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Du 21 au 22 mars dernier, l’Interprofession de la mangue de Côte d’Ivoire (Inter-Mangue) était en Assemblée générale ordinaire (AGO) à Korhogo. Au cours de ces assises, les acteurs de cette filière ont fait le bilan de la compagne 2021. Bien que la production de l’année 2021 ait connu une hausse (soit 32811t en 2021 contre 25296t en 2020), il a été enregistré 22 cargaisons de conteneurs de mangue soit une perte cumulée de 500 millions de francs CFA, pour une campagne qui a couru du 08 avril au 28 mai 2021. Dans cet entretien, Pascal Honoré Nembélessini-Silué, président de l’Inter-Mangue tente de justifier l’origine de ce mauvais score qui place la Côte d’Ivoire sur la liste rouge de l’Union Europénne.«Le changement climatique est responsable des nombreuses interceptions de la mangue en Europe»
Akondanews.net: La période du 05 avril au 28 mai 2021 a marqué la compagne mangue. Quel bilan pouvez-vous faire ?
Le bilan de la compagne mangue 2021 n’est pas glorieux. Il est vrai qu’on a fait plus de 32000 tonnes, on a aussi fait une déconfiture de 22 cargaisons et conteneurs de mangue saisis. Ce n’est pas un bon score alors que le marché de l’Union Européenne (UE) sur lequel on vend est notre principal marché, n’admet que 5 interceptions ou saisies. On en a fait 22. Il y a ce risque d’être sur une liste noire. Il y a la menace qu’un jour, si on persiste dans ce manque de performance, qu’on puisse nous mettre sous embargo. La production n’était pas trop bonne l’année passée, parce qu’en terme de production générale, il y avait eu trop de floraisons qui se sont cumulées certaienemnt dues au changement climatique. C’est une réalité que nous vivons tous les jours. On n’avait jamais vu ce phénomène où sur le même arbre, il y a trois floraisons qui se chevauchent de façon anormale. Quand on observe bien, c’est possible que cela puisse être arrivé. Parce que les floraisons qu’on attendait en décembre, elles ont été stoppées par une vague de chaleur incroyable au mois de janvier, alors que janvier est le mois de l’harmattan, c’est le mois où il fait frais et sec. Mais là, l’harmattan ne s’est pas présenté, et qui avait commencé à se présenter en décembre, en janvier, on ne l’a pas vu. C’était la sécheresse totale, chaleur totale. Ce n’est qu’en février que cela est revenu. La pertubation a été importante. Souvent, on fait des prévisions de campagne d’exportation et quand c’est comme ça, on fait la chasse aux mangues. Les traitements de vergers n’ont pas été forcément bien faits. Disons que ça nous a coûté 22 interceptions.
Akondanews.net: Est-ce que cela n’a pas profité aux pays concurrents de la Côte d’Ivoire ?
Nous n’avons forcément pas fait la bonne qualité surtout que la saison a été particulière avec les floraisons qui se sont entremêlées. Ce qui veut dire que la maturité des fruits a été impactée, donc, hétérogénéité. La mangue est un fruit difficile dont la maturité est difficile à détecter. Il y avait trop de difficultés, ce qui fait que la mangue de Côte d’Ivoire ne s’est pas bien comportée en Europe. Il y a le Pérou qui en a profité pour gagner beaucoup de dividendes. Puisque le Pérou et le Brésil avaient épuisé leurs productions de mangue kent, ils ont proposé d’autres variétés de mangues. C’est ce qu’on n’a pas compris. Aujourd’hui, quand on observe le marché européen, il est dominé par des acheteurs sudaméricains. Ils ont passé le cap d’être uniquement producteurs ou exportateurs. Installés sur le continent européen, ils importent des produits directement de l’Afrique. Ils sont désormais importateurs. Ils vendent leurs productions sur le marché européen au même titre que les importateurs européens qui étaient les importateurs traditionnels.
Akondanews.net: En 2019, la flière mangue a enregistré 9 interceptions, puis, 5 en 2020 et 22 en 2021. Qu’est-ce qui n’a pas marché comme on dit en Côte d’Ivoire ?
C’est toujours une chance quand on a moins d’interceptions. Je ne vois pas la méthodologie qu’on a appliquée pour empêcher cela. Il est vrai qu’on a bénéficié ces quatre dernières années des dotations du gouvernement ivoirien. Même quand on vous donne les produits, aussi bons soient-ils, il faudrait savoir les utiliser, il faudrait prendre le temps de les utiliser correctement. Il y a des producteurs qui utilisent, ils sont à féliciter. Mais, il y a beaucoup qui ne le font pas. C’est pour cela qu’il faut aider les producteurs à être multifonctions à savoir gérer non seulement leur temps, mais aussi savoir gérer leurs plantations. Les producteurs n’ont pas le don d’ibiquité pour être à la fois au champ et au marché. Ils choississent alors l’argent et ils se refusent de faire le traitement du verger. Ils se disent très occupés parce qu’ils cultivent d’autres produits agricoles. C’est la gestion du temps. On n’a pas poussé la technique d’application des produits jusqu’aux fins fonds des contrées où les vergers sont implantés. Il faut toujours songer à aller au plus proche des acteurs de la filière. Quand vous initiez une formation pour quarante (40) personnes et vous leur demandez d’aller l’implementer dans leurs zones de production, ce qu’on oublie, c’est que lorsqu’on initie une formation, on créé les conditions et on met en place un cadre de travail, mais quand vous leur demandez d’aller repercuter les informations dans leurs bases, est-ce que ce budget est-il prévu ? Avec quel temps le feront-ils quand on sait qu’ils sont eux-même producteurs ? Il n’a pas de moyens d’accompagnement. Et quand on fera une bonne évéluation, ils ne comprendront pas pourquoi les formations n’ont pas atteint le plus grand nombre.
Akondanews.net: L’Etat ivoirien vous appuie en vous offrant des produits phytosanitaires. Est-ce suffisant ?
En même qu’on veut moderniser le système en identifiant les parcelles et même avoir le titre foncier des plantations. Si vous avez un titre foncier, ça veut dire que vous êtes enregistrés et que vous devez payer des droits à l’Etat. Mais si l’Etat voudrait avoir les droits bien recouvrés, il gagnerait à ce que le producteur soit bien performant. Sinon, il n’a pratiquement rien, c’est vrai qu’il y a des ONG et l’Etat qui se battent pour donner les titres fonciers aux producteurs, alors, vous êtes identifés, si l’Etat vous demande de payer ses impôts, vous allez guerroyer. Le producteur dira qu’il n’a pas d’argent. Si l’Etat lui avait appris à gagner de l’argent, en produisant trente ou quarante tonnes, il pourrait payer ces impôts convenablement. Tant qu’on ne fera pas de l’agriculture moderne, qui permet de faire des bénéfices, on n’est pas sorti de l’auberge. En Israël, la moyenne est de 120 tonnes à l’hectare de tomates.
Akondanews.net: Quelles sont les perspectives pour la nouvelle campagne 2022 ?
Nous sommes obligés d’espérer que tout se passe bien. Ce qui est un peu préoccupant, c’est qu’on n’a pas réussi à montrer que les traitements ont apporté un gain en revenu pour les acteurs de la filière. C’est pour cela que nous sommes en train de faire en sorte que nous ayons une fiche technicoéconomique et on souhaite qu’elle soit appliquée. Si c’était à l’époque, les produits phytos qui faisaient qu’il y avait beaucoup de pertes, il faut en faire une évaluation, de sorte que nous voyons quel a été l’impact des produits phytosanitaires. Si nous avons connu moins de pertes et une amélioration des revenus. Même si je pense que ça été le cas, il faut pouvoir en savoir la quantité et pouvoir davantage le performer. Je pense que d’ici à deux ans, quand on fera la culture de la mangue, nous serons en droit d’attendre tel à tel rendement et tel à tel revenu. Une fois que nous avons cela, c’est ce logiciel que nous pourrons vulgariser. Chacun doit pouvoir voir la profitabilité de la mangue. Si cela est fait, même le plus mauvais producteur devra pouvoir avoir le minimum. Lorsque les producteurs commenceront à gagner suffisamment d’argent dans la production de la mangue, ils comprendront qu’ils en ont beaucoup perdu. C’est ce jour-là que j’attends.
Akondanews.net
Réalisé par Patrick KROU, envoyé spécial à Korhogo.