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Le nouveau ministre de l’Éducation Nationale de Côte d’Ivoire, le professeur Mariétou KONÉ, à propos du concours du CAFOP (Centre d’Animation et de Formation Pédagogique) disait ceci: « Il n’y pas de mauvais élèves, il n’y que de mauvais enseignants. »
Je me permets de partir de cette citation pour ouvrir le débat sur L’ÉCOLE en Afrique en général, en Côte d’Ivoire en particulier.
L’École ivoirienne, à l’instar, des écoles des pays africains, surtout ceux dits francophones, n’a pas rompu avec cette vision colonialiste qui lui avait été imposée lors de l’occupation, abusivement appelée « colonisation ». Nous avons des écoles dont le contenu est extérieur à la sociologie, à la culture et à l’histoire des Peuples de cet « enclos colonial », pardon, pays. Le pire c’est un contenu mensonger, raciste et propagandiste qui nous a toujours été servi et qu’après les indépendances, continuons d’apprendre à nos descendants. Des exemples pour étayer mes propos.
Premier exemple, il est attribué à un certain Pythagore, un théorème. Or non seulement, il n’existe aucun document de Pythagore sur cette théorie, mais mieux, le papyrus de Rhind date de 150 ans avant la naissance de Pythagore était déjà utilisé par les Anciens Égyptiens. Ils ont pu construire des Pyramides aux murs perpendiculaires en Égypte et au Soudan. Aujourd’hui, c’est leur procédé que tous les maçons utilisent avec le triplé (3,4,5).
Deuxième exemple raciste et mensonger, c’est qu’on abrutit les élèves africains, en disant « en 1492, Christophe Colomb a découvert l’Amérique. » Pourquoi, c’est raciste ? Simplement parce que les populations autochtones que les Européens ont trouvées ne sont pas considérés comme des Humains. Sinon, comment peut-on découvrir un continent déjà habité ? Ensuite, pourquoi ce continent ne porte pas son nom mais celui de Vespucci Amérigo, qui lui effectua ses deux voyages entre 1497 et 1504, c’est-à-dire 5 ans après la soi-disant découverte de Colomb?
Dernier exemple, c’est cette propagande mensongère que fait la France sur un certain Victor Schoelcher qui aurait aboli l’esclavage le 27 avril 1848. Et c’est connu de tous que c’est après la bataille de Vertières (du 18 au 19 novembre 1803) au cours de laquelle, des Negs Marrons, c’est-à-dire des esclaves en fuite, battirent la plus puissante armée, à l’époque du monde. Et ainsi, le 1er janvier 1804, Haïti devint indépendant. Peut-être que pour se consoler, les Français ont aboli l’esclavage 44 ans après (et encore !!!), mais l’avènement d’Haïti annonça la fin de ce crime contre l’humanité.
2. UN NOUVEAU CURRICULUM POUR L’AFRIQUE.
D’abord, je définis le curriculum comme la didactique des disciplines. Pour dire simple, il s’agira de chercher à savoir ce qu’on doit enseigner dans les écoles africaines. Je voudrais que cela soit clair. Il ne s’agit pas de tout effacer. Mais d’extirper du savoir des apprentissages ce qui est propagande mensonger et raciste. Nous n’allons pas faire comme les Européens qui prenant voire volant le Savoir des autres Peuples, les ont attribués aux leurs. Ce qui est demandé aux dirigeants africains ; c’est la rupture d’avec le système colonialiste d’enseignement et « une volonté de réformer les programmes en vigueur, pour les rendre à la fois plus compatibles avec les nouveaux savoirs scientifiques et plus adaptés aux nouvelles générations d’élèves ». En voulant procéder ainsi, nous établissons une complémentarité entre éducation et instruction.
D’après Henri Péna-Ruiz, dans son essai « Qu’est-ce que l’école ? », il définit l’éducation comme le processus par lequel un être est conduit (du latin ducere) vers un point déterminé, à partir d’une condition première dont il faut sortir (ex-ducere). Alors que « l’instruction, (…) c’est apprendre selon un ordre logique, dont dépend la compréhension graduelle: ainsi, procéder du plus simple au plus complexe, c’est s’élever par degrés à l’intelligence d’un savoir ».
Or l’école coloniale que nous avons actuellement en Afrique opère une distinction. Parce que l’instruction n’est comprise que comme « l’acquisition mécanique de savoir inertes, la mémorisation passive d’informations ».
3. BILAN NON EXHAUSTIF DE L’ ÉCOLE SOUS LE RÉGIME IVOIRIEN ACTUEL.
Les propos de l’actuelle ministre seraient objectifs si elle avait mis en avant la responsabilité première des élites dirigeantes, et singulièrement celle qui est au commande de la Côte d’Ivoire depuis dix ans. Car avant que l’enseignant et l’élève se retrouvent, il faut que les dirigeants du pays créent le lieu et des conditions favorables à l’apprentissage. Or la situation en Côte d’Ivoire n’est pas reluisante. On pourrait même parler de catastrophique. Pour corroborer mes affirmations, je vais m’appuyer sur le document de la Direction des Stratégies, de la Planification et des Statistiques (DSPS).
( Je vous conseille de télécharger le document).
Ce sera celui par exemple « Statistiques scolaires de Poche 2018-2019 », paru en mars 2019. Ce document contient, à la page 4, le mot de l’ex-ministre de l’éducation nationale, Mme Kandia CAMARA.
En le parcourant, vous vous rendrez compte d’une situation dramatique par exemple au primaire. En effet, à la page 39, il est indiqué que seulement 42,7 % ont reçu, dans le cadre de l’école gratuite, des livres de lecture et 40,3% des livres de calcul. Au passage, à la page 29, il mentionné que « 1 141 942 élèves du primaire ne disposent pas d’extrait d’actes de naissance, en 2018-2019 contre 1080 240 cas en 2017-2019. »
À la page 48, il est écrit : 73,6% d’écoles ivoiriennes sont sans électricité (cela impact sur 66% d’élèves), 56,4% d’écoles ivoiriennes sont sans latrines fonctionnelles (cela impact sur 51,4% d’élèves), 62,1% d’écoles ivoiriennes sont sans point d’eau (cela impact sur 54,9% d’élèves), 83,7% d’écoles ivoiriennes sont sans lave-mains (cela impact sur 81,7% d’élèves).
Pour ce qui concerne le secondaire, ce rapport nous apprend, à la page 61 qu’il y a 2019 établissements, 37.077 salles de classes, 2110499 élèves, 268129 redoublants et 61338 enseignants. On remarquera, en termes de ratio, il a 1 enseignant pour 34 élèves et 1 salle de classe pour 57 élèves.
Les statistiques relatives au CAFOP sont données à la page 59. Et elles sont les suivantes :
16 CAFOP, 181 salles de classes, 5 029 élèves-maîtres et 575 enseignants. Si globalement, ces chiffres sont bons, c’est la répartition des CAFOP qui posent problème. En effet, à la page 60, on observe qu’Abidjan n’a qu’un seul centre pour 616 élèves et 60 enseignants. Ce qui correspond à 1 enseignant pour 10 élèves-maîtres. À Gbêkpê, région de Bouaké, pour 2 centres, il y a 800 élèves-maîtres et 30 enseignants. Cela signifie 27 élèves pour 1 enseignant.
Comment comprendre ces conditions académiques et scolaires dramatiques pour un pays qui s’arroge le titre « d’émergent » et en plus, avec une croissance à « deux chiffres » continue pendant plus de 7 ans?
En conclusion, je dirais que la source de l’échec de l’école en Côte d’Ivoire, pour ne prendre ce cas que je connais, provient non seulement du manque de vision réelle pour UNE ÉCOLE NOUVELLE, mais ÉGALEMENT DE VOLONTÉ POLITIQUE.
Si ces deux éléments qui sont concomitants ne sont pas réalisés, quel que soit l’enseignant le plus compétent, il ne réussira JAMAIS à produire UN IVOIRIEN NOUVEAU conscient des enjeux de ce monde pour participer à la Renaissance de l’Afrique, le Continent-Mère.
Tapé GROUBERA
Enseignant, président du Mouvement pour la Renaissance de l’Afrique (moraf)
Auteur du livre CES AFRICAINS ENNEMIS DES AFRICAINS.
Très belle réflexion