Dialogue politique ivoirien : Les Ivoiriens en appellent au sens de la responsabilité des acteurs politiques

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Une fois n’est pas coutume. On a repris les mêmes et on a recommencé. Plusieurs rendez-vous manqués. Plusieurs fois débuté mais jamais arrivé à son terme, ce Dialogue politique auquel sont conviés le régime Ouattara, les partis politiques de l’opposition et les associations de la société, tient tout le monde en haleine.

Les ivoiriens ont certes les regards tournés vers le Cameroun où se déroule la Coupe d’Afrique des nations (CAN) et tous engagés derrières leur équipe fanion les Eléphants pour la victoire finale. Mais ils ont aussi leur cœur qui bat la chamade à l’idée de voir aboutir ce qu’ils ont toujours rêvé avoir : la paix des braves entre les acteurs politiques.

Rendus réalistes et surtout pragmatiques après plusieurs décennies d’expériences de crises activées par les mêmes acteurs, les Ivoiriens n’osent plus croire à cette paix des braves. Ils agissent comme des Saints Thomas. Si bien qu’ils redoutent le moindre couac.

Il y a eu la première et la deuxième phase. Puis la troisième et la quatrième. La troisième phase a notamment fait couler beaucoup d’encre et de salive. Ouvert par le gouvernement du 21 au 29 décembre 2020, l’issue de ces échanges, l’opposition avait différé la signature du rapport final, dans l’attente « des éclaircissements sur certains points ».

Finalement le vendredi 15 janvier 2021, sous l’égide d’Hamed Bakayoko alors Premier ministre, l’opposition signait en présence du Directeur de Cabinet du ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, Benjamin Effoli, le rapport final des discussions résultant du dialogue politique avec le gouvernement. Elle était représentée par le Secrétaire Exécutif par intérim du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), Niamkey Koffi, le président de « Ensemble pour la Démocratie et la souveraineté » (EDS), Georges-Armand Ouégnin, la présidente de l’Union Républicaine pour la Démocratie (URD), Danièle Boni-Claverie, et le secrétaire général du Rassemblement pour la Paix et le Progrès (RPP), Raymond Tibé Bi Bénié. Cette signature avait permis la participation de l’opposition aux élections législatives du 06 mars 2021. Mais tout le monde sait la sempiternelle guéguerre entretenue par la Commission électorale indépendante (Cei).

La CEI, voilà le vrai problème de la Côte d’Ivoire. Une commission dite indépendante mais dont les membres à commencer par son président sont majoritairement des partisans du parti au pouvoir. Une Cei dont la réforme est demandée et qui a même été au centre du verdict de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP).

Le 10 septembre 2019, la Cour était saisie par MM. Suy Bi Gohoré Emile et autres d’une « Requête en contestation de l’indépendance et de l’impartialité » de la Commission électorale et le 15 Juillet 2020, elle avait rendu un Arrêt sans équivoque à l’encontre de l’Etat de Côte d’Ivoire. Pour la CADHP, l’Etat de Côte d’Ivoire « n’a pas pleinement respecté les articles 17 de la Charte africaine sur la démocratie, les élections et la gouvernance (la CADEG) et 3 du Protocole de la CEDEAO sur la démocratie et, par conséquent, a violé ces dispositions ». Le pays « n’a pas pleinement non seulement rempli les obligations qui lui incombent de garantir la confiance du public et la transparence dans la gestion des affaires publiques ainsi que la participation effective des citoyens dans les processus démocratiques telles que prescrites par les articles 3(7), 3(8) et 13 de la CADEG, mais aussi  son obligation de veiller à ce que l’organe électoral jouisse de la confiance des acteurs et protagonistes de la vie politique, comme le prescrit l’article 3 du Protocole de la CEDEAO sur la démocratie. La Cour en a conclu que l’Etat défendeur a violé ces dispositions », indique la décision qui poursuit. Par ces motifs, « la Cour a ordonné à l’Etat défendeur [la Côte d’Ivoire, Ndlr] de prendre les mesures nécessaires pour garantir que de nouvelles élections du Bureau fondées sur la nouvelle composition de l’organe électoral soient organisées aux niveaux locaux ». Ainsi que « de prendre les mesures nécessaires avant toute élection pour garantir que le processus de nomination des membres de l’organe électoral proposés par les partis politiques, notamment les partis d’opposition, ainsi que les OSC [Organisations de la société civile, Ndlr], soit piloté par ces entités sur la base de critères prédéterminés avec le pouvoir de s’organiser, de se consulter, de tenir des élections, si nécessaire, et de présenter les candidats nominés appropriés ».

La CADHP a par ailleurs ordonné à l’Etat de Côte d’Ivoire « de lui faire rapport des mesures prises relativement aux deux mesures ci-dessus dans un délai de trois (3) mois à compter de la date de notification du présent arrêt, et ultérieurement, tous les six (6) mois, jusqu’à ce qu’elle considère que ces ordonnances ont été pleinement exécutées ».

A ce jour, aucune de ces décisions de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples n’a été exécutée par le gouvernement d’Alassane Ouattara. Pire, le régime d’Abidjan dit ne plus reconnaitre cette Cour de justice et que par conséquence, ses décisions ne s’imposent plus à l’Etat ivoirien. Or, tout le monde sait désormais que dans les Termes de référence (TDR) déposés par l’opposition, figurent en bonne place, la réforme de la Commission électorale indépendante, son audit en plus de celui de la liste électorale. Mais aussi un nouveau découpage électoral. Du succès de ce dialogue politique dépend « le respect de la loi qu’on s’est soi-même donnée ».  

Denzel Bereby

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