CÔTE D’IVOIRE : La réconciliation nationale et nous.

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Depuis le retour du président Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire et ses rencontres avec les présidents Bédié et Ouattara, un air de détente semble flotter dans l’atmosphère du paysage politique de la Côte d’Ivoire. Les ivoiriens dans leur entièreté et dans leur diversité, se sont mis à rêver de réconciliation. Ce vocable revient de façon récurrente dans les discussions et dans les débats.

Si tout le monde s’accorde pour aller à la réconciliation, le contenu à y mettre diffère d’un interlocuteur à un autre, tout comme le modus operandi pour y parvenir.

Sur le sujet, l’analyste politique Dr Sylvain N’Guessan a eu une approche très intéressante qui rencontre notre assentiment. Pour lui, la CPI n’a pas libéré le président Laurent Gbagbo pour venir consolider la réconciliation en Côte d’Ivoire. Ce dernier a été acquitté parce qu’il n’y avait pas de preuves contre lui. Dans sa conception, la réconciliation doit tourner autour de quatre axes principaux :

– Le devoir de vérité

– Le devoir de justice

– Les réparations aux victimes

– Les réformes à opérer.

A ces axes définis, il serait bien séant de désigner de façon claire, les acteurs devant prendre part au processus afin que les contours des problèmes à évoquer et à évacuer pour atteindre les objectifs, soient cernés de façon exhaustive.

Il serait bien indiqué que l’Onuci, la France, l’Union Européenne, l’Union Africaine et la CEDEAO soient présentes et entendues

Ainsi, outre les acteurs de la classe politique et de la société ivoirienne en général, il serait bien indiqué que l’Onu, et sa branche ivoirienne pendant la crise de 2010 l’Onuci, la France, l’Union Européenne, l’Union Africaine et la CEDEAO soient présentes et entendues. Chacun de ces acteurs a eu à jouer à un moment donné, un rôle majeur dans la crise ivoirienne, rôle qui ne saurait être occulté.

– L’Onu, à travers son ancien secrétaire général, le coréen Ban Ki Moon, doit expliquer aux ivoiriens, en quoi le recomptage des voix était une injustice à l’égard du candidat Ouattara, au point de lui préférer (le recomptage des voix), la confrontation armée avec des milliers de morts.

– Son compatriote Choï, son représentant permanent en Côte d’Ivoire et patron de l’Onuci, devra lui aussi dire en quoi consistait la certification des élections, à l’effet d’éclairer la lanterne de tous et de comprendre réellement ce qui s’est passé. Fallait-il certifier le déroulement du processus électoral, en appréciant l’organisation et le respect des standards internationaux, ou s’agissait-il de désigner le vainqueur des élections ?

– La France qui a été à l’initiative de la résolution de l’Onu sur la Côte d’Ivoire, et qui dès son adoption,  a pris sur elle de bombarder les camps militaires et la résidence des chefs d’Etat de Côte d’Ivoire, se doit aussi de s’expliquer. Ces bombardements ont fait de nombreux morts et ne sauraient être passés par pertes et profits. Elle devra en outre apporter la preuve que le président Laurent Gbagbo a utilisé des armes lourdes contre des civils, ce qui l’a motivée à être à l’initiative de la résolution de l’Onu.

Elle doit également expliquer à quoi répondait le bombardement du Chu de Cocody et d’un supermarché dans le même quartier. Est-ce des objectifs militaires ou a-t-elle délibérément choisi d’en faire des exemples ?

– L’Union Européenne doit également des explications aux ivoiriens. Elle devra expliquer le bien fondé  de ses embargos sur la Côte d’Ivoire, surtout l’embargo sur les médicaments. Elle nous dira surtout, pourquoi elle n’a pas eu à faire sa propre lecture de la situation, mais s’est systématiquement alignée sur les positions de la France.

– L’Union Africaine et la CEDEAO, devront également nous expliquer leurs attitudes belliqueuses, leur propension à vouloir en découdre avec l’armée ivoirienne, au moment où elles sont incapables d’envoyer des troupes combattre Boko Haram qui enlevait des lycéennes au Nigéria.

– La France, l’Onu, l’Union Européenne, l’Union Africaine et la CEDEAO doivent enfin nous dire s’il leur revient de proclamer le vainqueur  d’une élection en lieu et place de l’institution nationale qui en est chargée.

Au plan interne, plusieurs interrogations demeurent et  doivent avoir des réponses pour  faciliter la compréhension d’une situation qui est une véritable dissonance cognitive pour certaines personnes:

– Comment dans un pays démocratique, on peut proclamer un président élu à partir des résultats provisoires donnés hors délai et en dehors de son siège par la structure en charge des élections. Faut-il rappeler que cette structure ne donne que des résultats provisoires et qu’en dernier ressort, c’est le Conseil Constitutionnel qui proclame les résultats définitifs et le vainqueur de ces élections. Sa décision est non susceptible de recours et de contestation.

– Comment a-t-on réussi l’exploit de considérer des résultats provisoires comme définitifs et contester une décision qu’on n’a pas le droit de contester. Les démocrates doivent nous l’expliquer.

– Comment comprendre également qu’un candidat à une élection présidentielle, qui n’est ni chef d’Etat ni président de la République, puisse disposer d’une armée qui guerroie pour lui sans que cette situation ne choque les démocrates auto-proclamés ?

Les réponses à toutes ces interrogations permettront de mieux appréhender la tâche qui attend les ivoiriens et les préparer à affronter la situation sans faux-fuyant, à l ‘effet de préparer demain. Demain est certes un autre jour mais demain arrive toujours et l’ivraie sera séparée du vrai.

NAZAIRE KADIA, Analyste politique

AKONDANEWS.NET

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