoiriens dont l’âge est compris entre 18 et 40 ans qui sont « porteurs d’une activité génératrice de revenus ou d’un projet de création d’une activité génératrice de revenus ».
Bien que le contexte de l’initiative mentionne qu’il s’agit « d’installer 2100 jeunes désireux de créer ou développer leur activité génératrice de revenus », on a toutes les raisons de penser que ce programme est principalement destiné aux jeunes porteurs de projets; ce qui peut paraître justifié d’ailleurs étant donné le nombre élevé de jeunes en situation de précarité (http://agenceemploijeunes.ci/site/agir-pour-les-jeunes).
Selon l’enquête Nationale de l’Emploi, le taux des personnes âgées de 16 à 35 ans qui ne sont, ni en situation d’emploi, ni en formation encore moins en éducation (NEETs) est passé de 1 475 873 jeunes en 2016 à 2 322 382 jeunes en 2019, ce qui représente une augmentation de 57% (ENE, 2019).
Pour autant, avec le recul, il serait plus pertinent de donner la primauté à ceux qui sont déjà en activité et qui recherchent un financement pour accroitre leurs activités, pour certaines raisons.
En réalité, au-delà des qualités et valeurs propres aux entrepreneurs qu’ils ont certainement acquises en gérant leur activité au quotidien, ceux qui sont déjà en activité ont pu accumuler une certaine expérience de la gestion des fonds, de la charge de travail et du personnel, entre autres.
Or, on n’ignore pas que l’entrepreneur inexpérimenté sera nécessairement confronté à ces difficultés qui peuvent, à un moment donné, se poser comme de véritables obstacles à l’avancée de son projet.
D’ailleurs, pourquoi croire que sans expérience professionnelle, un demandeur d’emploi fraîchement émoulu de l’université est incapable d’être productif à un poste et penser que l’entrepreneur, sans avoir préalablement fait ses preuves, sera apte à gérer une entreprise?
En tout cas, si le but de l’AEJ, et partant le gouvernement, est de susciter, encourager ou du moins promouvoir l’esprit entrepreneurial chez les jeunes, il n’y a pas meilleur moyen que de les laisser faire leurs preuves et venir en soutien, un peu plus tard, à une étape où ils semblent avoir accumulé ce dont ils ont besoin pour la croissance de leur activité. Car brandir l’idée qu’il y a des financements pour des projets attire des aventuriers de tout acabit dont l’intention n’est pas nécessairement entrepreneuriale. On a le cas des fonds sociaux introduits par l’ex-président Bédié, au début des années 90, et dont le taux de remboursement ne dépasse pas 2%.
Oussou Kouamé Rémi
Enseignant-chercheur à l’Université Alassane Ouattara-Bouaké
Expert en développement professionnel
Akondanews.net