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Question à un sou. Qui des acteurs politiques ivoiriens se soucie plus du bien-être des populations ? Au regard du dernier développement de l’actualité, les anciens présidents de la République Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo ont une longueur d’avance sur leur principal adversaire, l’actuel chef de l’État Alassane Ouattara. Et pour cause, il suffit d’évoquer sur la place publique les questions liées à terre, au foncier agricole et rural, pour connaître la tendance générale favorable ou défavorable. Cette expérience a été menée par deux fois, l’une par le président du Pdci-Rda et l’autre par celui du PPA-CI, et elle s’est avérée être au cœur des préoccupations des populations. Vu l’enthousiasme ou la crispation qu’elle suscite, c’est selon. Contrairement à leur rival Alassane Ouattara pour qui évoquer ce sujet est assimilable à un « discours tribal », une « propagation de la haine ethnique ».
L’on se souvient de l’adresse du président du Pdci-Rda à une délégation de son parti, de la commune de Koumassi pour lui soumettre leur inquiétude à propos des orpailleurs clandestins. C’était le 5 juin 2019, à sa résidence de Daoukro. Ce jour-là le président du Pdci-Rda avait fait cette promesse. « Très prochainement, je parlerai de faits troublants. D’abord, les conflits intercommunautaires, ensuite ce que recouvre le phénomène de l’orpaillage en Côte d’Ivoire. » Déclarait Henri Konan Bédié à ses visiteurs.
La Côte d’Ivoire était alors dans un contexte de crispations politiques dû à la candidature contestée d’Alassane Ouattara pour l’élection présidentielle à un troisième mandat anticonstitutionnel. Bédié avait même profité de cette occasion pour faire quelques révélations.
Selon le président du Pdci-Rda, des individus, sous le couvert de l’orpaillage, seraient en train de préparer quelque chose de louche. Ajoutant que des étrangers étaient « stationnés maintenant dans beaucoup de villages. S’ils sont armés, c’est pour servir à quoi ? Il faut simplement que nous soyons conscients, car le moment venu, nous agirons pour empêcher ce hold-up sur la Côte d’Ivoire sous le couvert de l’orpaillage.» Ce jour-là devant ses visiteurs partis d’Abidjan, Bédié avait sévèrement mis en garde. « Nous dénoncerons aussi d’autres qu’on fait venir clandestinement. Cela se passe surtout dans la commune d’Abobo. Les gens rentrent, on leur fait faire des papiers et ils ressortent. Certains repartent et d’autres restent. Tout cela pour quel but ? Si c’est pour venir fausser les élections de 2020, nous voulons le savoir. Mais, nous traiterons de tout cela un jour, car les précédents doivent servir. » Avant de se faire plus tranchant.
« Nous avons fait venir des étrangers dans nos plantations de cacao et de café, et ensuite les gens se sont installés à leur propre compte. Aujourd’hui, ils agressent les ivoiriens et se disputent même la propriété des terres. Cela devrait nous servir. Il faut nous réagissions pour que les Ivoiriens ne soient pas étrangers chez eux. Car, actuellement, on fait en sorte que l’Ivoirien soit étranger chez lui. Mais, les Ivoiriens n’accepteront jamais cela ! » Avait martelé sentencieux, l’ancien chef de l’État Henri Konan Bédié président du Pdci-Rda. Ce discours lui avait valu les quolibets de la part du régime Ouattara. Lequel, par la voix du Porte-parole du gouvernement Sidi Tiémoko Touré, qualifie les propos de Bédié « d’une extrême gravité, appelant à la haine de l’étranger, sont de nature à mettre en péril, au-delà de la paix et de la cohésion sociale, l’unité nationale et la stabilité du pays. » Mais le Pdci-Rda a brandi de solides arguments, le lundi 10 juin.
Jean Louis Billon Secrétaire exécutif adjoint chargé de communication et la propagande, en faisait la démonstration des preuves, au cours d’une conférence de presse, à l’aide d’une projection PowerPoint. Et comme personne ne peut cacher le soleil avec sa main, quelques jours après, la contradiction venait mettre à mal le régime Rhdp. Voulant confondre Henri Konan Bédié, le ministre des Mines et de la Géologie faisait le point de ses interventions sur les sites d’orpaillage clandestin. A savoir : « Au bilan établi le 9 juin 2019, 4 localités ont été visitées, 6 sites traités, 34 poclins vus, 2 poclins saisis, 15 poclins susceptibles d’être saisis, 27 personnes interpellées dont 16 chinois, 2 burkinabé, 2 ghanéens et 8 ivoiriens. » Le ministre Jean Claude Kouassi, ajoutait même que pour mettre un frein à la corruption et les complicités dans ce phénomène, « 3000 orpailleurs clandestins étaient recensés et seraient des non nationaux. » Il avait dressé une liste de localités souffrant de ce phénomène dénoncé par le président du Pdci-Rda. Ce sont « Bongouanou, Koffré dans la sous-préfecture de Kasséré, Angovia, Hiré, Alosso dans le département d’Alépé, Boniérédougou ». Finalement l’opinion publique nationale se rendra compte que le régime Ouattara a accablé pour rien Henri Konan Bédié, puisque le gouvernement reconnaît avoir mis en place un dispositif pour lutter contre l’orpaillage clandestin.
Gbagbo enfonce une porte déjà ouverte
Mais ce qu’il faut retenir de ce concert de déni orchestré par le régime d’Alassane Ouattara pour nier l’évidence et distraire les populations de leurs vraies préoccupations, c’est que le président Henri Konan Bédié a eu tort d’avoir eu raison très tôt. Puisque sur cette même question d’expropriation des terres aux nationaux et aux autochtones, un autre ancien président de la République en a fait son affaire personnelle. C’est Laurent Gbagbo, ancien président de la République d’octobre 2000 à avril 2011. Lors de la fête à lui dédiée par les 63 villages Atchans qui s’est déroulée à Songon-Agban le samedi 19 mars 2022, Laurent Gbagbo a touché ce point hautement sensible. Sans complexe, le président du Parti des peuples africains Côte d’Ivoire (PPA-CI), est allé droit au but pour situer son auditoire sur l’origine des expropriations. Laurent Gbagbo a enrobé son message d’une couche moins agressive.
Selon l’ancien président ivoirien historien de formation universitaire, « C’est en 1930 que le colonisateur qui voulait faire un port sur les côtes de la Côte d’Ivoire a découvert ce qu’on appelle le trou sans fond. C’est un trou, pas loin du canal de Vridi, qui est très profond et dont on n’arrive pas à trouver le fond. Donc ce trou-là était très pratique pour le capitaine qui était chargé de chercher une localité pour construire le port parce que pour lui tous les déchets allaient être avalés par ce trou et ce trou-là se trouvait au bord de la Lagune Ebrié. Donc en 1930, ils ont décidé de déménager la capitale de Bingerville et de l’emmener à Abidjan à cause de ce trou. Les travaux ont donc continué puisqu’ils avaient commencé. Ces capitaines avaient en charge la construction du port et la construction du chemin de fer Abidjan-Niger qui a finalement été un chemin de fer Abidjan -Ouagadougou, à cause des difficultés financières. » A-t-il rappelé aux populations Atchans. Avant de poursuivre son cour d’histoire.
« Mais quand ils sont venus s’installer à Abidjan, ils n’avaient pas pensé aux Peuples qu’ils allaient trouver à Abidjan, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas pensé aux Ebriés. Ils ont pensé à construire leur ville, leur capitale, un point un trait. Le premier acte qui a été posé, ça a été de récupérer Anoumabo. Parce qu’Anoumabo était là où il y avait la gare du bus au Plateau, près de la Lagune, vers la place de la République. Et ils ont mis Anoumabo derrière la lagune parce qu’il fallait absolument séparer les noirs des blancs. (…) Donc ils ont déplacé Anoumabo mais tous les problèmes ne se sont pas réglés. Le pont est construit, mais le pont on l’appelait le pont flottant. Le pont qui est le pont Felix Houphouet-Boigny, on l’appelait le pont flottant parce qu’il était fixe qu’à partir de 1958. Parce qu’il fallait que les noirs qui travaillaient au plateau, l’endroit où travaillent les blancs, rentrent chez eux à une certaine heure. Et quand ils rentraient à Treichville, on cassait le pont et plus personne ne pouvait passer jusqu’au lendemain. Le lendemain matin, on remettait le pont pour que les noirs puissent travailler. Et vers 17 heures, on les faisait partir et on recassait le pont. A Adjamé, il n’y avait pas de lagune, donc on ne pouvait pas faire un pont flottant. Donc qu’est-ce qu’ils ont fait ? Ils ont construit deux camps militaires qui, à partir de 17 heures fermaient les routes. Voilà comment la société était organisée. » Ainsi donc le mode d’expropriation varie selon les époques et les dirigeants. Dans le fond comme sur la forme, c’est du même au pareil, puisque le résultat est l’expropriation qu’on soit à l’époque coloniale ou sous la gouvernance d’Alassane Ouattara.
C’est en cela que les deux anciens présidents de la République Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo sont sur la même longueur d’onde. C’est pourquoi les populations ont une bonne réception de leurs discours quand ils abordent ces sujets.
Denzel Bereby
Akondanews.net