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La course effrénée vers le développement dans laquelle se sont engagés les pays africains et particulièrement le nôtre, a fait apparaître le choix d’un développement inégal.
On a fait le choix du développement de certaines infrastructures au détriment du social, notamment de l’éducation et de la santé. On a fait le choix du développement des villes au détriment de la campagne et on a fait le choix du développement d’Abidjan au détriment des villes de l’hinterland.
Ainsi, pour de nombreux ivoiriens, la construction de nombreux ponts, des échangeurs, des routes à Abidjan, et même du train urbain à mille milliards (1 000 000 000 000 FCFA) qui de toute façon, au-delà du prestige, ne résoudra pas le problème du transport à Abidjan, est le signe évident de la vitalité de l’économie ivoirienne, et un pas de plus vers l’émergence dont on ne parle plus.
Pour autant, sans nier les bienfaits de ces infrastructures, la circulation à Abidjan n’est pas des plus aisées. Abidjan a certes fière allure, mais donne toujours l’impression d’une ville étouffante et stressante, où l’embouteillage n’a pas d’heure pour advenir.
Mais en sortant d’Abidjan, que remarque-t-on ? Les autres villes de l’intérieur demeurent de grosses bourgades poussiéreuses, au caractère urbain discutable et dépourvues du minimum d’infrastructures dignes d’une ville.
Les investissements massifs à Abidjan déjà hyper développé, continuent d’exacerber l’écart entre la capitale et les autres villes, mettant en évidence une des caractéristiques des pays sous-développés.
Dans les pays sous-développés, on a une ville, le plus souvent la capitale hyper développée, qui renferme l’essentiel des investissements en infrastructures et en équipements, et les autres villes qui ne le sont que de nom.
Ensuite en faisant le choix des infrastructures, on fait aussi le choix de sacrifier le social, plus spécifiquement l’éducation et la santé.
Aujourd’hui, il ne serait pas faux d’affirmer que l’école ivoirienne est en lambeaux. Tous les ordres d’enseignement sont concernés. Au déficit d’infrastructures, viennent s’ajouter le niveau même de l’enseignement, le choix discutable du recrutement des enseignants et leur formation à la-va-vite.
Les hôpitaux sont devenus des mouroirs. Au manque criard de médicaments, s’ajoute le faible niveau des plateaux techniques, à telle enseigne que ceux qui tiennent à main la destinée de notre développement, ne trouvent pas utile de se retrouver dans une des formations sanitaires du pays, pour récupérer des grosses fatigues issues de leurs débauches d’énergie pour conduire le pays au paradis. Avec ces deux exemples, on comprend aisément pourquoi notre pays occupe les profondeurs du classement mondial à l’aune de l’indice de développement humain !
Certes, il est humainement difficile de tout faire à la fois, mais il est possible de faire des choix volontaristes à l’effet d’atténuer les disparités à tous les niveaux.
Au sortir des indépendances, nos autorités de cette période, avaient fait le choix des fêtes tournantes pour pourvoir en infrastructures, les villes choisies pour abriter les festivités. Certaines de nos villes n’ont aujourd’hui pour infrastructures que celles héritées de cette période.
Mais aujourd’hui, il est possible de réorienter le développement en ayant pour souci de véritablement désengorger Abidjan et permettre l’émergence d’autres pôles d’intérêts.
Ainsi un pôle d’intérêts économiques peut être envisagé à San-Pedro, le deuxième port du pays, en facilitant son accès et en y pourvoyant quelques infrastructures. Ce qui permettrait de relocaliser certaines activités dans cette ville et permettre le développement de l’arrière-pays riche de la région. Cette ville portuaire, déjà spécialisée dans l’exportation du cacao, pourrait en avoir l’exclusivité et cela soulagerait Abidjan.
On peut également faire de Bouaké un autre pôle d’intérêts économiques. C’est vrai qu’on a inauguré en grande pompe le marché de gros de cette ville, mais il est possible de sortir Bouaké de la pagaille qui y règne et changer cet aspect rébarbatif que cette ville a pris ces dernières années.
Enfin, la création d’un dernier pôle d’intérêts administratifs à Yamoussoukro, pourrait être salvatrice pour Abidjan. Il s’agit de réaliser les investissements nécessaires pour rendre effectif le transfert de la capitale dans cette ville. Le chef de l’Etat a certes donné les raisons pour lesquelles le transfert et son installation à Yamoussoukro ne sont pas effectifs. Les raisons évoquées sont loin d’être convaincantes. En effet à sa prise de fonction, l’une des premières décisions prises, a été de dissoudre la structure en charge du transfert de la capitale à Yamoussoukro sans penser à la remplacer par une autre. Comment peut-on vouloir une chose et son contraire ?
Et pourtant l’effectivité du transfert de la capitale à Yamoussoukro, aura un impact sur le développement de la ville, de son arrière-pays, et des villes environnantes comme Toumodi, Tiébissou ou Dimbokro, par un effet d’entrainement.
Mais bien plus, cela pourrait un tant soit peu, soulager Abidjan.
Mais faire le choix de consacrer l’essentiel des investissements sur un pan des activités du pays, faire le choix de porter l’essentiel des investissements dans une seule ville, ne font que consacrer un fait : le développement inégal, caractéristique des pays sous-développés qui ne peut en aucun cas conduire à l’émergence.
Pour y remédier, il faut une volonté politique ; existe-t-elle ?
Demain nous situera. Demain est certes un autre jour, mais demain arrive toujours et l’ivraie sera séparée du vrai.
NAZAIRE KADIA, ANALYSTE POLITIQUE