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Ouagadougou, avril 2025–Les propos récents relayés sur les vaccins contre le Covid-19, les moustiques génétiquement modifiés et les dérives technologiques en Afrique résonnent comme un cri de méfiance. Si certains y verront une rhétorique complotiste, d’autres y liront une lucidité brute, née d’une mémoire collective marquée par les abus, les asymétries et les expérimentations souvent imposées aux pays du Sud sans transparence ni consentement éclairé.
Ces déclarations posent une question fondamentale : que reste-t-il, aujourd’hui, de la gestion mondiale du Covid-19 ? Et comment les échecs de cette crise sanitaire continuent-ils de nourrir la défiance face aux technologies médicales, notamment en Afrique ?
Le Covid-19, une réponse mondiale à deux vitesses
Dès le début de la pandémie, en 2020, le monde s’est divisé en deux camps : ceux qui avaient les moyens de produire et d’acheter des vaccins, et ceux qui devaient attendre. L’Afrique, bien que relativement épargnée sur le plan statistique en termes de mortalité directe, a été soumise à une pression diplomatique, médiatique et financière pour adopter des solutions conçues ailleurs, dans l’urgence.
Les campagnes de vaccination massives, parfois menées sans débat démocratique ni données contextuelles, ont été perçues dans certains pays comme une forme de « dumping sanitaire ». Le fait que plusieurs pays occidentaux aient imposé ces mêmes vaccins à leur population, avant de reconnaître des effets secondaires mal anticipés (notamment aux États-Unis, sur certaines tranches d’âge ou profils médicaux), n’a fait qu’amplifier la suspicion.
Des technologies sans souveraineté : le cas du Burkina Faso
La déclaration selon laquelle « le Burkina Faso ne dispose pas d’experts pour importer de telles technologies » n’est pas qu’un constat d’impuissance : c’est aussi une mise en accusation indirecte du modèle sanitaire globalisé. En effet, les pays africains sont trop souvent des récepteurs de technologies qu’ils ne contrôlent pas, sans avoir la pleine capacité d’en évaluer les effets à moyen ou long terme.
Et même lorsqu’il existe des compétences scientifiques locales – ce qui est le cas dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest – celles-ci sont rarement impliquées dans les prises de décision. Le processus d’introduction de technologies telles que les OGM, les moustiques génétiquement modifiés, ou les thérapies vaccinales à ARNm, se fait généralement sous l’impulsion d’agences internationales, de bailleurs de fonds ou de multinationales biomédicales.
Dérives, déni et détournement de priorités sanitaires
Le lien évoqué entre la recrudescence du virus de la dengue et l’introduction de moustiques génétiquement modifiés soulève une interrogation légitime. Bien qu’aucune preuve scientifique formelle n’ait établi un lien direct de causalité, le simple fait que cette corrélation soit crédible dans l’imaginaire collectif en dit long sur le déficit de transparence.
En effet, les essais de lâchers de moustiques génétiquement modifiés (notamment menés par l’entreprise Oxitec) ont suscité des critiques dans de nombreux pays. Peu d’études indépendantes ont été publiées sur leurs effets à long terme sur l’écosystème local. En parallèle, les systèmes de surveillance sanitaire sont insuffisants pour détecter et tracer des effets collatéraux dans des environnements déjà fragiles.
Ce que certains dénoncent comme une « machination » visant à détourner l’attention des vraies priorités – comme la lutte contre le paludisme – n’est pas à écarter d’un revers de main. Plusieurs observateurs notent que les politiques de santé publique en Afrique sont souvent influencées par des agendas extérieurs, parfois déconnectés des réalités locales. L’obsession vaccinale a parfois éclipsé des programmes endémiques essentiels, dont les financements ont été réduits ou réaffectés.
Les grandes absences de la pandémie
Il est essentiel de rappeler les nombreux manquements de la gestion mondiale de la crise du Covid-19 :
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Inégalité d’accès aux soins et vaccins, malgré les promesses de COVAX ;
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Manque de transparence sur les effets secondaires et les données d’efficacité, notamment en Afrique ;
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Confusion des discours scientifiques et politiques, alimentant la perte de confiance ;
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Absence de responsabilisation des laboratoires pharmaceutiques, protégés par des clauses contractuelles leur évitant toute poursuite en cas d’effets indésirables graves ;
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Marginalisation des scientifiques africains dans les débats sur les choix thérapeutiques et préventifs ;
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Réduction des libertés individuelles sans garanties claires sur l’efficacité sanitaire des mesures imposées.
Ces éléments ont nourri une défiance durable à l’égard des institutions internationales, des gouvernements, et même de la science, lorsque celle-ci apparaît comme instrumentalisée par des intérêts économiques.
Ce que révèle cette défiance
Il serait trop facile de taxer les voix critiques d’obscurantisme ou de conspirationnisme. Derrière les mots parfois radicaux, il y a une vérité sociale et historique : l’Afrique a trop souvent servi de laboratoire à ciel ouvert pour des expérimentations sanitaires venues d’ailleurs.
Des campagnes de stérilisation en Afrique australe, aux essais de vaccins menés sans consentement libre et éclairé dans les années 90, en passant par l’épisode des tests de traitement du sida sans surveillance en Ouganda… les exemples ne manquent pas.
Aujourd’hui, la vigilance des citoyens africains n’est pas un luxe : c’est une nécessité politique et sanitaire.
Conclusion : vers une souveraineté sanitaire africaine ?
L’affaire du Covid-19, loin d’être close, doit ouvrir un débat beaucoup plus vaste : celui de la souveraineté sanitaire. Il ne suffit pas de refuser les vaccins ou les moustiques transgéniques. Il faut exiger :
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la participation pleine et entière des experts africains dans toutes les décisions ;
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la transparence sur les protocoles de recherche et de déploiement technologique ;
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la responsabilisation des entreprises biomédicales ;
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et surtout, une réorientation des priorités sanitaires vers les fléaux endogènes : paludisme, malnutrition, santé maternelle, accès à l’eau…
Ce n’est qu’à cette condition que l’Afrique pourra tourner la page de la méfiance et redevenir actrice de son destin sanitaire.
T.nonguierma, correspondance particulière à Ouaga
Akondanews.net, 30 mars 2025