Le 25 septembre 2025, Assata Shakur s’est éteinte à Cuba, où elle vivait en exil depuis plus de quarante ans. Son décès, survenu dans un silence diplomatique pesant, marque la fin d’une vie exceptionnelle, marquée par le militantisme, la clandestinité et la controverse. Figure emblématique de la lutte noire aux États-Unis, ancienne militante des Black Panthers et membre du Black Liberation Army, Assata Shakur a traversé l’histoire contemporaine américaine comme une icône vivante et contestée. Ce portrait retrace son destin fulgurant, entre engagement radical, exil et mémoire controversée.
Les origines et l’engagement précoce
Née JoAnne Deborah Byron le 16 juillet 1947 dans le New Jersey, Assata Shakur grandit dans un environnement où ségrégation, discrimination raciale et violences policières sont le quotidien. Très tôt, elle prend conscience de l’injustice qui frappe la communauté noire américaine et s’intéresse aux mouvements militants naissants dans les années 1960.
Le contexte de l’époque est crucial : les États-Unis traversent une période de forte agitation sociale et politique. Le mouvement des droits civiques est en plein essor, avec Martin Luther King Jr., Malcolm X et d’autres figures charismatiques qui incarnent la lutte contre la ségrégation et l’oppression. Assata Shakur s’implique d’abord dans des initiatives locales de défense des droits civiques, participant à des actions communautaires et à des programmes d’éducation politique pour les jeunes afro-américains.
Son engagement devient radical lorsqu’elle rejoint les Black Panthers, organisation révolutionnaire prônant l’autodéfense des communautés noires et la justice sociale. Les Panthers, avec leur programme de protection communautaire et de surveillance des forces de police, offrent à Assata Shakur un cadre pour transformer sa révolte personnelle en action politique structurée. Elle s’implique notamment dans les programmes de petits-déjeuners pour enfants et dans l’éducation civique, mais aussi dans des opérations plus audacieuses visant à défendre les communautés contre les violences policières.
Le Black Liberation Army et la clandestinité
Au début des années 1970, face à la répression policière croissante et à l’intensification de la surveillance du FBI, Assata Shakur rejoint le Black Liberation Army (BLA), groupe clandestin formé par d’anciens membres des Black Panthers. Le BLA se distingue par sa stratégie de lutte armée contre ce qu’il considère comme un État oppressif, avec pour objectif de défendre les communautés noires et de provoquer un changement structurel dans la société américaine.
Les actions du BLA attirent rapidement l’attention des autorités fédérales. Assata Shakur est impliquée dans plusieurs incidents violents, dont l’attaque d’une patrouille de police dans le New Jersey en 1973, qui aboutit à la mort d’un policier. Sa détention et les procès qui s’ensuivent la propulsent sur le devant de la scène nationale. Elle devient, pour certains, une militante héroïque luttant pour la liberté et l’égalité ; pour d’autres, une criminelle recherchée.
L’un des aspects les plus marquants de cette période est son arrestation en 1973 et sa détention prolongée. Malgré les charges lourdes, Assata Shakur maintient une posture ferme, dénonçant ce qu’elle considère comme des procès politiquement motivés et des pratiques judiciaires discriminatoires. Ses lettres et déclarations publiques témoignent de sa détermination à résister face à un système judiciaire qu’elle juge injuste et partial.
L’exil cubain et la construction d’un mythe
En 1979, après plusieurs années de procès et de détention, Assata Shakur parvient à s’évader et se réfugie à Cuba, qui lui accorde l’asile politique. Ce choix marque le début d’un exil de plus de quarante ans, pendant lequel elle devient un symbole international de la résistance noire et de la lutte contre l’oppression étatique.
À Cuba, elle poursuit ses engagements politiques, notamment par l’écriture, la formation et le soutien à des mouvements militants aux États-Unis et à travers le monde. Sa présence sur le sol cubain est également un point de friction diplomatique entre Washington et La Havane, les autorités américaines exigeant régulièrement son extradition.
En 1984, elle devient la première femme à figurer sur la liste des terroristes les plus recherchés par le FBI. Ce statut alimente la controverse autour de son image : héroïne pour les militants noirs et radicaux, criminelle pour l’État américain. Le gouvernement cubain refuse de la livrer aux autorités américaines, renforçant son aura de mythe vivant.
Durant son exil, Assata Shakur continue de publier des écrits et de donner des interviews, abordant des thèmes tels que la justice raciale, l’autodéfense des communautés marginalisées et la critique de l’impérialisme américain. Ces interventions contribuent à maintenir sa notoriété et à inspirer de nouvelles générations de militants, tout en attisant la controverse dans les médias mainstream.
Controverses et perception publique
L’histoire d’Assata Shakur est intrinsèquement liée aux tensions sociales et raciales aux États-Unis. Aux yeux de l’État et de nombreux médias américains, elle reste une criminelle recherchée et un symbole de la radicalisation militante. Cependant, pour ses partisans et pour de nombreux observateurs internationaux, elle est une icône de la résistance, une femme ayant consacré sa vie à la lutte contre l’oppression et l’injustice.
Cette dualité se reflète dans la culture populaire et académique. Son nom apparaît dans des chansons, des livres et des documentaires, souvent associé à la lutte pour l’égalité et la justice sociale. Dans les mouvements contemporains comme Black Lives Matter, son image continue d’être utilisée comme un symbole de résistance face aux violences policières et à la discrimination systémique.
Les enjeux géopolitiques de son exil
L’exil prolongé d’Assata Shakur à Cuba illustre également les tensions internationales entre les États-Unis et certains États souverains. Cuba, en refusant son extradition, affirme son indépendance face aux pressions américaines et en fait un symbole de protection des militants exilés. Cette situation contribue à la perception de Shakur non seulement comme une militante américaine, mais comme une figure globale du combat pour les droits et la dignité des peuples opprimés.
Par ailleurs, son statut d’icône internationale renforce la visibilité des luttes noires au-delà des frontières américaines. Son récit est étudié dans les universités, analysé par des chercheurs en sciences sociales et utilisé dans la formation de militants à travers le monde.
La fin d’une vie, le début d’un mythe
Assata Shakur est morte le 25 septembre 2025, à Cuba, sans retour possible aux États-Unis. Sa disparition survient dans un relatif silence diplomatique, mais elle marque la fin d’une époque : celle où la lutte noire radicale américaine trouvait en elle une figure centrale.
Malgré les controverses et les divisions autour de sa vie et de son œuvre, elle laisse un héritage indéniable. Sa trajectoire illustre les contradictions et les tensions d’une Amérique en proie aux inégalités raciales, à la répression et aux débats sur les droits civiques. Elle reste également un symbole pour les mouvements militants contemporains qui s’inspirent de sa résistance et de sa détermination à lutter contre l’injustice, même au prix de l’exil.
Les dernières années de sa vie à Cuba ont été marquées par la discrétion et la réflexion. Assata Shakur, loin de l’agitation américaine, continue de représenter une mémoire vivante des combats passés, mais aussi un point de référence pour les luttes à venir.
Une mémoire qui divise
La vie et l’œuvre d’Assata Shakur illustrent la manière dont l’histoire peut être interprétée différemment selon les perspectives. Pour certains, elle est une criminelle radicale ; pour d’autres, une résistante courageuse. Son récit force à interroger les notions de justice, de légitimité et de mémoire. Il rappelle aussi que l’histoire officielle peut marginaliser des figures dont la vision et les combats dérangent le statu quo.
Ainsi, le nom d’Assata Shakur restera à jamais associé à la résistance noire, à l’exil politique et à la contestation radicale. Son héritage transcende les frontières et les générations, offrant une réflexion permanente sur le courage, l’injustice et la mémoire interdite.
Assata Shakur, née JoAnne Deborah Byron, ancienne militante des Black Panthers et du Black Liberation Army, première femme sur la liste des terroristes du FBI, est morte le 25 septembre 2025 à Cuba. Elle laisse derrière elle un héritage révolutionnaire et controversé, oscillant entre mythe, mémoire et légende vivante.
La rédaction
Akondanews.net