Bases militaires françaises en Afrique – Une souveraineté sous influence ?

Lecteur Audio
Getting your Trinity Audio player ready...

La présence militaire française en Afrique continue de soulever des questions fondamentales sur la souveraineté des nations africaines et l’équilibre des relations franco-africaines. L’interview récente de Jean-Marie Bockel, envoyé spécial du président Emmanuel Macron, met en lumière les efforts de la France pour « reconfigurer » sa présence militaire en Côte d’Ivoire, au Gabon, au Tchad et au Sénégal. Mais derrière ce discours de partenariat renouvelé, des contradictions flagrantes subsistent, ternissant la crédibilité de cette approche.

Le paradoxe français : souveraineté pour soi, ingérence pour les autres

En 1966, le général de Gaulle a refusé l’installation de bases militaires américaines en France, affirmant haut et fort que la souveraineté nationale était incompatible avec la présence durable de troupes étrangères sur son territoire. Pourtant, la même France maintient, parfois avec insistance, des bases militaires dans plusieurs pays africains. Ce double standard, rarement reconnu dans le discours officiel, alimente les accusations de néocolonialisme et d’hypocrisie.

Comment justifier que ce qui est inacceptable en France soit imposé à d’autres nations ? La souveraineté, pour être crédible, ne peut être à géométrie variable.

Le poids des élites : quand la voix des peuples est étouffée

Jean-Marie Bockel affirme qu’aucun des chefs d’État des pays concernés n’a demandé le départ des bases militaires françaises. Cette déclaration mérite d’être nuancée. Dans de nombreux pays africains, les dirigeants sont souvent perçus comme dépendants de la France, économiquement ou politiquement. Leur silence ne peut être interprété comme un consentement authentique, surtout en l’absence de consultations populaires.

Pourquoi les populations africaines, premières concernées par ces installations, ne sont-elles jamais consultées ? Un référendum sur la présence militaire française aurait non seulement apporté une légitimité démocratique, mais aussi dissipé une partie des soupçons d’imposition unilatérale.

La « reconfiguration » : une façade ou un vrai changement ?

Dans son entretien, Bockel évoque une réduction progressive des effectifs et une « co-construction » de partenariats avec les armées locales. Si l’idée semble louable, elle reste ambiguë. La réduction des troupes ne signifie pas nécessairement une diminution de l’influence française. En effet, le contrôle des équipements, des formations et des stratégies militaires peut prolonger une dépendance déguisée.

De plus, cette approche évite soigneusement de répondre à une question clé : pourquoi maintenir des bases militaires en Afrique alors que la demande populaire pour une autonomie totale s’intensifie ? La « reconfiguration » apparaît davantage comme un habillage stratégique qu’un réel changement de paradigme.

Un rejet croissant et des leçons non tirées

Le rejet de la présence militaire française dans le Sahel – au Mali, au Burkina Faso et au Niger – aurait dû servir de signal d’alerte. Ces expulsions reflètent un ras-le-bol généralisé face à une présence perçue comme paternaliste et inefficace. Pourtant, la France persiste à justifier sa présence en Afrique subsaharienne sous prétexte de sécurité et de lutte contre le terrorisme. Mais ces arguments, bien que valables dans certains contextes, ne suffisent plus à masquer les tensions croissantes.

Quelle issue pour la France et l’Afrique ?

La France se trouve à un tournant critique de sa relation avec l’Afrique. Si elle souhaite réellement bâtir une nouvelle ère de coopération, elle doit :
• Revoir ses méthodes : inclure des consultations populaires et promouvoir la transparence dans les accords de défense.
• Respecter la souveraineté : accepter, le cas échéant, que certains pays préfèrent une autonomie totale.
• Réfléchir à son rôle : passer d’un statut de puissance tutélaire à celui de partenaire véritable, sans conditions implicites.

Conclusion : Vers une rupture nécessaire

La question des bases militaires françaises en Afrique dépasse la simple présence physique des soldats. Elle incarne un enjeu plus vaste : celui de la place de l’Afrique dans ses relations avec le monde et de sa capacité à exercer pleinement sa souveraineté.

Pour la France, c’est une opportunité de redéfinir sa politique étrangère, mais aussi un défi. Car sans une remise en question sincère, elle risque de voir ses partenariats s’effondrer sous le poids des rancunes historiques et des aspirations légitimes des peuples africains à l’autonomie. L’heure n’est plus aux demi-mesures : une rupture claire avec le passé est essentielle, à la fois pour l’Afrique et pour la France.

ElloMarie conscience africaine, analyste politique et contributeur à Akondanews

Akondanews.net

Laisser un commentaire

Traduire»