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Venise, 18 mai 2025 – C’est avec consternation que le monde de l’art contemporain a appris, ce samedi, le décès soudain de Koyo Kouoh, commissaire désignée de la Biennale d’art contemporain de Venise 2026, à l’âge de 58 ans. Première femme africaine à avoir été nommée à ce poste prestigieux, sa disparition laisse un vide immense dans le paysage culturel international, mais également dans le cœur de celles et ceux qu’elle a inspirés tout au long de sa carrière.
Dans un communiqué empreint d’émotion, la Biennale a salué « son engagement intellectuel et humain extraordinaire », soulignant à quel point son apport avait façonné une vision nouvelle et décentrée de la scène artistique mondiale.
Une trajectoire exemplaire entre l’Afrique et l’Europe
Née à Douala (Cameroun) et élevée entre sa ville natale et Zurich (Suisse), Koyo Kouoh incarnait une forme rare de cosmopolitisme engagé, tissant inlassablement des ponts entre les géographies du Sud et du Nord. Si elle a d’abord suivi une formation bancaire, c’est dans le monde des arts qu’elle s’est imposée, grâce à une vision curatrice audacieuse et radicalement décoloniale.
Fondatrice du Raw Material Company à Dakar, un centre indépendant dédié à l’art contemporain et à la pensée critique, elle s’était forgée une réputation de penseur pionnier des esthétiques postcoloniales et panafricaines. Elle dirigeait depuis 2019 le prestigieux Zeitz Museum of Contemporary Art Africa (Zeitz MOCAA) au Cap, l’un des plus grands musées d’art contemporain du continent africain, où elle a mené une profonde transformation institutionnelle.
Une reconnaissance mondiale, un combat culturel
Koyo Kouoh avait été saluée par le New York Times dès 2015 comme « l’une des plus importantes conservatrices d’art d’Afrique », avant d’être couronnée par le Prix Meret Oppenheim, Grand Prix suisse des arts, en 2020. Sa reconnaissance internationale ne l’a jamais détournée de son engagement : valoriser les artistes et récits africains et afrodescendants, et repositionner leurs œuvres au cœur des débats contemporains mondiaux.
Dans l’annonce de sa nomination à la tête de la Biennale 2026, elle déclarait :
« C’est un honneur et un privilège uniques de suivre les traces d’illustres prédécesseurs… Je souhaite créer une exposition qui ait du sens pour le monde que nous vivons et pour celui que nous voulons construire. »
Une phrase qui résume bien son éthique curatoriale, fondée sur le dialogue entre les marges et le centre, et sur la capacité de l’art à façonner des horizons partagés.
Une héritière du panafricanisme culturel
Koyo Kouoh se revendiquait d’une pensée des « géographies noires », selon ses mots. Elle considérait la culture noire comme une force historique et esthétique transcontinentale, des États-Unis au Brésil, en passant par les Caraïbes, l’Europe et l’Afrique. Son travail illustrait une profonde cohérence entre théorie, action et mise en espace, où chaque exposition devenait un acte de transmission, de résistance et de réparation.
Elle s’inscrivait ainsi dans la lignée de son prédécesseur Okwui Enwezor, Nigérian-Américain, seul autre commissaire africain à avoir dirigé une Biennale de Venise (2015), décédé en 2019. Avec Kouoh, c’était une autre voix forte du continent qui devait porter haut les couleurs d’une création africaine contemporaine libérée des regards occidentaux dominants.
Une perte immense, un héritage à préserver
La mort prématurée de Koyo Kouoh représente une perte symbolique et stratégique majeure pour l’art mondial, à l’heure où les institutions s’ouvrent timidement aux voix du Sud. Elle laisse derrière elle un héritage vivant : des institutions transformées, des artistes révélés, des paradigmes déplacés, et surtout une génération de jeunes curateurs, critiques et chercheurs africains à qui elle a ouvert la voie.
Sa disparition pose aussi la question de la continuité de son projet pour la Biennale 2026, qui devait offrir une plateforme centrale à la création contemporaine africaine. Le monde de l’art, aujourd’hui en deuil, lui doit plus que des hommages : il lui doit fidélité et courage pour poursuivre l’œuvre qu’elle avait entamée.
Akondanews.net salue la mémoire de cette grande dame de l’art, et continuera à faire vivre sa vision à travers ses dossiers spéciaux dédiés aux arts visuels et aux esthétiques du Sud global.
Par la rédaction culturelle d’Akondanews
Contact rédaction : culture@akondanews.net