CÔTE D’IVOIRE : GBAGBO-BÉDIÉ. Des retrouvailles très politiques à Daoukro.

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Un communiqué de presse lu par le député Olivier Kouassi Akoto appelant à la réconciliation des Ivoiriens et à la paix en Côte d’Ivoire a mis fin, dimanche, à la visite de deux jours de Laurent Gbagbo à Henri Konan Bédié à Daoukro. Marquée par un tête-à-tête entre les deux hommes, des échanges d’allocution et la petite virée à la plantation d’hévéa de Bédié, cette visite a surtout consolidé, au-delà des deux personnalités, l’alliance entre le PDCI et le FPI.

Finie donc la grande rivalité d’autrefois que le président du PDCI, Henri Konan Bédié, a balayé en quelques mots en les qualifiant d’« incompréhensions passées ». « Notre responsabilité commune devant l’histoire est grande. La plus grande expression d’amour que nous pouvons offrir à notre pays aujourd’hui même et aux générations futures, passe absolument par l’oubli de toutes nos peines et nos souffrances. Les leçons tirées avec courage de nos incompréhensions passées doivent être de puissants leviers pour construire une paix durable au bénéfice du bonheur de chacun et du progrès de tous », a d’ailleurs relativisé le président du PDCI pour qui la visite de Laurent Gbagbo à Daoukro est un « moment particulier et exceptionnel ».

Bédié à Gbagbo : « vous avez été courageux ! »

« Monsieur le Président, vous avez été courageux et vous avez gardé la foi en la Côte d’Ivoire, votre pays, notre pays »., a déclaré BÉDIÉ à GBAGBO

Et si l’un et l’autre ont toujours eu des morts durs, et encore plus pour qualifier l’arrestation puis l’incarcération de Gbagbo à la Cour pénale internationale, pour Bédié, ce 10 juillet est avant tout « le jour que le Tout Puissant a choisi pour nous tous, pour marquer un tournant historique, un jour nouveau pour notre pays pour chanter ensemble un cantique nouveau, le chant de la fraternité retrouvée, pour bâtir ensemble une Côte d’Ivoire nouvelle. Votre visite ici à Daoukro, cher frère, est pour moi-même, mon épouse, ma famille, les populations de l’Iffou et pour la Côte d’Ivoire toute entière, un moment particulier et exceptionnel. Tous les Ivoiriens sont heureux, avec moi, de voir un illustre fils de la patrie rentrer libre à la maison, vivre le reste de son âge, le reste de sa vie parmi les siens. Monsieur le Président, vous avez été courageux et vous avez gardé la foi en la Côte d’Ivoire, votre pays, notre pays. Vos rêves pour la démocratie, pour la liberté des peuples, pour l’unité de toutes les filles et tous les fils de notre patrie, pour le bonheur de vos compatriotes vous ont certainement soutenu pendant ces années de combat pour la vérité. La vérité, elle n’est pas toujours bonne à dire, mais elle finit toujours par triompher devant l’Histoire. Elle l’a toujours fait pour toutes les nations», a indiqué le sphinx de Daoukro, les yeux remplis de reconnaissance.

Les deux hommes n’ont pas toujours été les meilleurs amis du monde, c’est le moins que l’on puisse écrire. Mais même si en près d’un demi-siècle d’adversité politique, l’un n’a trouvé traces de complicité que dans un modeste accueil qui lui a été réservé en 90 de la part du second qui avait laissé quelques boissons fortes pour l’opposant Gbagbo en campagne los de l’élection présidentielle historique face à Houphouët-Boigny, le changement est incontestable et on a le sentiment que les deux hommes s’apprécient désormais. Il est certainement une conséquence de la visite que le président PDCI a rendue à Laurent Gbagbo à Bruxelles, le 29 juillet 2019.

Avec son style caractéristique, l’ancien président a d’ailleurs parlé de ce moment comme d’un moment de grand bonheur. « J’étais à Bruxelles, j’étais tranquille, on me dit Guikahué vient ici ; je dis : « il vient faire quoi ? ». Lui, je peux parler de lui parce que c’est mon petit frère de Gagnoa (rires dans la salle). On dit, il vient te saluer de la part du Président Bédié. J’ai dit d’accord. « On ne dit jamais non à des gens qui viennent saluer. Donc, j’ai reçu la délégation conduite par Guikahué et ça s’est très bien passé. On a causé et j’ai même pris leur téléphone pour appeler le président Bédié et je lui ai dit : « grand 𝙛𝙧𝙚̀𝙧𝙚, 𝙩𝙚𝙣𝙚𝙯 𝘽𝙤𝙣, 𝙟𝙖𝙧𝙧𝙞𝙫𝙚 ». Ce sont quelques souvenirs de ça que je voulais partager avec vous. 𝗝𝗲 𝘀𝘂𝗶𝘀 𝘃𝗲𝗻𝘂 𝗮𝘂 𝗽𝗮𝘆𝘀 et 𝗷𝗲 parlerai. 𝗠𝗮𝗶𝘀 𝗮𝘂𝗷𝗼𝘂𝗿𝗱𝗵𝘂𝗶 𝗷𝗲 𝘃𝗼𝘂𝗹𝗮𝗶𝘀 𝘃𝗼𝘂𝘀 𝗱𝗶𝗿𝗲 𝗾𝘂𝗲 𝗹𝗮𝗰𝘁𝗲 𝗾𝘂𝗲 𝗷𝗲 𝗽𝗼𝘀𝗲, 𝗲𝗻 𝘃𝗲𝗻𝗮𝗻𝘁 𝘃𝗼𝗶𝗿 𝗹𝗲 𝗣𝗿𝗲́𝘀𝗶𝗱𝗲𝗻𝘁 𝗛𝗲𝗻𝗿𝗶 𝗞𝗼𝗻𝗮𝗻 𝗕𝗲́𝗱𝗶𝗲́ 𝗰𝗵𝗲𝘇 𝗹𝘂𝗶 𝗲𝘀𝘁 𝘂𝗻 𝗮𝗰𝘁𝗲 𝗱𝗲 𝗿𝗲́𝗰𝗼𝗻𝗰𝗶𝗹𝗶𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻 𝗲𝘁 𝘂𝗻 𝗮𝗰𝘁𝗲 𝗱𝗲 𝗿𝗲𝗰𝗼𝗻𝗻𝗮𝗶𝘀𝘀𝗮𝗻𝗰𝗲 », a indiqué Gbagbo.

Une réconciliation vraie

B?EDIÉ: « Nous continuerons à approfondir les contours de ce projet de réconciliation pour le présenter à la Nation toute entière, dans l’intérêt de tous« 

A propos de réconciliation, le communiqué final lu, dimanche, par le député Olivier Akoto a lancé un appel formel à la réconciliation nationale entre tous les Ivoiriens et à la paix en Côte d’Ivoire. Mais cela passe, a précisé Bédié, par l’organisation d’un dialogue national inclusif entre tous les acteurs politiques avec la participation de tous les Ivoiriens.

« Ce grand projet passe nécessairement par la mise en œuvre d’un projet de réconciliation vraie entre les Ivoiriens à travers un dialogue national inclusif dont le pays ne peut se faire l’économie. Nous continuerons à approfondir les contours de ce projet de réconciliation pour le présenter à la Nation toute entière, dans l’intérêt de tous (…) Avec vous, avec toutes les ivoiriennes et tous les ivoiriens, je veux m’engager pleinement pour redresser notre nation (…) Cette réconciliation se fera par une volonté forte du Chef de l’État, Alassane Dramane Ouattara, de tous les acteurs politiques dont nous-mêmes, mais aussi et surtout avec l’implication de tous nos compatriotes et tous nos partenaires au développement », a ainsi précisé Bédié. Comme objectif secondaire, ce dialogue devra mettre en place « un nouveau projet démocratique dans notre pays, dénué de tous intérêts partisans», a ajouté Bédié.

La veille, Laurent Gbagbo avait également évoqué le volet institutionnel dans la recherche de la paix et de la réconciliation en Côte d’Ivoire en réaffirmant son opposition au troisième mandat qui avait par ailleurs provoqué de nouvelles tragédies dans le pays.

« J’ai dit qu’il ne fallait pas un 3ème mandat parce qu’en Afrique, on a un problème et un seul problème. Nous écrivons les textes et puis on les froisse et on les jette. Un texte écrit est fait pour être respecté. Nous avons connu cette bataille en décembre 1993 au moment du décès du Président Houphouët-Boigny. Ceux qui sont ici, et pour la mémoire, se souviennent que j’étais en tournée dans le Zanzan, moi je faisais toujours campagne (Rires dans la salle) (…) Et donc sur ce problème de la succession du Président Houphouët-Boigny, la constitution n’était pas seulement claire, elle était limpide (…) Et j’ai été ahuri de vor que certains voulaient faire quelque chose qui n’est pas écrit. Quand on veut faire ce qui n’est pas écrit, on va faire beaucoup de choses » ; Bref, la réconciliation comme l’a dit Laurent Gbagbo se nourrit de vérités. Non pas celles qui blessent mais qui guérissent.

Randonnée à Bédiékro

En tout cas, cette visite à Daoukro a aussi permis à l’ancien président de tester à nouveau sa popularité. Et visiblement, il continue d’être la principale attraction des populations depuis son retour en Côte d’Ivoire. Samedi, cela ne s’est d’ailleurs pas démenti. Car sur la route, des populations qui attendaient depuis plusieurs heures ont bloqué le cortège de véhicules pour saluer l’ancien président, surtout dans son fief Akyé. Mais Gbagbo a été également accueilli par des milliers de personnes à Daoukro. Car tous veulent croire qu’avec l’union des deux hommes, d’indécrottables rivaux politiques autrefois, la Côte d’Ivoire peut enfin rêver de se réconcilier.

SEVERINE BLE

Source: Aujourd’hui du 12.07.2021

AKONDANEWS.NET

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