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J’ai eu le privilège d’assister à la 3ème édition du Programme «Au cœur du débat», le mardi 10 mars 2019, à l’hôtel TIAMA, sur le thème: «Quelle politique pour une meilleure adéquation formation-emploi ?». C’était une initiative conjointe des trois fondations politiques allemandes en Côte d’Ivoire: la Friedrich-Ebert-Stiftung, la Konrad-Adenauer-Stiftung et la Friedrich Naumann.
Comme le thème l’indiquait, il s’agissait pour cette rencontre de haut niveau de confronter les vues de différents acteurs politiques et entrepreneurs sur la question de l’emploi, et surtout de l’employabilité des diplômés en Côte d’Ivoire.
Ce fut le Docteur Brice Kouassi, Secrétaire d’Etat chargé de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle, qui représentait le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), le préfet hors grade, Gervais Coulibaly, président de CAP-UNIR pour la démocratie et le développement (CAP-UDD) et le Docteur Daouda Gba, Secrétaire exécutif du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) chargé de l’Insertion professionnelle et chef d’entreprise.
Au-delà des petites piques que les représentants du RHDP et du PDCI, les deux grandes formations politiques du moment, ne cessaient de se lancer tout au long du débat, il faut dire que l’événement a mis le doigt sur une problématique à la fois majeure, complexe et grandissante, l’employabilité des diplômés.
Ce qui se pose comme problème, c’est que d’un côté, les entreprises peinent à trouver la main-d’œuvre qualifiée tandis que de l’autre, les diplômés sortent, chaque année, des universités et Grandes Ecoles, par milliers, munis de leur diplôme et qui ne peuvent trouver un emploi. Alors, les entreprises sont confrontées à une difficulté: faut-il se contenter de recruter ces diplômés en l’état quitte à les réformer par la suite? Ou alors, il faut faire appel à la main d’œuvre étrangère? Dans un souci de solidarité nationale, parfois, ou de responsabilité sociétale, on n’hésite pas à explorer la première option, mais alors, « qui va faire le travail de celui qui sera chargé de former la recrue?».
C’est cette question que le Docteur Gba, chef d’entreprise, posa au Docteur Brice Kouassi, car, poursuivi-t-il: « Ce n’est pas à nous de former les diplômés, c’est la tâche et la responsabilité de l’Etat. Nous avons des factures à payer donc on veut des diplômés qui soient automatiquement opérationnels».
A ce propos, il est estimé qu’en 2009, plus d’un quart des entreprises modernes considéraient la mauvaise qualité de la main-d’œuvre comme un frein à leur compétitivité. Toutefois, l’éventualité pour les employeurs de rechercher les profils adéquats à l’étranger n’est pas du tout exclue, même avec tout ce que cela comporte comme procédures et charges. On sait qu’à l’origine, l’université a vu le jour pour faire la promotion de la recherche, du développement et de l’innovation, mais dans une économie sans cesse en mutation et imprévisible, il est apparu impératif que l’Alma Mater évolue et s’adapte à ce changement. Désormais, il s’agit d’équiper les diplômés de l’enseignement tertiaire de qualifications et de compétences pratiques en phase avec celles exigées par le marché de l’emploi, ce qui leur permettra de prendre une part active dans le développement de leurs communautés. Pour autant, cette nouvelle donne a du mal à s’imposer dans la plupart des institutions d’enseignement supérieur africaines où «…les systèmes éducatifs ont été orientés vers l’obtention d’un diplôme plutôt que vers l’acquisition de qualifications et de compétences qui favorisent une intégration réussie dans le monde du travail. », même envers et contre la réforme pédagogique de licence, master et doctorat (LMD) dont le maître-mot est la professionnalisation.
Pour résoudre ce paradoxe de l’inadéquation entre les compétences que les étudiants acquièrent à l’université et dans les grandes écoles et celles que les employeurs recherchent, il faut procéder à une refonte totale du système éducatif dans son ensemble par la modernisation des offres de formation de sorte à les adapter aux besoins du monde productif, sinon à les anticiper.
Par exemple, on sait qu’avec la transformation rapide de l’économie, « des secteurs comme la construction, la fabrication, l’économie numérique, les transports, les banques, les soins médicaux et l’ingénierie auront toujours besoin de candidats qualifiés», et qu’en faisant la promotion et en investissant continuellement dans les Sciences, Technologie, Ingénierie et Mathématiques (STEM), c’est l’assurance d’éviter de transformer les institutions d’éducation tertiaire en usines à diplômes (Diploma Mills) au lieu de contribuer à la réduction du chômage, du sous-emploi et de l’emploi précaire des diplômés.
En outre, il faudra beaucoup plus mettre l’accent sur la préparation des apprenants au monde professionnel en institutionnalisant les mécanismes d’apprentissage expérientiel comme le bénévolat, le volontariat, l’alternance, le stage, la collaboration institutionnelle, etc.
Oussou Kouamé Rémi, Enseignant-chercheur à l’Université Alassane Ouattara-Bouaké et Doyen du Campus 2 de l’université internationale Clairefontaine- Expert en emploi et employabilité de l’étudiant
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