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A sa prise de pouvoir en 2000, le Front Populaire Ivoirien du président Laurent Gbagbo, avait présenté aux ivoiriens son projet de refondation appuyé sur un projet de société et un programme de gouvernement qui avaient laissé beaucoup d’espérance à ces derniers.
Malheureusement, les tentatives à répétition de coup d’état et la rébellion de 2002, n’ont pas permis au pouvoir de Laurent Gbagbo de dérouler son programme de gouvernement.
Trois projets majeurs ont attiré l’attention du peuple ivoirien : la décentralisation, l’assurance maladie et le transfert de la capitale à Yamoussoukro.
Le projet de décentralisation commencé sous la gouvernance du président Henri Konan Bédié et continué par le président Gbagbo, avait pour objectif de transférer aux collectivités territoriales, une partie des prérogatives du pouvoir central. Ainsi, furent mis en place les conseils généraux. On retiendra qu’un conseil général épousait le contour d’un département. Par cette création, il s’agissait de permettre le développement local avec la participation des populations, et s’affranchir un tant soit peu de la lourdeur et de la lenteur du pouvoir central.
Les textes devant régir ces conseils généraux n’existant pas, ceux-ci ont fonctionné avec les textes qui régissaient les communes, étant entendu que les communes sont de création plus ancienne. Les textes propres des conseils généraux étaient en préparation lorsque survint la rébellion qui a tout bouleversé.
Dans la projection du projet, il était question d’arriver à la création de régions plus vastes avec un autre niveau d’attribution. Une dizaine était prévue.
Sur ce chapitre de la décentralisation, le pouvoir Gbagbo, avait prévu une communalisation de toutes les localités du pays. Il s’agissait d’ériger les villages en communes rurales, ou intégrer certains dans des communes existantes à l’effet de les faire bénéficier d’un minimum d’infrastructures. Un décret portant création de ces communes avait même été pris.
Dans la foulée de la décentralisation et de la déconcentration, le président Laurent Gbagbo avait mis un point d’honneur à rendre effectif le transfert de la capitale à Yamoussoukro, conformément à la décision prise depuis la gouvernance du président Houphouët-Boigny. Une structure en charge de ce transfert a été mise en place et d’importants investissements avaient été faits pour la matérialisation de ce projet. L’objectif était de décongestionner Abidjan dont on sentait venir la saturation, et de créer un pôle d’intérêts à Yamoussoukro, qui aurait des effets bénéfiques pour l’arrière-pays de cette ville pour les villes environnantes comme Tiébissou, Toumodi ou Dimbokro.
Le dernier projet majeur de la refondation, était l’assurance maladie universelle. Il s’agissait de permettre aux ivoiriens dans leur entièreté et dans leur diversité, d’être couverts par une assurance à l’effet d’être soignés à moindre coût. Le financement de cette assurance, appelée Assurance Maladie Universelle, devait se faire par le prélèvement qui devait être opéré sur les ventes des matières premières et les cotisations des fonctionnaires et agents de l’Etat et des entreprises privées. Le dossier était très avancé quand la rébellion déferla sur le pays et n’a pas permis la mise en œuvre de cet important projet social.
Une fois les rênes du pays en mains, le pouvoir RDR, maintenant RHDP, dans sa volonté d’effacer les traces de son prédécesseur, a véritablement « escamoté » ces projets, en changeant certaines dénominations ou en donnant une orientation à d’autres sans but précis.
Ainsi malgré sa profession de foi de s’installer à Yamoussoukro en y transférant la capitale, et après avoir étudié selon lui, les cas d’Abuja au Nigéria et Brasilia au Brésil, l’une des premières décisions prises par le chef de l’Etat, a été de dissoudre la structure en charge du transfert de la capitale, mise en place par son prédécesseur, sans en créer une autre. Aucun investissement dans le cadre de ce transfert n’a été fait depuis 2011, reléguant le transfert de la capitale aux calendes grecques.
Au niveau de la décentralisation, le décret portant communalisation de toutes les localités du pays fut abrogé et les nouvelles communes créées ont ainsi été supprimées.
Dans la foulée, les conseils généraux, sont devenus des conseils régionaux, plus vastes, avec le regroupement de plusieurs départements. Cependant, rien n’a fondamentalement changé. Les budgets alloués à ces régions guère différents de ceux des conseils généraux, n’ont pas connu la même évolution que l’étendue et la démographie des nouvelles entités. Dans la pratique, ces entités ne sont décentralisées que de nom. Elles vivent la centralisation extrême du système si bien qu’il leur est difficile de mener dans de bonnes conditions leurs activités : approbation du budget, approvisionnement en ressources, programmes triennaux…doivent avoir le quitus du pouvoir central. Il n’y a véritablement pas d’autonomie de gestion.
Pour couronner le tout, il vient d’être mis en place douze districts en complément des deux existants avec à leur tête, des ministres-gouverneurs. Les ivoiriens se perdent avec ces nombreuses structures aux attributions floues, sans compter les conflits de compétence en perspective. Le conflit entre le maire du Plateau et le ministre-gouverneur du District d’Abidjan en est la preuve. Ces districts semblent avoir été créés pour trouver un point de chute à d’anciens membres du gouvernement, sans objectif précis.
Toujours sur sa lancée de déconstruction et d’effacement des traces de son prédécesseur, le pouvoir Rhdp a récupéré le projet d’assurance-maladie et changé le nom de celui-ci. D’Assurance Maladie Universelle, on est passé à la Couverture Maladie Universelle.
Dans sa conception originelle, ce projet était censé permettre à tous les ivoiriens d’être assurés et se soigner à moindre coût.
Est-ce le cas aujourd’hui ? Le paysan de Pélégodi, de Bomizambo ou de Boussoukro est-il couvert par cette assurance ? Comment paye-t-il sa cotisation, et à quelle prestation a-t-il droit ? Bienheureux qui pourra répondre à cette question !
L’arrimage de la Couverture Maladie Universelle à la Mutuelle Générale des Fonctionnaire de Côte d’Ivoire (MUGEFCI) est le symbole achevé d’une improvisation à l’effet de colmater des brèches, tel un plombier voulant éviter une fuite d’eau. L’opérationnalité de cette assurance est à l’évidence sujette à discussion et partant, son efficacité quasi nulle.
A l’observation, tous les projets conçus par le pouvoir Gbagbo pour apporter un mieux-être aux populations ivoiriennes, ont simplement été « escamotés ». Ces projets n’ont pas fait l’objet de réflexion approfondie ; les tenants du pouvoir s’en sont emparés sans en saisir la substance, sans se les approprier avant leur mise en œuvre. Qui plus est, ils n’ont pas eu l’humilité et la grandeur d’esprit d’associer les concepteurs, les techniciens et tous ceux qui qui avaient travaillé sur ces projets à l’effet de bénéficier de leur expérience et de leur expertise, ce dans la droite ligne de la continuité de l’Etat. Dommage !
Mais s’il y a eu un matin en Eburnie, il y aura un soir et l’ivraie sera séparée du vrai.
NAZAIRE KADIA, ANALYSTE POLITIQUE