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Dans ce document, M. Ahoua Don Mello, ex-ministre de l’équipement et de l’assainissement et porte-parole du dernier gouvernement du Président Laurent Gbagbo, présente l’orientation économique du PPA basée sur le slogan : « Il ne peut y avoir de démocratie durable sans souveraineté économique ».
M. Don Mello déclare au nom de l’APP que la souveraineté économique est impossible sans intervention de l’Etat dans un pays dominé économiquement et militairement car le bien-être du peuple passe par la souveraineté des secteurs stratégiques. Les facteurs décisifs du développement de l’Afrique sont donc de déclarer stratégique toute matière première africaine, bâtir une politique commune de contrôle interne et externe et de fixation de prix.
Cela suppose des dirigeants africains n’ayant de compte à rendre qu’à leur peuple et imprégnés d’une conscience continentale intègre avec des alliances stratégiques dissuasives, comme cheville ouvrière pour la souveraineté et l’intégration des États africains.
En somme, le Parti des Peuples Africains est pour la souveraineté économique de l’Afrique : L’Afrique n’a pas besoin d’aide mais de souveraineté économique et de bonne gouvernance.
L’ORIENTATION ÉCONOMIQUE DU NOUVEAU PARTI
Le FPI a accédé au pouvoir en 2000 avec un programme économique construit autour de l’Economie sociale de marché.
A la pratique et à la lumière de la crise de 2002 à 2011, il convient donc de s’interroger sur la pertinence de ce choix si nous voulons faire le saut technologique vers un développement industriel compétitif et éviter une autre crise.
RAPPEL HISTORIQUE
Issue de l’idéologie ordo libérale développée en Allemagne entre les deux guerres, l’ordo libéralisme voulait éviter le désastre social qui accompagnait l’économie capitaliste Allemande portée à maturité et qui craignait donc la propagation de la révolution socialiste et soviétique triomphante en Russie.
Mise en œuvre après la deuxième guerre mondiale, elle a permis la renaissance et le développement économique et social de l’Allemagne après la deuxième guerre mondiale.
L’économie sociale de marché, qui interdit l’intervention de l’Etat dans l’économie ne peut prospérer sans un capitalisme national porté à maturité. C’est le cas de l’Allemagne et de plusieurs pays Européens.
A l’inverse, dans les pays dominés comme la Russie ou la Chine, l’intervention de l’Etat dans l’économie a été nécessaire pour asseoir les fondements de l’économie sur des bases socialistes planifiées puis sur les bases de l’économie socialiste de marché avec l’ouverture de l’économie au privé national et international en maintenant les secteurs stratégiques dans l’économie publique. Cette économie mixte justifie l’extraordinaire développement des économies d’Asie et de la Russie post soviétique après une expérience douloureuse et improductive de l’économie sociale de marché.
En France l’intervention de l’Etat dans l’économie après la seconde guerre mondiale, a été le fondement de la Vème République.
En Côte d’Ivoire, les différents plans d’ajustement structurel ont créer des monopoles ou cartels privés dans les secteurs stratégiques de l’économie (eau, électricité, télécommunication, finance, monnaie, transport, commercialisation des matières premières qui entretiennent la cherté de la vie, rend non compétitif le secteur privé national, organise la pauvreté paysanne et urbaine, porte atteinte à la souveraineté nationale et à l’intégration des économies Africaines.
De 2002 à 2011, ces secteurs stratégiques ont constitués des armes entre les mains des puissances extérieures pour financer, entretenir une rébellion et organiser le blocus économique, social, monétaire et financier du régime FPI.
Sans l’intervention de l’Etat pour récupérer et gérer ces secteurs stratégiques au profit du secteur privé national, des masses paysannes et urbaines, la croissance économique à deux chiffres entraînera toujours une croissance de la pauvreté à deux chiffres.
L’ÉCONOMIE SOCIALE DE MARCHÉ DANS LE CONTEXTE D’UNE ÉCONOMIE DOMINÉE
Dans le contexte d’une économie dominée, l’absence de l’intervention de l’Etat dans l’économie, expose le pays à la cherté de la vie, à l’exclusion économique et sociale et à la recolonisation. Des exemples précis nous permettront de mettre en évidence ces méfaits.
LE CAS DU SECTEUR ÉLECTRICITÉ EN CÔTE D’IVOIRE
Pour améliorer le quotidien de l’ivoirien, soulager les PME et améliorer la compétitivité de l’économie ivoirienne, il importe de s’attaquer au coût de l’énergie, ce qui demande une bonne compréhension du processus de production de l’électricité en Côte d’Ivoire.
Le secteur de l’électricité est composé de trois sous-secteurs:
1. Le sous-secteur transport, distribution et vente de l’électricité.
Il constitue un monopole privé géré par la Compagnie Ivoirienne de l’électricité (CIE) dont le contrat est échu en 2005 et renouvelé pour 15 ans. Bouygues s’est retiré de ce secteur pour faire rentrer l’assureur français AXA actionnaire du Groupe ERANOVE qui détient la majorité du capital de la CIE.
2. Le sous-secteur production.
Il est libéralisé et fait l’objet de concession à durée déterminée à des privés qui rétrocèdent à l’Etat à la fin de la concession. La CIE gère pour le compte de l’Etat les barrages hydroélectriques qui appartiennent tous à l’Etat. La production thermique qui assure 75% de la production, est réalisée par les centrales thermiques de Vridi, CIPREL (propriété du Groupe ERANOVE). AZITO, AGGRECO
3. Le sous-secteur Gaz
Il est contrôlé à 75% par Foxtrot, propriété des frères Bouygues. Son contrat a été prolongé par le gouvernement jusqu’au 04 avril 2024 (avenant n°4). Les 25% restants sont produits par CNR (Canadian Natural Ressources) qui produit du gaz associé au pétrole des champs Espoir et Baobab, AFREN, PETROCI (détenteur depuis 2003 des gisements Panthère et Lion. Ce dernier gisement contient du gaz associé au pétrole).
Selon le mode de gestion du secteur de l’électricité, la fixation du prix payé par le consommateur fait l’objet d’un décret. L’ensemble des ressources constituent le chiffre d’affaires du secteur perçu par la CIE et redistribué par ordre de priorité à chaque sous-secteur selon les contrats de concessions signés avec l’Etat. Le secteur gaz a la priorité absolue après suit le secteur des centrales thermiques.
Renégocier à la baisse le prix du gaz naturel (gaz sec/ gaz associé)
En 2014, le chiffre d’affaires était de 418,4 milliards de FCFA. L’eau est gratuite pour faire fonctionner les turbines des barrages hydroélectriques qui assurent le 1/3 de la production. le gaz est payant et constitue le coût le plus élevé dans la production de l’énergie électrique. Il était de 2/3 du chiffre d’affaires en 2011. En Côte d’Ivoire les 2/3 du gaz sont extraits des forages en mer par l’entreprise Foxtrot propriété des deux frères BOUYGUES et non de la société Bouygues qui réalisent un super profit. Ce profit est sans commune mesure avec celui réalisé dans le sous-secteur distribution avec la CIE. Selon le rapport du séminaire organisé par les experts ivoiriens sous l’égide du gouvernement en Novembre 2012 dont le thème était « DEFIS ET ENJEUX DU SECTEUR DE L’ENERGIE EN COTE D’IVOIRE : MESURES D’URGENCE ET PLANS À MOYEN ET LONG TERMES », le constat était sans équivoque : « Si la situation électrique de la Côte d’Ivoire peut paraître enviable en comparaison avec la plupart des pays de la sous-région, il n’en demeure pas moins que depuis maintenant plus de deux décennies, elle est confrontée à des difficultés qui ont progressivement entrainé un déséquilibre financier qui à fin 2010 avoisinait les 200 Milliards de FCFA. Au nombre de ces difficultés figurent le coût trop élevé du gaz dont dépend au 2/3 l’électricité produite ». La recommandation des experts ivoiriens était sans appel : « Renégocier à la baisse le prix du gaz naturel (gaz sec/ gaz associé) ». Nos courageux experts ne se sont pas arrêtés là, ils ont même fixé le montant annuel de réduction du coût du gaz : 127 milliards de FCFA par an dont 100 milliards avec les frères BOUYGUES contre un déficit annuel du secteur de 63 milliards de FCFA ! Le courage des experts ivoiriens venait contredire le FMI qui recommandait une augmentation des tarifs de l’électricité le 12 Mai 2012 soit six (6) mois avant les experts ivoiriens qui ne l’ont pas suivi. Comme son habitude, le FMI avait probablement suscité ce séminaire pour avoir l’adhésion des experts ivoiriens à sa thèse. « Le Fonds Monétaire International a appelé, à des réformes dans le secteur de l’énergie en Côte d’Ivoire, à l’occasion du versement des 100 millions de dollars d’un prêt au pays, soit environ 50 milliards de FCFA. Le FMI a appelé à assurer l’avenir de la Compagnie Ivoirienne d`Electricité (CIE) par « de nouvelles mesures, y compris des hausses des tarifs » ». Rapporte le quotidien Notre Voie dans sa livraison du 14 Mai 2012. Les experts ivoiriens n’avaient pour seule préoccupation que les intérêts du pays tandis que les experts du FMI se préoccupait plus des deux frères BOUYGUES qui empochent indûment 100 milliards de FCFA par an en vendant aux ivoiriens leur propre gaz contre 50 milliards d’aide du FMI!
Christophe BARBIER « Nous leur ferons payer la facture de la guerre……en matières premières, en énergie »
On voit bien que l’aide à l’Afrique rapporte gros aux généreux donateurs et fait perdre beaucoup à l’Afrique. Comment nos experts sont-ils arrivés à la conclusion qu’on peut réduire le coût du gaz et donc les factures d’électricité et pourquoi le gouvernement ne pouvait pas suivre les recommandations de nos experts ?
En effet le contrat qui lie les frères BOUYGUES à l’Etat ivoirien sur les anciens forages du bloc CI-27 pour la production du gaz était arrivé à expiration, par conséquent, le gaz et les équipements pour l’extraire devenaient la propriété des ivoiriens donc le gaz devenait gratuit comme l’eau des barrages hydroélectriques et les frères BOUYGUES n’avaient pas le droit de vendre aux ivoiriens leur propre gaz. Il était donc possible d’économiser le profit sur le gaz des anciens forages en confiant la gestion à la PETROCI, société d’Etat qui opère déjà sur les gisements Panthère et Lyon depuis 2003 par la volonté de Laurent GBAGBO et donc qui possède toute l’expertise nécessaire pour assurer la gestion du gaz pour le compte de l’Etat. Le Dr Ouattara a préféré prolonger le contrat des frères BOUYGUES (après le consentement d’une légère baisse du prix du Gaz) jusqu’en 2024 pour vendre aux ivoiriens leur propre gaz! On peut imaginer les graves conséquences pour la compétitivité de l’économie du pays et la vie des citoyens. Une telle aide de la Côte d’Ivoire aux frères BOUYGUES ressemble à un remboursement de la gratuité de l’électricité aux rebelles de 2002 à 2011 et un impôt sur chaque citoyen pour rembourser les frais des bombes qui se sont abattues sur la Côte d’Ivoire. Près de la moitié du paiement effectué par chaque ivoirien en réglant sa facture d’électricité, finance cet « impôt de capitation » qui ne dit pas son nom.
Christophe BARBIER ne croyait pas si bien dire lorsqu’il déclarait à la chaîne de télévision française LCI au lendemain de l’arrestation de Laurent GBAGBO par les forces françaises : « Nous leur ferons payer la facture de la guerre……en matières premières, en énergie » En plus, l’étude qui a servi de base au contrat de partage à durée limitée du gaz ivoirien aux frères BOUYGUES, conduite sous la maîtrise d’œuvre du BNETD, a conclu à un équilibre financier au profit des frères BOUYGUES de 20$ le baril de pétrole comme prix de référence, le prix du gaz étant indexé au prix du pétrole dans le contrat. Entre 2000 et 2010, le prix du baril a monté d’une manière extraordinaire avoisinant les 100$ le baril. Selon le contrat « take or pay » qui lie les frères BOUYGUES à la Côte d’Ivoire, le gaz est vendu au secteur électrique en référence au prix du pétrole sur le marché international. Le trop plein perçu par les opérateurs gaziers n’a pas fait l’objet d’un partage avec le gouvernement ivoirien pris en otage par le hold-up de la Côte d’Ivoire de 2002 à 2010. Un audit sérieux par des experts nationaux peut permettre de prouver sans grande difficulté que le cumul du trop-plein perçu dépasse largement le cumul des déficits ainsi que les investissements actuels du secteur qui ont servi de prétexte pour renouveler les contrats de concession. Les ressources issues de ce mariage forcé sont donc des biens mal acquis qui méritent d’être rétrocédés au peuple à travers un vrai procès après un audit. Annuler purement et simplement ces contrats gaziers et confier la gestion à PETROCI pour soulager le peuple ivoirien en réduisant les factures d’électricité n’est que justice. La désignation par appel d’offre des responsables des structures de l’État a montré toute son efficacité. Il reste à instaurer le principe de rendre compte aux représentants du peuple élus selon des règles consensuelles pour assurer une bonne gouvernance de l’État et de ses sociétés. Il n’y a aucun argument technique ni financier qui justifie ces mariages forcés. Ce qui est vrai pour l’électricité l’est autant pour tous les secteurs stratégiques de l’État (téléphonie, eau, cacao, pétrole, travaux publics, marchés publics, banques).
L’Afrique n’a pas besoin d’aide mais de souveraineté économique.
L’émergence du bien-être du peuple de Côte d’Ivoire passe par la souveraineté des secteurs stratégiques. La leçon qu’il faut tirer du secteur électricité en Côte d’Ivoire et qui est valable pour tous les autres secteurs, est que l’Afrique n’a pas besoin d’aide mais de souveraineté économique. Elle n’a pas besoin d’experts internationaux mais de bonne gouvernance qui fait confiance aux experts nationaux et qui se débarrasse du complexe d’infériorité et de la corruption. La souveraineté est une conquête permanente du peuple dans tous les domaines. Elle appartient au peuple. Aucun individu et aucune section du peuple ne peut en abuser pour longtemps. La mesure qui permettra de baisser la facture des ménages et des opérateurs économiques, est l’annulation pure et simple du renouvèlement des contrats gaziers en confiant la gestion à la PETROCI. Ces mesures permettront de réduire le coût de l’électricité en supprimant les énormes profits injustifiés qui ressemblent à un «impôt de capitation ».
LE CAS DU CACAO
1932, le jeune médecin Félix HOUPHOUET, excédé par une pratique coloniale abjecte, a poussé le cri de cœur « on nous a trop volé ». Ce cri, soutenu par une grève de la vente du cacao, conduira à la fin de la discrimination entre paysan blanc et noir, à l’abolition du travail forcé, au contrôle de la production et à la commercialisation du cacao par les africains et la fin du système colonial direct. La maîtrise de la production et la commercialisation du cacao par la CAISTAB (la Caisse de stabilisation des prix du cacao et du café ; permettait de maintenir un prix moyen d’achat aux producteurs) et les paysans, a conduit au développement prodigieux de la Côte d’Ivoire de 1960 à 1980. Cependant, le cours très bas du cacao dans les années 80 a mis à mal les ressources publiques et a plongé la Côte d’Ivoire dans une suite sans fin de crises multiples et multiformes.
1988, dans une rage qui ressemble à celle de 1932, le Président HOUPHOUET-BOIGNY lance un cri de colère: « Ils nous volent notre cacao! Maintenant on ne vend plus ». Il décide de geler la vente du cacao ivoirien pour faire remonter le cours du cacao sur le marché mondial. Peine perdue, le caractère périssable de la fève du cacao aidant, les multinationales de négoce du cacao notamment le groupe français Sucres et Denrées et le groupe américains Philip Brothers basé à Londres dont les principaux acteurs créeront plus tard Armajaro, à coup de division et de pression de toute sorte, remportent la bataille en 1989. le Président HOUPHOUET est contraint de diviser par deux le prix d’achat au producteur. le Président HOUPHOUET perd ainsi une bataille mais décide de continuer la guerre en tirant les leçons de la défaite, prenant ainsi en compte les deux paramètres essentiels qui sont : Le caractère périssable de la fève de cacao et la toute-puissance des intermédiaires que sont les multinationales du négoce. Ces derniers, sentant la détermination du « Vieux », décident avec l’appui des États occidentaux et des bailleurs de fonds, d’imposer la libéralisation et la privatisation de l’économie ivoirienne. En violation de la Constitution ivoirienne, les bailleurs de fonds et les pays occidentaux imposent un Premier Ministre issu de leur rang : Alassane Dramane OUATTARA. S’ouvre alors une période de privatisations et de libéralisation à outrance entraînant le dépouillement économique de l’État de Côte d’Ivoire et de ses infrastructures économiques au profit des multinationales.
1992, pendant que Monsieur Ouattara prône l’exclusion de l’État du secteur productif, privatise et libéralise à tour de bras en autorisant la pénétration des multinationales dans la commercialisation interne du cacao, le Président HOUPHOUET maintient la CAISTAB et décide de construire une usine de cacao en Chine pour assurer le broyage des fèves. Cette politique délibérée du Vieux vise à éliminer le caractère périssable de la fève et à contourner les multinationales du négoce en s’implantant sur le marché d’avenir. Situé, dans la commune de QINYUAN en Chine dans la province du GUANGDONG, un terrain de 3 ha est identifié. La partie chinoise a pour mission de construire l’usine et la Côte d’ivoire de l’équiper. Coût du projet : terrain et bâtiment 3 millions de dollars (1.5 milliards de FCFA), matériels et équipements labo 8 millions de dollars (4 milliards de FCFA). Fonds de roulement 2 millions de dollars (1 milliards de FCFA) .Investissement total: 13 millions de dollars (6.5 milliards de FCFA). La capacité de broyage de l’usine est de 20 000 tonnes par mois de fèves soit 240 000 tonnes l’an.
1993, le Président HOUPHOUET meurt et Monsieur OUATTARA s’en va. Monsieur BEDIE prend le pouvoir. Le Franc CFA est dévalué. Le Président BEDIE maintient le programme de privatisation et de libéralisation. Tous les grands négociants du cacao sont en Côte d’Ivoire avec plusieurs réseaux de ramifications politiques. Le Président BEDIE poursuit la construction de l’usine de chine qui s’achève en 1997 et liquide la CAISTAB en 1998. Le partenaire technique français en charge de l’achat des équipements techniques ne livre que les équipements de moulage. Il vend à son profit les équipements de broyage constituant le cœur du projet et disparaît. L’usine ne peut donc fonctionner. Le Président BEDIE est emporté par le Coup d’État de décembre 1999.
NOVEMBRE 2000, Monsieur Laurent GBAGBO est élu et investi Président de la République avec un slogan : « Donnez-moi le pouvoir pour que je vous le rende ». Cela implique, pour le secteur du cacao, le contrôle interne et externe du cacao par les paysans. Une réforme de la filière est entreprise fondée sur le slogan. Les positions des multinationales du négoce dont Armajaro sont donc menacées sur le marché à terme du cacao. Une course contre la montre s’engage entre le contrôle interne et externe du cacao par l’État et les paysans d’un côté et les multinationales de négoce dont Armajaro de l’autre.
AVRIL 2002, le Président Laurent GBAGBO dirige une délégation en Chine pour négocier des accords de coopération avec la Chine. Dans le panier des accords, l’usine de cacao en Chine, l’usine de montage de véhicules, de machines agricoles en Côte d’Ivoire, l’Hôtel des Parlementaires, une ligne aérienne directe entre la Chine et la Côte d’Ivoire et des projets routiers. Le BNETD est mandaté pour l’évaluation de l’usine du cacao. Une mission du BNETD fait alors le point du projet et recommande l’achat des équipements de broyage pour rendre fonctionnelle l’usine et la restructuration de l’actionnariat au profit des nouvelles structures de la filière café-cacao en remplacement de la CAISTAB qui représentait la Côte d’Ivoire dans le projet. Coût total pour relancer le projet : 6 272 420 dollars.
JUILLET 2002, des révélations confidentielles du journaliste Franco-canadien GUY ANDRE KIEFFER publiées plus tard en octobre 2002 font état de financement à hauteur de 30 milliards de FCFA par Armajaro de groupes de rebelles basés au BURKINA FASO et au MALI. Ces opérations de déstabilisations, visent à étrangler la sortie du cacao ivoirien, provoquer ainsi une remontée (flambée) du cours mondial du cacao et permettre à Armajaro de vendre cher son stock de cacao détenu aux USA. Le but de cette manœuvre d’Armajaro était d’éviter une lourde perte et engranger des bénéfices importants (400 à 500 milliards de FCFA soit plus de deux fois le budget d’investissement de la Côte d’Ivoire et plus de deux fois les aides annuelles consenties à l’État de Côte d’Ivoire sous les régimes passés).
Ceux qui ont suscité le cri d’indignation d’HOUPHOUET « on nous a trop volé !» continuent de voler et financer des rebellions en toute impunité, eux et leurs alliés.
SEPTEMBRE 2002, la Côte d’Ivoire est réveillée dans son sommeil par un coup d’Etat manqué qui se transforme en rébellion armée. Le pays est coupé en deux et crée alors un contexte qui suspend la mise en œuvre de la réforme. Une bonne partie du cacao est livrée au pillage systématique des rebelles.
JUIN 2003, le BNETD est saisi par la filière cacao-café pour évaluer techniquement une usine de transformation de cacao à FULTON dans l’État de New York aux Etats-Unis. Bâtie sur une surface de 9.3 ha dans un domaine de 15.35 ha soit 5 fois l’usine de Chine, l’usine de Fulton a une capacité de broyage de 50 000T/mois (2 fois et demie la capacité de l’usine de Chine) soit 600 000T l’an avec d’énormes capacités de stockage de fèves. L’usine américaine possède une chaîne complète de broyage, de moulage, d’enrobage et de traitement du lait frais pour la fabrication de chocolat au lait. Elle est donc complémentaire de l’usine chinoise qui ne possède pas d’équipement de broyage compte tenu de la forfaiture du partenaire technique français. Elle a en outre conservé toute l’expertise technique pour faire fonctionner simultanément l’usine de Chine et de FULTON. Coût d’acquisition des équipements : 26 millions de dollars (13 milliards de FCFA) soit deux fois le prix de l’usine de Chine. La filière demande donc un plan stratégique complet (2005-2008) pour l’achat, le transport et le broyage de 800 000T de fèves de cacao en intégrant la capacité des deux usines. Dans le cadre de la décentralisation économique et pour donner un contenu à la décentralisation administrative initiée par le gouvernement, le plan proposé prévoyait 6 usines de conditionnement du cacao (coût total : 24 millions de dollars soit 12 milliards de FCFA) dans 6 villes de production de cacao en Côte d’Ivoire (Est, Centre-Ouest et Ouest) et à moyen terme, la délocalisation du broyage des USA à SAN PEDRO pour alimenter les usines de Chine et des USA. Ce plan devait servir de modèle aux autres produits agricoles (hévéa, palmier, anacarde, bois, coton, vivrier, fruit et légume, lait etc.) pour atteindre l’objectif : une usine pour une localité décentralisée. La décentralisation pouvait ainsi s’autofinancer et moderniser l’agriculture après application intégrale du plan foncier rural de 1998. L’objectif stratégique est donc de contrôler au moins 70% du commerce interne et externe du cacao, de maîtriser la transformation, de capter les marges intermédiaires sur le cacao au profit des paysans et développer une capacité d’influence sur le cours mondial du cacao.
MAI 2005, le test de production est lancé et s’achève avec une production de 234.8T de beurre de cacao, 221.4T de poudre de cacao, 24T de chocolat semi-sucré, 22.5T de chocolat noir et 20T de chocolat de qualité. Les contrats d’achat sont signés avec des clients. Tout est donc prêt pour lancer définitivement la production en 2006. Le compte d’exploitation prévisionnel indique un besoin de financement de 26 millions de dollars (13 milliards de FCFA) dont 3 607 000 au titre des arriérés d’exploitation, 4 500 000 dollars au titre de dépôt de cautionnement bancaire, 8 500 000 dollars au titre de l’exploitation et 9 769 508 dollars au titre des immobilisations. Les négociations avec les banques américaines ont abouti à un accord de financement de 6 769 508 dollars, l’État de New York s’est engagé pour 3 200 000 dollars et le financement à court terme de la filière est de 11 607 000 dollars (5.5 milliards de FCFA) et à moyen terme 5 000 000 de dollars (2.5 milliards de FCFA) courant mars 2006 pour un stock exceptionnel de fèves. La requête de financement de la filière adressée au Ministre GON COULIBALY pour signature, cosignataire sur le fonds cacao-café avec le Ministre Charles DIBY KOFFI, restera sans suite. C’est dans l’attente de la signature de cette requête qu’une campagne de dénigrement interne et externe a été orchestrée contre les responsables de la filière ayant abouti à leur incarcération, à l’inverse, ceux qui ont suscité le cri d’indignation d’HOUPHOUET continuent de voler et financer des rebellions en toute impunité, eux et leurs alliés.
Le 28 mars 2011, l’armée onusienne et une cohorte de mercenaires de la CEDEAO enrôlés par l’armée des rebelles de Monsieur OUATTARA détruisent tous les acquis de la période postcoloniale
DECEMBRE 2010, le Président Laurent GBAGBO réélu, est investi Président de la République de Côte d’Ivoire par le Conseil Constitutionnel à l’issue du deuxième tour de l’élection présidentielle 2010. Son adversaire Alassane OUATTARA est proclamé vainqueur des élections présidentielles par la communauté internationale sous la direction de Nicolas SARKOZY DE NAGY BOSCA. Une crise postélectorale s’ouvre. L’Union européenne décide du blocus du port d’Abidjan dont le terminal à containers fait l’objet d’une concession privée extérieure (Bolloré) et gèle ainsi les exportations du cacao. Elle décide de la fermeture des banques européennes en Côte d’Ivoire et de la banque centrale (BCEAO) pour empêcher tout achat intérieur du cacao. Le but de la manœuvre est d’asphyxier le gouvernement du Premier ministre AKE N’GBO et d’assurer le pillage du cacao par des négociants à la solde des rebelles en vue de mobiliser le financement nécessaire pour une nouvelle attaque armée de la Côte d’Ivoire. En réponse, le gouvernement réquisitionne la Banque Centrale, monopolise la commercialisation du cacao, prend le contrôle des banques européennes fermées et entre en négociation avec des partenaires stratégiques des pays émergeants. Une course de vitesse s’installe donc entre le gouvernement et les multinationales européennes pour le contrôle interne et externe du cacao. Le 28 mars 2011, l’armée onusienne et une cohorte de mercenaires de la CEDEAO enrôlés par l’armée des rebelles de Monsieur OUATTARA, violent le cessez-le-feu instauré depuis 2003 sous la surveillance supposée de l’ONU. Ils détruisent tous les acquis de la période postcoloniale : école, administration, centre de santé, biens publics et souvent privés jusqu’à Abidjan. Dans l’impossibilité de prendre Abidjan, la France de SARKOZY braque l’aéroport d’Abidjan privatisé au profit de l’aéroport de Marseille et fait débarquer un contingent de la Légion étrangère de l’armée française. Un déluge de bombes s’abat sur la résidence du Chef de l’État et les derniers symboles de la Côte d’Ivoire indépendante et souveraine : la télévision, les camps militaires, l’université. Le Chef de l’État, élu par les ivoiriens et constitutionnellement investi, est arrêté le 11 avril 2011 par les forces françaises et déporté en Europe pour faire place à l’élu de la communauté internationale déchirant ainsi le symbole des symboles d’un État souverain : la Constitution. Un gouvernement officieux composé de retraités français est mise en place à côté d’un gouvernement officiel sans gouvernail servant de masque au vrai gouvernement. L’armée française n’a pas besoin de masque et le nouveau Chef de l’État ne porte qu’en elle sa confiance pour assurer sa sécurité à la place de son armée de rebelles illettrés. L’armée officielle est désarmée, la sécurité des ivoiriens est privatisée au profit de personnes privées sans salaire qui dépouille la population de ses biens pour se rémunérer. C’est le sommet de la privatisation. Une nouvelle réforme de la filière cacao-café est en cours d’élaboration faisant une large place au contrôle interne et externe du cacao par les multinationales du négoce qui ont déjà pris pieds dans la production en rachetant tous les complexes agro-industriels dans le cadre des privatisations. La conséquence est le rétablissement de la société coloniale à double vitesse telle qu’elle existait en 1932 : des indigènes dépouillés de leur droit dont l’emprisonnement et la mort n’émeuvent personne ; des assimilés avec leurs maîtres jouissant d’une immunité sans limite et ayant droit au travail, droit à l’investissement, droit de vie et de mort sur les autres.
1932-2012, un cycle de 80 ans d’expériences de développement de la Côte d’Ivoire vient de prendre fin avec un retour à la case départ.
CONCLUSION
Les leçons fondamentales que l’on peut tirer de ces deux cas sont :
Il ne peut y avoir de démocratie durable sans souveraineté économique.
La souveraineté économique est impossible sans intervention de l’Etat dans un pays dominé économiquement et militairement.
La démocratisation durable de l’Afrique passe donc par le contrôle interne et externe de ses matières premières. Les énormes profits engrangés par les multinationales du négoce avec la complicité de certains dirigeants africains sont de loin supérieurs à toutes les formes d’aides et de besoins en investissement de l’Afrique. Ces énormes profits échappent aux investisseurs africains et aux États contraints à la politique de la main tendue. Ces énormes profits entre les mains de quelques multinationales, constituent une arme de destruction massive contre toute démocratie qui œuvre dans l’intérêt strict de son peuple.
Déclarer stratégique toute matière première africaine, bâtir une politique commune de contrôle interne et externe et de fixation de prix, constituent les facteurs décisifs du développement de l’Afrique. Cela suppose des dirigeants africains n’ayant de compte à rendre qu’à leur peuple et imprégné d’une conscience continentale intègre. Seuls des Africains nouveaux débarrassés de tout complexe vis-à-vis de l’occident, de tout afro pessimisme, fortement engagé pour une nouvelle Afrique et restant sourd à toute tentative de manipulation de l’impérialisme occidental, avec des alliances stratégiques dissuasives, peuvent servir de cheville ouvrière pour la souveraineté et l’intégration des États africains. Toute crise en occident trouve sa solution dans le pillage humain, financier ou matériel de l’Afrique. Sans alliance stratégique dissuasive, le pillage systématique de plusieurs pays à coup de bombes ces dernières années au nom de prétendus droits de l’homme, ne peut que continuer avec pour conséquences le gonflement de la dette publique, l’émigration, des croissances sans développement, l’insécurité, la pauvreté, loin des promesses de réduction de la pauvreté, de démocratie et de droits de l’homme. Quelques dirigeants de pays émergeants et de rares hommes politiques en occident en ont tiré les leçons et réorientent leurs discours pour un nouvel ordre mondial bénéfique pour tous ; nous ne pouvons que les encourager pour le bien de l’humanité.
La conquête de la souveraineté et de l’unité Africaine ne peut être que l’œuvre des Africains eux-mêmes et de leurs Etats avec des alliances stratégiques dissuasives. Il revient donc de tirer toutes les leçons pour éviter que le futur ne soit qu’un clone du passé.
Le Ministre
Source : Millé-Claude Mrandjo #Rezopanacom
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