Depuis 2020, les coups de force sont devenus légion en Afrique francophone, notamment. Ce sont respectivement la Guinée, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Gabon.
Pour ce qui est de la Guinée, puisque c’est elle qui a entamé cette série, les scènes de liesse populaire, le lundi 06 septembre, dans les rues de Conakry, la capitale guinéenne, pourraient faire croire que le pays venait de remporter une médaille aux Jeux Olympiques ou de se qualifier dans une compétition internationale.
Hélas non! Ce n’était ni l’un ni l’autre. La Guinée-Conakry, qui s’apprêtait à souffler sa 63ème bougie, venait de connaître son premier coup d’Etat le dimanche 05 septembre lorsque des militaires, menés par le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, ont capturé le président en exercice, Alpha Condé. Aussitôt, la constitution, les institutions et le gouvernement qui ont servi de support à son 3ème mandat sont dissous tandis qu’un couvre-feu est instauré sur toute l’étendue du territoire.
Le leader des putschistes, Mamady Doumbouya a promis un gouvernement d’union nationale qui aura la charge de conduire une « transition » politique en assurant qu’il n’y aura pas de «chasse aux sorcières».
Selon les forces spéciales qui ont mené cette opération, il fallait mettre fin à «la gabegie financière, la pauvreté et la corruption endémique» et «l’instrumentalisation de la justice (et) le piétinement des droits des citoyens».
Le coup d’Etat vient mettre fin, dit-on, à «…des mois de grave crise politique et économique, aggravée par la pandémie de Covid-19, sous la présidence très personnalisée, autoritaire selon ses détracteurs, du président Condé, au pouvoir depuis 2010 mais de plus en plus isolé».
Bien que ce putsch puisse être considéré comme un coup de semonce pour les présidents qui ont rempilé pour un 3ème mandat, une question cruciale s’impose: un coup d’Etat est-il à saluer ?
Comme le soutient « Le Djély », site d’information sur la Guinée, le coup de force guinéen constitue un «grand recul» pour ce pays. Car après le Tchad, le Mali, le site d’information guinéen s’alarme de la «manie de la soldatesque (d’Afrique de l’Ouest) de faire irruption dans le champ politique » et de « ces images (humiliantes) de dirigeants, montrés à la face du monde sous leurs mauvais jours».
Ceci étant, reste à savoir si, comme il le soutient, le Lieutenant-Colonel Doumbouya va vraiment rendre «la politique au peuple».
Par ailleurs, une question fondamentale reste posée : ce coup est-il le résultat d’un règlement de comptes personnel ou une action pour le bien-être du peuple guinéen?
La situation politique des derniers mois couplée aux circonstances qui ont précédé ce putsch permettent de douter de la sincérité des propos de la junte militaire. Car entre les luttes intestines au sein du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) et les problèmes de leadership dans le propre camp présidentiel, et le bruit selon lequel M. Alpha Condé voulait procéder à l’arrestation de l’ancien légionnaire, le colonel Doumbouya, parce qu’étant soupçonné d’entretenir des liens avec Assimi Goïta, l’homme fort actuel du Mali, on est en droit de dire que le colonel Doumbouya a profité d’une situation confuse pour sauver sa peau.
Depuis lors, le Mali et le Burkina Faso ont emboîté le pas à la Guinée et, aujourd’hui, c’est le Gabon pourtant « havre de paix » qui vient de s’ajouter à une liste déjà impressionnante des pays qui ont choisi la voie de la violence plutôt que celle des urnes.
Dans ces situations, on a toujours tendance à voir la main occulte de la France. Mais, de toute façon, que le cas guinéen, burkinabè, malien, nigérien ou gabonais, soit du propre chef des militaires ou simplement téléguidé par la puissance tutelle, la multiplication des putschs en Afrique, notamment francophone, devrait sonner comme un signal d’alarme pour les gouvernants dans une Afrique où la démocratie et l’égalité des chances ne font que reculer, en dépit des grands discours et des vœux pieux.
Dans tous les cas, au cas nigérien, dernier en date, qui est devenu une épine dans le pied de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) est venu s’ajouter le cas gabonais, pays pourtant réputé stable ; ce qui pourrait faire craindre le pire.
Sans être un oiseau de mauvais augure, la question qui brûle toutes les lèvres dans ces Etats aujourd’hui est celle-ci : et si mon pays était le prochain sur la liste de ces pronunciamientos tous azimuts ?
Oussou Kouamé Rémi, Enseignant-chercheur à l’Université Alassane Ouattara-Bouaké et Doyen du Campus 2 de l’université internationale Clairefontaine- Expert en emploi et employabilité de l’étudiant
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