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Au moment où les universités annoncent leur emboîter le pas d’ici le 02 juin prochain, la grève entamée il y’a plusieurs semaines par les seigneurs de la craie continue dans les établissements du secondaire et primaire. Agissant sous les slogans « On a trop supporté (Ots) » et « Trop c’est trop (Tct) », ils exigent l’épuration totale de la dette due à leurs revendications. Lesquelles font l’objet d’une récupération politique.
Les enseignants du secondaire au Cameroun entament ce lundi 21 mars, leur cinquième semaine de grève. Comme principales revendications, ils exigent l’application du statut particulier de l’enseignant, l’automatisation des avancements et le paiement de la dette de cent quatre vingt un milliards de francs (181.000.000.000 frs) par le gouvernement. Concrètement, les enseignants en ont marre de travailler sans percevoir la totalité de leur salaire. Que dire du rappel, du suivi des dossiers d’intégration et de carrière à la fonction publique, de l’absence de certaines primes et avancements ou du non paiement des frais de correction des examens officiels.
Le mouvement a démarré le 21 février dernier et n’a pas pu être maîtrisé par les autorités camerounaises malgré les multiples efforts consentis pour résoudre le problème. Les autorités ont réuni les différents ministères de tutelle concernés au cours d’une communication gouvernementale pour présenter la situation et surtout annoncer quelques mesures d’urgence à prendre dans l’optique d’un retour à l’apaisement.
Sur le terrain, c’est un mouvement de cohésion inédit qui est observé. En effet, le Cameroun n’avait pas vécu ce genre de crise par le passé de manière à voir une implication de la quasi totalité des fonctionnaires concernés à travers toutes les régions. Ceux-ci, bénéficiant d’un soutien de l’opinion nationale. Même en 2017 lorsque ces mêmes enseignants cette fois regroupés sous la bannière «les indignés» l’ampleur n’avait pas été pareil que celui de 2022 baptisé «On a trop supporté» (OTS) qui entend aller jusqu’au bout avec des exigences du genre «argent en poche, craie en main».
Le principe «craie morte» est simple et consiste pour les enseignants de partir à l’école, tout en ne dispensant pas de cours. Et ce que les pouvoirs publics semblent n’avoir pas compris est que le mouvement est préparé avec des enseignants qui sont prêts à tout; même s’il faut «être révoqués» du corps.
En commençant par ne reconnaître aucune légitimité au mouvement, les autorités de Yaoundé ont péché en provoquant une radicalisation de la mobilisation. Conséquence, des concertations régulières tenues jusqu’ici, à l’infiltration du mouvement pour créer une branche minoritaire des «OTS» reconnus républicains et instrumentalisés pour la cause en passant par l’intimidation de certains chefs d’établissements et autorités administratives, rien a pu interrompre le mot d’ordre de grève toujours en cours.
Les enseignants ne veulent plus des promesses et par conséquent, l’annonce de solder la dette sur plusieurs années ne les arrange pas.
Menace d’une année blanche et récupération politique
L’année scolaire 2021-2022 au Cameroun vit des perturbations inquiétantes. D’abord le bouleversement du calendrier des cours en janvier et février à l’occasion de la tenue de la coupe d’Afrique des Nations de Football au Cameroun a eu son incidence à plusieurs niveaux. En y ajoutant la crise en cours, il convient de s’interroger sur le sort que réserve l’éducation cette année au Cameroun. La menace plane sur une année scolaire blanche que les autorités auraient pu gérer autrement en préservant l’éducation des enfants. En passant à côté, la situation se complique et l’entrée en scène des hommes politiques contribuera tout simplement à l’envenimer.
Les leaders politiques n’ont pas manqué l’occasion de bondir sur l’affaire pour non seulement soutenir les revendications jugées «légitimes» des enseignants, mais aussi, de critiquer à nouveau la gestion de l’administration Camerounaise. L’opposant et candidat malheureux à la présidentielle de 2018 Maurice KAMTO président du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) a officiellement marqué son soutien aux enseignants en proposant quelques mesures qu’il prendrait d’urgence pour résoudre cette crise s’il était président de la République. Entre autres, la mise sur pied d’une commission paritaire chargée du règlement de la dette de l’Etat et de son épuration de 50 pour cent à l’immédiat et le reste sur six mois, l’intégration des enseignants en attente ou le suivi des dossiers de carrière. Cabral Libii Li NGUE, président du Parti Camerounais pour la Réconciliation Nationale (PCRN) de son côté, dénonce l’instrumentalisation des enseignants et la tenue de certains discours par des intellectuels qui selon lui, constituent une mauvaise approche qui a conduit à la radicalisation de plusieurs personnes dans le conflit armée qu’il y a actuellement dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun.
Le député à l’Assemblée Nationale a aussi condamné la mort du jeune enseignant HAMIDOU décédé après dix ans de travail sans salaire.
Ces positions des hommes politiques portent un coup dans la possibilité de résoudre la situation en cours avec un risque de généralisation du mouvement. Sur le terrain, les enseignants du primaire ont aussi entamé une grève au lendemain de la communication gouvernementale du 10 mars dernier pour poser leur part de revendications et accusent le ministre de l’éducation de base d’avoir tenu des propos jugés déplacés. Leur slogan est Trop c’est trop (Tct).
Les universités entendent leur emboîter le pas d’ici le 02 juin prochain. Le personnel de santé projette un mouvement similaire et selon certaines sources, d’autres corps de métiers pourraient suivre le pas dans des semaines à venir.
YVES MODESTE NGUE
Akondanews.net