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Au moment où tous les regards sont fixés vers un pays bloqué dans sa gouvernance à l’approche des nouvelles échéances électorales, Yaoundé expose aux yeux du monde sa détermination à assommer tout élan de démocratie. La reconduction au perchoir des présidents des deux chambres du parlement est un message clair à l’endroit du peuple et surtout une volonté de maintenir le pays dans l’agonie.
Marcel Niat NJIFENJI 90 ans président unique du Sénat depuis 2013 et Cavaye YEGUIE Djibril 84 ans dont 32 à la tête de l’assemblée nationale, ne sont certainement pas la source des malheurs de la démocratie au Cameroun. Bien qu’étant acteurs, les présidents des deux chambres du parlement camerounais nouvellement reconduits à leurs postes subissent aussi un système bien pensé par le régime de Yaoundé. Lequel régime a toujours su utiliser le statu quo aux belles âmes de la conservation du pouvoir.

Impliquer par noyade, toute la chaîne
Depuis son accession à la magistrature suprême en 1982, le président Paul Biya n’a jamais failli dans sa stratégie de s’entourer des mêmes. D’ailleurs, il a toujours réussi à un tel point que le seul irréprochable c’est lui; ce sont les autres qui dérangent et font mal à la patrie. C’est ce qui peut justifier en partie, la présence de plusieurs pontes du régimes en prison pour des motifs variés. Conscient que le bilan en 42 ans de règne est de loin la chose qui peut réjouir les camerounais, le président de la république choisit d’anticiper. Faire avec les mêmes tout le temps, c’est non seulement partager son bilan, mais aussi se rassurer que personne de ceux qui ont contribué n’y soit épargné au moment où viendront les comptes. Aucune surprise donc de voir reconduits aux perchoirs, des présidents incapables de prononcer un discours audible ou de tenir sur leurs deux pieds. Ce sont ces présidents qui, une fois réélus, rejoignent le village pour le reste de la session ou l’Europe pour des évacuations sanitaires aux frais du contribuable en attendant la prochaine année législative. Aucun problème si le monde entier s’accorde à dire que ces derniers sont fatigués et doivent laisser la place aux autres; ce discours n’influence pas Yaoundé. Si c’est un exploit pour les heureux élus qui peuvent se targuer d’être des “éternels élus” qui parfois font usage de certaines positions aux allures de chantage, pour le locataire du palais d’Etoudi il s’agit tout simplement de les impliquer davantage dans la grosse note à payer au peuple camerounais au bord de l’implosion. Ce ne sera donc pas seulement une affaire des Biya mais de toute la chaîne entière.Voilà comment tout un instrument de puissance qui devrait servir le jeu démocratique devient une affaire de conservation à la charge d’un exécutif qui se rassure de faire appliquer ses consignes aux parlementaires soumis à sa cause. Ceci, devant une opposition faible, désorganisée et surtout fragilisée.
La chasse aux opposants et menaces sur la liberté d’association
Être opposant au Cameroun se résume à opérer un choix sur deux: soit vous êtes partisan du régime et bénéficiez de ses grâces et faveurs en utilisant le pseudo d’opposant, soit vous avez le régime pour adversaire et subissez ses soubresauts. Le régime par exemple peut décider de faire de vous un homme politique, manoeuvrer pour vous attribuer un parti politique en vous confiant une base électorale contrôlée et que l’administration peut retirer en cas de comportement jugé désinvolte. Oui au Cameroun l’administration s’engage et s’implique dans les affaires internes des partis politiques et les divise pour semer la discorde et permettre au parti au pouvoir de dominer la scène politique nationale. Tout poste de nomination est susceptible d’appartenir au parti au pouvoir raison pour laquelle seul ce parti, le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC) est le seul à obtenir des administrateurs civils, les autorisations de manifestation publiques. Toute demande introduite par l’opposition est perçue comme un trouble à l’ordre public. Les alliances et coalitions entre partis politiques ne sont possibles que pour les partis proches du pouvoir, les autres étant tout simplement interdites de fonctionnement. Difficile de tenir pour longtemps dans pareil environnement, nombreux sont les hommes politiques qui se compromettent pour rejoindre la machine. Les plus résistants à l’instar du professeur Maurice Kamto le président du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) subissent un harcèlement dont l’unique enjeu est de les déstabiliser et mettre hors course et ceci passe par des menaces et parfois des emprisonnements des leaders politiques.
Paralysie institutionnelle
Tous les signaux annonciateurs d’un État en déroute sont au rouge. La nation est bloquée dans son fonctionnement et aucune institution de souveraineté n’est épargnée. Le président de la République ne parvient plus à aménager l’équipe gouvernementale actuellement divisée en camps dont les principaux sont la (Task Force) et la ( Ligne 94) pilotés par les pontes du régime engagés dans une lutte de succession. Parce que tous ont le pouvoir, tous les coups sont permis avec au milieu un président de la république lui-même pris dans le piège de la redevabilité. Ce climat facilite l’installation d’un statu quo au risque de faire tomber les uns qui entraîneraient forcément avec eux, le bateau tout entier. Le système judiciaire souffre de plusieurs maux dont son incapacité à travailler sereinement parce que agit aux ordres. Ceux qui doivent être jugés sont en majorité protégés par ceux qui tiennent les ficelles et qui eux-mêmes sont passibles de jugement. L’affaire de l’assassinat du journaliste Martinez Zogo en 2022 par les élements des services de la Direction Générale du Renseignement Extérieur (DGRE) est venue exposer davantage un système qui présentait déjà des failles. Le législatif est acquis à la solde du pouvoir central qui décide de tout. Toutes les lois arrivées au parlement passent comme des lettres à la poste même quand elles font objet de critiques. Plusieurs postes au sein du gouvernement sont assurés à titre intérimaire après décès de leur détenteurs. Les ministres et responsables cités dans des cas d’assassinats et autres détournements de deniers publics sont toujours aux affaires et le pays est désormais dirigé sous hautes instructions. Le climat socio-politique est dominé par la violence tribale et les contestations de toutes sortes à l’approche des élections de 2025. Pour de nombreux citoyens, ces échéances restent une opportunité idoine pour redonner un souffle nouveau à la démocratie au Cameroun.
Yves Modeste Ngue(Correspondant au Cameroun)
Akondanews.net