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Acquitté sous conditions puis totalement acquitté le 31 mars dernier, Laurent Gbagbo a regagné la terre de ses ancêtres le jeudi 17 Juin dernier après plusieurs tractations entre ses émissaires et le pouvoir d’Abidjan.
Nous ne reviendrons pas ici sur ce qui a été dit, entendu, observé…pendant ces tractations. Une chose est sûre, le champion des refondateurs est désormais à Abidjan en homme libre parmi les siens. C’était l’objectif principal et il est atteint de notre point de vue.
À la question qu’est-ce qui s’est passé le jour de son arrivée ? Nous croyons l’avoir suffisamment évoquée dans une précédente contribution. Pour nous, ce qui serait important maintenant, c’est de se demander :
« Qu’est-ce qui attend Laurent Gbagbo et comment va-t-il s’y prendre?«
LE CAS AFFI N’GUESSAN
Tous les observateurs attendent de voir comment Laurent Gbagbo va régler le cas de son ancien premier ministre, collaborateur et son « bon petit ». Inutile de rappeler que le Front Populaire Ivoirien est dans la tourmente depuis la chute du Woody de Mama en avril 2011. La « guerre » entre les disciples de Laurent Gbagbo a scindé le FPI en plusieurs factions internes dont les plus importantes et visibles sont les « Gbagbo ou rien » (GOR) et les AFFIDÉS et dont il serait prétentieux pour nous ici de dire qui a tort et qui a raison.
Pour l’essentiel, les premiers cités affirment la main sur le cœur que tout a commencé avec Gbagbo et tout devrait finir avec lui. Ils ont fait donc de la libération de leur champion, le préalable à tous les débats et à toutes les actions.
Les seconds cités eux, tout en reconnaissant Laurent Gbagbo comme leur référent politique ont estimé que le combat pouvait continuer en son absence. Pour eux, la politique c’est la saine appréciation des réalités du monde et qu’il est possible de faire la politique non pas seulement avec le cœur mais aussi et surtout avec la tête. Ils estiment enfin que tout problème politique a une solution politique. Incompris certainement par leurs camarades, ils seront traités de tous les noms. Leur crime: vouloir tourner la « page Gbagbo » et dealer avec le nouveau régime. Tout a été dit. A la fin, le dernier camp (AFFIDÉS) a gardé la légalité et le premier camp (GOR) a gardé la base et la légitimité.
Rappelons à toutes fins utiles que Pascal Affi N’Guessan est président légal du Front Populaire Ivoirien depuis 2001. Sa légitimité est mise en cause depuis 2014, à sa sortie de prison. Il a succédé à ce poste à Laurent Gbagbo devenu entre-temps chef de l’État. Laurent Gbagbo retrouve donc son collaborateur là où il l’avait laissé mais désormais dans une posture de légitimité contestée, selon les dires de ses camarades d’en-face, lesquels camarades semblent avoir le soutien et les bénédictions de leur référent politique Laurent Gbagbo.
Pour la paix, la réconciliation et la survie de son parti, il doit recoller les deux factions. Le patron d’Affi est maintenant ici, plus besoin d’aller à Bruxelles pour parler avec lui ou de parler avec lui par personnes interposées. L’autre question et non des moindres est comment Affi va-t-il remettre le FPI à Gbagbo? Logiquement, lors d’un congrès. Gbagbo sera-t-il prêt à accepter les conditions de ce dernier si d’aventure, il réclame la première vice-présidence du parti dans une atmosphère où ces temps-ci ses lieutenants rient dans leurs publications sur les réseaux sociaux pour montrer que leur champion était dans la vérité? Autant de questions.
LE CAS SIMONE GBAGBO
Entre vie publique et vie privée pour un personnage public, le fil est très mince. Pour parler comme à Abobo, « quand tu es célèbre, tout le monde met sa bouche dans ton affaire ». Laurent Gbagbo est célèbre et Simone Gbagbo aussi. Mais ici, les conseils de notre grand-mère sonnent encore dans nos oreilles: » mon petit-fils, ne mets jamais ta bouche dans affaire d’un couple. Quelle que soit la pertinence de ton raisonnement, tu auras toujours un camp contre toi ». Ici, nous voulons parler de Simone non pas comme l’épouse de Laurent mais comme la camarade, la combattante, la compagne politique de Laurent.
Les deux personnages aux destins similaires se sont rencontrés sur le terrain politique. Laurent avec son charisme et Simone avec son caractère. Deux fauves politiques. « Chacun connaît son camarade ». Laurent sait de quoi Simone est capable et vice-versa. On savait qui elle était sous le règne de « camarade époux ». Une dure à cuire. Une lionne, « femme garçon » pour parler comme à Yopougon.
Ce qui oppose Simone à Laurent depuis la chute de ce dernier et non depuis la scène de son arrivée à l’aéroport semble être plus une bataille pour le contrôle du parti, une divergence de stratégie, qu’un simple problème de ménage. Pour preuve, alors que Simone était logiquement la personne indiquée pour jouer les premiers rôles après le décès de Sangaré, Laurent a choisi de mettre en scène Assoa Adou. Entre-temps et depuis sa sortie de prison, Simone a galvanisé les troupes, elle a redonné espoir aux militants, elle a repris sa place dans la conscience des militants mais mieux dans la conscience collective. Laurent Gbagbo retrouve donc Simone dans le même rôle où il l’avait laissée: militante, combattante, Faucon, intrépide, celle qui croit aussi en son heure et en son destin. La pousser hors du parti sera une erreur monumentale. Car, Simone n’est pas n’importe qui au FPI. Militante de première heure, la désormais nouvelle Marie Korê des ivoiriens et surtout des ivoiriennes.
Avec ce qui s’est passé aussi à l’aéroport international Félix Houphouët-Boigny, Simone est présentée comme une grosse victime. Car, l’opinion affirme à tort ou à raison que la vérité se trouve toujours du côté de la victime. Sa popularité va désormais au-delà des frontières du FPI. Beaucoup se reconnaissent en elle, surtout la gente féminine dont elle semble porter la voix. Si Simone accepte de partir ce qui nous paraît invraisemblable, elle partira avec beaucoup de militants et affaiblira indiscutablement le FPI.
Dans ce nouveau combat, Simone mène aussi aux points sur les réseaux sociaux avec ses amazones qui ne ratent aucune occasion pour vanter les mérites de leur championne et cela est de bonne guerre.
LE CAS CHARLES BLÉ GOUDÉ
Que va répondre Laurent Gbagbo quand on lui demandera les nouvelles de La Haye?
Les ivoiriens et les parents biologiques et politiques vont lui demander: « Où est Blé Goudé, celui qui à la face du monde et bien que dans les griffes de la CPI a soutenu qu’il était Gbagbo hier, Gbagbo aujourd’hui et Gbagbo demain ? Où est ton fils Gbapê? »
AFFI, SIMONE, BLÉ : Ça devient vraiment trop pour Laurent Gbagbo!
LE CAS DE LA RÉCONCILIATION
La communication faite autour de son retour avait mis un point d’honneur au rôle qu’il devait jouer et aux premiers mots qu’il devait prononcer dès son retour pour booster le processus de réconciliation déjà enclenché. Sauf erreur de notre part, il n’a encore rien dit sur la question depuis la fameuse date du 17 juin. Nous sommes au 24 juin.
Ce dont nous sommes sûr, une question et non des moindres va se poser: qui doit nous réconcilier? Est-il lui-même réconcilié avec lui-même et avec sa famille politique? Dans nos traditions africaines, la nature et la qualité du médiateur comptent. Dans nos villages on entend très souvent: « donc c’est lui-là qu’ils ont choisi comme médiateur ? ».
Mais n’oublions pas aussi que Laurent Gbagbo reste avant tout Laurent Gbagbo, un homme politique atypique au destin tout aussi atypique.
Et pendant ce temps, Ado, le Prado, le bravetchê est dans son coin avec son silence habituel. Il se dit certainement qu’il a désormais toutes les cartes entre ses mains. Car il connaît son « frère » Laurent mieux que quiconque. Mais Laurent Gbagbo reste Gbagbo.
Ce marigot politique ivoirien là, vraiment !
Emmanuel De Kouassi
AKONDA NEWS