Lecteur Audio
Getting your Trinity Audio player ready...
|
Abidjan le 19 mai 2022-C’est un gros boulet au pied d’Alassane Ouattara que constitue l’épineux phénomène de l’orpaillage clandestin avec son corolaire de destruction des cultures vivrières et de rente, des cours d’eau, des parcs et réserves et donc de l’ensemble du massif forestier national. Il éclabousse le visage du chef de l’Etat ivoirien dont le pays accueille sur son sol le COP15. Cette conférence internationale considérée par les autorités ivoiriennes comme « le plus important rendez-vous mondial sur la lutte contre la désertification et la sècheresse », a ouvert ses portes le lundi 9 mai 2022, à Abidjan.
Faisant ainsi de notre pays le centre de réflexion qui réunit toutes les sommités planétaires de l’environnement et de la protection du cadre de vie, la 15ème Conférence des Partis (COP15) de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification et la sècheresse, n’en demeure pas moins un gros doigt pointé sur la mauvaise gestion des terres arables par le gouvernement ivoirien.
La tolérance ou l’impunité, on peut l’appeler ainsi en raison de l’attitude du pouvoir ivoirien à défendre les hors-la-loi qui pratiquent l’orpaillage clandestin, est mise en lumière par cette COP 15. On se souvient de la manière énergique et des propos guerriers voir orduriers qu’avait employés le régime d’Abidjan pour battre en brèche les accusations d’Henri Konan Bédié. L’ancien président de la République de Côte d’Ivoire (1993-1999) avait dénoncé la protection dont jouissent des immigrés qui pillent clandestinement les forêts à la recherche d’or portées. Le mercredi 5 juin 2019, alors qu’il reçoit à Daoukro, des représentants de son parti venus de la commune de Koumassi, Henri Konan Bédié dénonce la présence d’étrangers armés.
La Côte d’Ivoire est alors dans un contexte électoral très tendu. « On fait venir des étrangers armés qui sont stationnés dans beaucoup de village. Si c’est pour faire fausser les élections de 2020 nous voulons le savoir. Il faut que nous réagissions pour que les Ivoiriens ne se sentent pas étrangers chez eux. » Déclare l’ancien président ivoirien à ses visiteurs responsables locaux de son parti à Koumassi. En leur donnant les nouvelles de son village, Bédié poursuit pour dire qu’il a été saisi par ses villageois se plaignant de l’insécurité provoquée par des orpailleurs clandestins armés jusqu’aux dents et que ceux-ci détruisent leurs terres qui ne sont plus cultivables et leurs cours à cause des produits chimiques.
Mais le gouvernement ivoirien ne retient que les propos qui l’arrangent. Sidi Touré ministre de la Communication alors Porte-parole du Gouvernement est monté en épingle pour crier haro sur le baudet. Il dénonce « des propos d’une extrème gravité, de nature à mettre en péril l’unité nationale ». L’envoyé du gouvernement ajoute : « l’instrumentalisation de la haine de l’étranger par le président Henri Konan Bédié et les dérives qui en ont résulté ont été à la base des différentes crises que notre pays a connues depuis la mort du président Houphouët-Boigny. » Réagit le ministre Sidi Touré. On voit bien que les propos du président du Pdci-Rda sont sortis de leur contexte pour être politiquement utilisés contre son auteur. Réaction du berger à la bergère, deux jours après cette sortie du gouvernement ivoirien, le Pdci-Rda monte au créneau par la voix de Secrétaire exécutif adjoint chargé de communication et de la propagande. « Henri Konan Bédié n’a fait que porter à l’attention de l’opinion des faits troublants et inquiétants (…) L’orpaillage clandestin est la principale raison des conflits intercommunautaires sur l’ensemble du territoire.» laisse entendre Jean Louis Billon preuves à l’appui avec des images projetées sur power-point. On y voit des zones cultivables et cours d’eau (rivières et marigots) détruits avec des produits chimiques, notamment de l’acide, qui servent à laver les terres tirées des profondeurs des puits par des orpailleurs clandestins. Ceux-ci utilisent des machines d’extraction et de lavages et des produits très toxiques.
Les jours qui suivent ces passes d’armes entre le Pdci-Rda parti de l’opposition et le gouvernement, un reportage à la télévision nationale montre « les efforts du gouvernement ivoirien à lutter contre le fléau de l’orpaillage clandestin ». Des unités conjointes de gendarmerie, des Eaux et forêts et la police ont mené des opérations qui ont abouti à l’arrestation de plusieurs orpailleurs clandestins et leurs équipements. On comprend alors que le régime Ouattara a une cause perdue d’avance. Du pain béni pour Henri Konan Bédié que le pouvoir avait tenté de présenter comme un xénophobe.
« Je crains même que ce soit là un problème très grave pour la stabilité du pays. (…) J’ai dénoncé l’orpaillage clandestin qui est le fait des non nationaux venus des pays voisins. C’est quoi l’orpaillage clandestin ? Comme toute ruée vers l’or, c’est des hordes des populations de migrants, qui viennent, s‘installent dans les villages, abiment l’écosystème du pays. Et pire, ces gens sont armés. C’est ce que j’ai dénoncé. Alors je ne vois pas en quoi cela est un message incitant à la xénophobie.» Recadre alors le président du Pdci-Rda lors du meeting co-organisé avec le Fpi pro-Gbagbo, le samedi 14 septembre 2019, à la place Jean-Paul II de Yamoussoukro.
Au moment où se tient à Abidjan, la 15ème Conférence des Partis (COP15) de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification et la sècheresse, remettre au centre des préoccupations la question de l’orpaillage clandestin est plus jamais nécessaire. Mais il ne faut pas compter sur le régime Ouattara pour exposer ce qui fait une de ses plus grosses plaies aux étrangers venus réfléchir sur les bords de lagune Ebrié. C’est d’ailleurs ce qui explique la mise à l’écart des partis de l’opposition dans les débats. Ce qui n’est pas du goût du parti de Laurent Gbagbo, le Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI).
Le parti de l’ancien président ivoirien a dénoncé « un évènement conduit dans un esprit partisan ». Pour le PPACI qui s’exprimait par la voix de son Porte-parole l’ancien ministre du Budget Justin Koné Katinan, « (…) le PPACI relève, malheureusement sans surprise, qu’un tel évènement, qui devrait rassembler autour de lui la Nation entière, soit conduit dans un esprit partisan qui exclut une grande partie de l’opinion politique et civile. » Et le parti de Laurent Gbagbo de regretter que « les précédents Cop ont donné lieu, ailleurs, à des confrontations d’opinions, parfois dans les rues, traduisant l’intérêt que la problématique de la sauvegarde de notre environnement suscite dans l’opinion mondiale. L’indifférences des populations ivoiriennes par rapport aux assises de la présente Cop, qui se tient chez elles, illustre la faiblesse de leur implication voulue par le gouvernement ivoirien ».
Comme on a pu le constater, la question de la gestion saine et profitable aux populations de l’environnement a été une fois de plus occultée par le pouvoir ivoirien. Pas un mot, pas une motion sur l’orpaillage clandestin qui est pourtant cause de destruction du sol, de la terre et des cultures.
Denzel Bereby
Akondanews.net