Contribution : Tapé Groubera invite les Africains à ne plus conserver le franc CFA qu’il qualifie de sous-monnaie nazie

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Abidjan, le 10 septembre 2022- Avec le nouvel ordre qui fait jour, les Africains notamment les élites ne devraient pas rater ce tournant. Car ils n´auront aucune excuse. Et parmi ces mesures que les dirigeants africains devraient prendre ici et maintenant, c´est de toute urgence la création d´une monnaie unique africaine (MUA) comme le demande depuis plus de deux décennies, le Professeur d´Economie Nicolas Agboho. Cela passe inexorablement par la fin immédiate des francs des Colonies Françaises d´Afrique (CFA) dont sont assujettis plus de 300 millions d´Africains.

  1. ET DES PAYS AFRICAINS HÉRITÈRENT D´UNE SOUS-MONNAIE COLONIALISTE

Les francs des Colonies Françaises d´Afrique (Franc CFA), furent créés, le 26 décembre 1945 par la France de de Gaulle pour ses colonies. Et cela, au lendemain (le 25 décembre) de l´enregistrement du nouveau franc français dans le nouveau système international monétaire, le Gold Exchange Standard, géré par le fonds monétaire international (FMI) sur la base de 7,461 mg d´or ou de son équivalent en dollars des États-Unis (US $). Dès cet instant, le franc CFA fut ainsi arrimé au franc français, et partant au dollar des États-Unis. Ainsi on eut: 1 US $ = 119,50 FF et 1 F CFA = 1,7 FF.

Ensuite, lors de la mise en place de la 5ème République Française, le Général de Gaulle, revenu au pouvoir, après le coup d´État du 13 mai 1958, va signer, le même jour, trois ordonnances relatives aux francs CFA :

  • Ordonnance n°59-490 du 4 avril 1959 relative au régime de l´émission dans la République malgache et aux Comores.
  • Ordonnance n°59-491 du 4 avril 1959 relative au régime de l´émission dans les États de l´Afrique de l´ouest.
  • Ordonnance n°59-492 du 4 avril 1959 relative au régime de l´émission dans les États de l´Afrique équatoriale et du Cameroun.

Et les États africains devraient (et continuent jusqu’à ce jour à), verser au Trésor français, et non à la Banque de France, la grande partie sinon la totalité de leurs avoirs. Ainsi, de 1960 à 1973, les Africains déposèrent auprès du Trésor français 100% de leurs avoirs. Ce taux fut réduit à 63% en 1973. Et depuis 2005, ce taux est de 50%. Imaginons un instant que la Côte d’Ivoire et le Niger vendent, chacun, respectivement son cacao et son uranium à 1 milliard de dollars. Ces deux pays doivent déposer chacun 500 millions de dollars auprès du Trésor français (soit 1 milliard de dollars que gagne la France sans faire un seul effort).

Et les 500 millions restants qui, officiellement, reviendront aux populations de ces deux pays. Si on suppose que les dirigeants de ces pays ne sont pas installés par la France (malheureusement ce n´est pas les cas), c´est avec ces 500 millions qu´ils doivent gérer tous les problèmes de leur pays. N´oublions pas non plus que ces monnaies sont fabriquées à Chamalières (en France). Donc, si on ajoute le montant des impressions des billets, il ne reste pas grande chose à la disposition des dirigeants africains. À titre d´exemple pour l´impression des billets pour la Banque Centrale des États de l´Afrique de l’Ouest (BCEAO), les Africains paient à la France entre 38 et 53 millions d’euros par an.

De plus, c´est la France qui dirige les trois banques centrales :

BCEAO pour l´Afrique de l’Ouest, BEAC (la Banque des États de l´Afrique Centrale) pour l´Afrique Centrale et BCC (Banque Centrale des Comores) pour les Comores. Car dans chaque conseil d´administration de ces trois banques centrales il y a des Français qui ont un droit de véto. En ce qui concerne, par exemple, la Banque Centrale des États de l´Afrique de l’Ouest (BCEAO), l´article 10 de ses statuts dispose ceci: Deux administrateurs sont désignés par la France pour participer au conseil d´administration de la BCEAO.

Rappelons à toute fin utile que la BCEAO est l´héritière de la Banque du Sénégal. Cette dernière fut créée par la France, en 1853, pour indemniser les esclavagistes européens, et non les esclaves africains.

Vous convenez avec moi que ces pays ne peuvent que s´endetter pour leurs développements. Et le pire, ils empruntent et remboursent dans une monnaie qui n´est pas la leur et, est forte : c´est le dollar. Car les francs CFA sont des sous-monnaies,

  1. LE LEURRE D´UNE SOI-DISANT MONNAIE FORTE

Dès fois, lorsque nous (défenseurs de la souveraineté monétaire) parlons de la fin des francs CFA, on nous fait comprendre que c´est une monnaie forte, parce qu´arrimée à l´euro. Et de ce fait, c´est une bonne chose. Je l´ai indiqué, dans mon ouvrage CES AFRICAINS ENNEMIS DESAFRICAINS, qu´avoir une monnaie forte ne signifie pas automatiquement une économie plus solide ou un pays plus développé.

De la page 109 à 111, je donne des exemples qui illustrent mon assertion. Je reproduis ici trois exemples :

d´abord, l´Italie, avant d´intégrer l´euro le 28 février 2002, avait sa propre monnaie. Celle-ci était inférieure à celle des 15 pays africains, utilisant le franc CFA. En effet, 1€ valait 1936,27 lires italiennes. Dans le même temps, 1€ valait en ce moment, environ 665 franc CFA (à l´heure où j´écris cet article, 1€ vaut 661,80€). Donc 1 franc CFA valait 2,95 lires italiennes. Et pourtant l´Italie fabrique des voitures. C´est un pays industrialisé qui fait partie du G8, c´est-à-dire les 8 pays occidentaux les plus développés.

Ensuite, il y a le Rial iranien.1€ valait (avant février 2022), 47 361, 17 rials iranien, soit 1 franc CFA équivaut à 72,20 Rials iranien. L´Iran à côté de tous les pays africains, notamment ceux utilisant le franc CFA, il n´y pas photo comme on le dit.

Enfin, il y a le Wong coréen (la Corée du Sud, bien sûr). Avant, 1€ valait 1 281,2809 wongs coréen. Soit 1 franc CFA valait 1,954 wong coréen. Et pourtant la Corée du Sud fabrique des voitures, exporte des produits manufacturés dans le monde, notamment en Afrique. Ces exemples montrent que les produits de rente, tels  le café, le cacao, l´uranium, l´or, le bois des pays africains de la zone CFA, dès qu´ils sont exportés, coûteront plus cher dans les pays étrangers.

  1. COMMENT LE FRANC C.F.A DÉTRUIT LA SOLIDARITÉ AFRICAINE ?

Nous allons partir d´un autre exemple celui du Vietnam pour illustrer notre thèse. La monnaie du Vietnam est le Dong. Avant 1€ équivalait à 26 029,21 Dongs vietnamien. Soit pour 1 franc CFA, il fallait débourser 39,68 Dongs vietnamien. Nous savons que, par exemple, le Vietnam produit du riz. La Côte d’Ivoire qui utilise le franc CFA, en produit également.

« Cette année, pour s’offrir un sac de riz de 1 kg à Ho Chi Minh Ville le coût est de 0,97 €. Ce prix peut diminuer jusqu’à 0,64 € et s’élever jusqu’à 1, 29 € selon les villes. Ce coût pour 1 kg de riz est moins important que le coût pratiqué en moyenne en France (de 50%) ».

Or « en général, pour s’acheter un sac de riz de 1 kg en Côte d’Ivoire le coût est de 1,1 €. Ce prix étant une moyenne, il peut descendre jusqu’à 0,76 € et se hisser jusqu’à 1,52 € selon les moments de l’année. Ce prix pour un kilogramme de riz est inférieur au prix constaté en moyenne en France (de 43%) »

À supposer que ces deux pays décident de ventre leur riz sur le marché international au même prix que celui pratiqué localement. Ainsi, il faudra, pour acheter 1 kg de riz vietnamien payer 0,97€ et 1,1 € pour celui de la Côte d’Ivoire. Et comme les Africains consomment le riz. En prenant l´exemple du Sénégal, pour sa consommation locale qui est de 90 kg par personne. Or le Sénégal a actuellement une population de 17 935 573 habitants. Pour ces 90 kg par personne, le Sénégal déboursera :

972 133 525 000 franc CFA (= 90×17 935 573× 0,91× 661,8)  pour acheter le riz vietnamien ; ou

1 175 106 459 000 franc CFA (=90×17 935 573× 1,1× 661,8) pour acheter le riz ivoirien.

Cela représente une différence nette de 202 872 934 000 franc CFA (environ 306 547 195,5 €).

Entre ces deux prix lequel choisira le Sénégal ? Bien évidemment celui du Vietnam. Voilà une des raisons objectives de notre manque de solidarité économique entre États africains.

  1. LA NOUVELLE ÈRE ÉCONOMIQUE EXIGE LA FIN DU CFA

Depuis l´opération spéciale de la Russie en Ukraine, une nouvelle ère, surtout économique se dessine et se construit. C´est le multilatéralisme contrairement à la domination unilatérale de l´occident, surtout des États-Unis, avec le dollar qu´ils ont imposé en 1945. Il faut savoir que ce n´est plus du papier, appelé monnaie contre les ressources. Ce sera très bientôt ressources contre ressources. La nouvelle donne est : « Tu veux prendre mon cacao, mon bauxite, mon pétrole, mon uranium etc. Mais que dois-je recevoir de toi en retour comme ressources ? »

Les États africains qui sont tous sans exception, des « scandales géologiques » (car regorgeant des ressources naturelles) ne doivent plus donner leurs ressources contre rien, puis après être traités de pays pauvres par ceux qui ont pris voire pillent leurs ressources.

Les trois zones du franc CFA qui est un cas unique au monde, sont à l´ordre du jour. L´arrimage à l´euro contre la volonté des Africains (opéré par la France seule) va les conduire à une catastrophe, si les dirigeants des 15 pays africains ne sortent pas  immédiatement du franc CFA et créer ensuite une monnaie qui leur est propre. Avoir sa monnaie, c´est une question d´identité pour un pays en économie. C´est aussi une question de souveraineté. Ce n´est pas de l´extérieur qu´on doit décider de la parité d´une monnaie africaine. C´est ce qui se passe avec le franc CFA. C´est la France qui a, d´abord, seule décidé d´arrimer les francs CFA au franc français. Ensuite qui, le 14 janvier 1994 décida de manière unilatérale, sans l´avis des Africains (même si seul SEM. Alassane Ouattara était informé car conseiller du premier français d´alors M. Édouard Balladur) de dévaluer les francs CFA. Et enfin, lorsque survient l´euro, en 2002, les Africains ne furent pas consultés (alors que les citoyens français l´ont été par référendum), la France a encore décidé seule d´arrimer les francs CFA à l´euro.

CONCLUSION

Lors des indépendances de 1960, des Africains vont du franc CFA. Cette sous-monnaie fut créée par la France de de Gaulle, le 26 décembre 1945 sur le modèle du franc français imposé pendant la guerre de 1939-1945, les Nazis. Et cela, malgré l´aide que l´Afrique apporta à l´Europe, et singulièrement à la France pour qu’elle se libère du nazisme. Les francs CFA sont des monnaies qui sont dirigées par la France, à son service et appauvrissent l´Afrique. Car avec ces faux papiers,  la France a pillé les ressources naturelles des pays africains.

À l´avènement de la nouvelle ère monétaire, où il sera question de ressources contre ressources (et non ressources naturelles contre du papier), les Africains ne doivent, plus un seul instant, conserver cette sous-monnaie nazie qu´est le franc CFA. Car arrimée actuellement à l´euro contre la volonté des Africains, elle va également baisser en « valeur « , voire, chuter comme le fait actuellement l´Euro. Il y va de la survie des Africains, de leur honneur et de Dignité.

Pour tout cela, nous disons et crions : « Il faut ici et maintenant la fin des francs CFA. L´histoire est le tribunal des peuples »

Tapé Groubera, président du Mouvement pour la Renaissance de l’Afrique (MORAF)

Akondanews.net

 

 

 

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